#7 « Les noix de chez nous, c’est toujours appréciable. »

L’odyssée d’Olivier : 4400 km, le bilan du deuxième mois

Olivier garde toujours un très bon rythme dans sa longue course vers le Sud de l’Europe. Comme pour le bilan du premier mois, L’avertY vous propose cette semaine une interview plus longue, réalisée le 30 août, pour fêter les deux mois depuis le départ du Cap Nord en Norvège.

Épisodes précédents…
#0
(Re)-lire l’interview d’Olivier au départ fictif à Grenoble
#1
Passer le cap
#2
Fuir les moustiques
#3
Mer fraîche, feux de forêts
#4
2000 km, le bilan du premiers mois (la mensuelle)
#5
Un rythme à deux
#6
L’Elbe cool

Parmi les personnes que tu as déjà croisées sur ton trajet, qui aimerais-tu revoir après cette odyssée à vélo ?

Le plus évident pour moi, ce serait Richard que j’ai croisé d’abord sur le bateau, puis à Berlin. On a beaucoup échangé, on s’entendait bien, on était en phase sur pas mal de sujets. Le fait de bien parler anglais tous les deux, on arrivait bien à discuter. Le petit couple qui m’a hébergé en Allemagne était vraiment sympa, mais avec eux j’ai eu plus de mal à échanger. C’était un peu moins riche comme échange, mais quand même super sympa. Si j’avais l’occasion de les recroiser, ce serait super cool. J’ai prévu de leur envoyer une carte postale un peu plus tard dans le voyage.

Avec ces gens-là, on a pris le temps de faire connaissance. Ce n’est pas juste des gens que j’ai croisé, à qui j’ai dit bonjour et avec qui j’ai échangé trois mots. J’ai passé un peu de temps. On s’est raconté nos vies. À partir de là, je me sens plus proche de ces personnes-là, que d’autres personnes croisées en coup de vent.

Wilfried et Krista, couple allemand qui a hébergé Olivier

Si tu devais déménager dans un des pays déjà visités, ce serait lequel et pourquoi ?

Je pense que ça serait la Suède. Ça dépend un peu où en Suède, mais globalement les gens sont très cool. La culture n’est pas si différente de la nôtre, je pense que je ne serais pas trop perdu si je devais m’y installer. La langue est relativement proche de l’Allemand, j’arriverais à me débrouiller assez vite. La Suède plutôt au Sud, pour le climat. J’ai bien aimé cette partie-là.

Moulin dans le Sud de la Suède.

Est-ce qu’à force des kilomètres parcourus (combien?), tu ressens une certaine fatigue ou lassitude ?

Physiquement, ça va bien. Je n’ai pas l’impression d’avoir spécialement forcé. J’avance à mon rythme, je ne suis pas spécialement fatigué. Après sur la lassitude, ça dépend un peu des jours. Globalement, ça va plutôt bien. J’avais un peu peur avant de partir, de me dire : tous les matins, il faut remonter sur le vélo, il faut repartir après avoir remballé toutes ses affaires. Je n’ai pas spécialement de mal à faire ça. Parce que je me dis que je vais découvrir des nouvelles choses. Parce que j’avance dans mon trajet. J’ai l’impression de progresser. Il y a des jours où, forcément, les paysages sont moins beaux.

Par exemple, aujourd’hui pour ton étape jusqu’à Vyšší Brod (République Tchèque), ce n’est pas la journée idéale avec la pluie ?

Je m’étais préparé psychologiquement avant de partir en me disant : il y aura des jours de pluie. Il faudra quand même que je pédale, que j’avance un peu. J’ai l’équipement pour, j’ai des vêtements, des sacoches étanches. C’est pas foufou, mais c’est pas non plus un calvaire.

Le beau temps laisse ses marques de bronzage.

Je te propose 3 questions, il faut que tu en choisisses une et que tu y répondes :

  • Quel est le plus gros risque que tu as pris depuis le début du voyage ?
  • Quelle rencontre t’as le plus ému ?
  • Qu’est-ce que tu t’obliges à ne jamais dire dans ton blog ?

Je vais prendre la dernière : qu’est-ce que tu t’obliges à ne jamais dire dans ton blog. Je ne parle pas trop de ce qui est petit pépin de santé. Voilà. Si j’ai des soucis, c’est vraiment rien de grave au jour le jour. D’une part, ce n’est pas la peine d’en parler, parce que ce n’est pas très intéressant, et je n’ai pas envie que les gens s’inquiètent, et parce que je n’arriverais pas forcément à le formuler. Cela paraîtrait très grave, alors que ça ne l’est pas. Je m’étends pas plus que ça là-dessus. Je pense que c’est aussi bien.

Et pourquoi pas les deux autres ?

Pour la première, je n’ai pas spécialement l’impression d’avoir pris de risques. Il y a une fois où j’ai hésité à prendre une voie de chemin de fer sur 100 mètres, mais je me suis ravisé parce que c’est vraiment un risque un peu stupide. Et puis l’autre question, ça rejoint la question posée tout à l’heure sur les personnes que j’aimerais revoir.

Panneau explicite, découvert au Danemark.

Si tu avais droit à un joker pour faciliter la fin de ton trajet, tu prendrais quoi : un vélo électrique Métrovélo qui pèse plus de 18 kg, un sac de noix de Grenoble pour changer ton alimentation du quotidien, ou une personne qui te dit dans l’oreillette à chaque carrefour par où il vaut mieux passer selon des critères définis à l’avance ?

Je réponds assez facilement, les noix de Grenoble. Justement, sur le vélo électrique, ce matin, je me suis retrouvé avec un couple qui en avait. Selon le relief, si ça montait ou si ça descendait, je les doublais, ou il me repassait devant. Même sur le plat j’allais globalement plus vite qu’eux. Le vélo électrique ne m’apporterait pas grand chose. Ce serait plus un poids plutôt qu’un joker. Pour le guidage dans l’oreillette, j’ai déjà mon GPS sur le téléphone. Je n’ai pas l’oreillette, mais je peux avoir le guidage point par point. Je ne regarde pas forcément à chaque fois, j’arrive à me repérer facilement avec. Par contre, les noix de chez nous, c’est toujours appréciable. J’ai de temps en temps, des petits trucs à grignoter.

L’église Sankt Michael à Berlin.

Si tu avais la possibilité de te téléporter à Grenoble pour prendre ou déposer un objet, et revenir où tu es actuellement, quel serait ton choix ?

Je n’ai pas l’impression de manquer de grand chose. Y a quelque chose que j’ai pris et que je n’ai pas utilisé jusqu’à maintenant, c’est la chambre à air de secours. Ce serait un peu prétentieux de dire que je la laisserais à Grenoble. Je n’ai pas du tout crevé, j’ai eu zéro soucis sur le vélo. À priori, tout le reste, je l’ai utilisé. Je n’ai pas eu l’impression qu’il me manque vraiment quelque chose.

Cathédrale à Prague, voir aussi la série de photos.

À quand remonte la dernière fois où tu as bu une bière ?

Très longtemps, étant donné que je ne bois pas d’alcool du tout.

Du coup, je transforme la question : à quand remonte la dernière fois où tu as bu un verre dans un bar ?

C’était à midi. Un Pepsi. Je suis passé dans une ville assez jolie, je n’avais plus grand chose à manger et pas envie d’aller acheter à manger. Je me suis arrêté dans un petit restaurant au bord de la rivière. J’ai mangé sur la terrasse abritée. C’était aussi bien, parce qu’il s’est mis à pleuvoir.

Rivière du village de Český Krumlov en République Tchèque.

Comment trouves-tu le parcours, les aménagements, Eurovélo 7 depuis ton départ ?

C’est très variable, même à l’intérieur d’un même pays. Globalement, la signalisation Eurovélo 7 en tant que telle, elle est très peu mise en place. J’ai vu quelques panneaux au Danemark et sur le Nord de la Suède. Sinon, ce qui se passe, c’est qu’elle reprend des itinéraires cyclables nationaux. Du coup, ce sont ces itinéraires-là que je suis, pas forcément le logo Eurovélo 7 à chaque fois. Donc le GPS m’aide bien. Les itinéraires que je suis, sont plus ou moins bien aménagés. Des fois, en Suède, c’est un petit chemin dans la forêt avec des graviers, et parfois presque l’autoroute. Des fois, en République Tchèque, il y a de belles pistes cyclables le long de la rivière, très agréable, du plat, ça roule tout seul. C’est vraiment très très variable. C’est la surprise de chaque jour. Aujourd’hui, c’était très très vallonné. Il y avait de grosses pentes, en montée et descente. Sur la signalisation, je m’y attendais, à ce que ce ne soit pas bien mis en place partout… Par contre, je pensais que les endroits où j’allais passer seraient globalement plus adaptés aux vélos. J’étais assez surpris de me retrouver sur des petits chemins en forêt ou sur des routes bien abîmées, défoncées. Je pensais que ce serait en meilleur état, ça fait partie de la découverte.

Panneau Eurovélo 7 en Autriche.

Quand tu prends une photo, quels réglages fais-tu ? Sur quoi te concentres-tu ?

Le réglage principal que je choisis, c’est l’ouverture de l’objectif. C’est ça qui va déterminer la profondeur de champ, donc la zone de netteté dans la photo. En gros, si je prends une photo de paysage, je vais vérifier que tout soit net. Au contraire, si je prends une photo d’un détail, un bâtiment, un animal ou une fleur, je vais essayer d’avoir une profondeur de champ plus réduite pour vraiment faire ressortir l’élément à mettre en avant. En plus du cadrage, que j’essaie d’avoir intéressant pour mettre en valeur les éléments dans la photo. Sur certaines photos, je fais effectivement des réglages spécifiques.

Illustration de la profondeur de champ, net devant, et flou derrière.

Et pour finir, combien de cyclistes penses-tu avoir croisé depuis ton départ sur ta route ? (ou combien par jour)

C’est très variable selon les jours. Il y a des jours où c’est en permanence, et des jours comme aujourd’hui, quatre ce matin et zéro cette après-midi. En moyenne, une vingtaine par jour.

(nombre de kilomètres déjà parcourus)

Encouragez Olivier à parcourir les kilomètres restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz.

#6 « J’aurais dû mieux travailler l’Allemand à l’école. »

L’odyssée d’Olivier : L’Elbe cool.
Interview réalisée le 22 août.

Après une visite de Berlin sur deux journées complètes, Olivier est reparti pour suivre l’Elbe, une rivière dans l’Est de l’Allemagne, qu’il a particulièrement apprécié, loin du bruit de la capitale. Déjà, la République Tchèque montre le bout de son nez ! Mais avant de quitter ce pays marqué par l’histoire, Olivier a décidé de s’accorder une nouvelle étape sur son itinéraire, à Dresde, une ville de 500 000 habitants.

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#5 Un rythme à deux

Pourquoi avoir choisi la ville de Dresde pour t’arrêter ?

On m’a dit que c’était une belle ville. Je ne connaissais pas plus que ça avant d’arriver. Je me suis renseigné un tout petit peu, hier et avant-hier, pour voir ce qu’il y avait d’intéressant. D’autant plus que je suis en “retard de pause”, en avance par rapport au planning prévu. Je veux bien profiter des endroits où je passe.

Tu as passé la journée d’aujourd’hui à visiter la ville, c’est comment du coup ?

La ville est très sympa. Beaucoup plus calme qu’à Berlin. C’était sympa de me balader dans les rues piétonnes. Ce qui est particulier à Dresde, c’est que la ville a été détruite intégralement par les bombardements en 1945. La plupart des bâtiments anciens ont été reconstruits à l’identique. Les vieux bâtiments ont été remis en état.

Ce matin, j’ai visité des églises. Trois grandes églises : la cathédrale catholique et deux églises protestantes, très belles avec des styles très différents. Il y en avait une très sobre, une autre pleine de dorures. J’ai apprécié les atmosphères différentes dans chacune. Cette après-midi, je suis allé dans un double musée, dans un grand château. L’un sur les techniques des mathématiques et de la physique, surtout sur les mesures de temps. Il y a des globes terrestres, des vieilles horloges, des sextants, des outils du 17ème siècle. L’autre musée est plus peintures classiques, et un peu de sculpture, avec des peintres de toute l’Europe : des Italiens, des Néerlandais, des Français. Le château a été restauré dans un super bon état. Les pierres sont un peu grises, un peu noires, mais on sent qu’il a été bien restauré, bien entretenu. C’est un beau château. Il a un style assez particulier, vu qu’il date du 17ème siècle. Il est bien mis en valeur.

Depuis le début de ton voyage, tu rencontres des personnes ici ou là. Après plusieurs semaines, tu as revu Richard, cycliste berlinois, et vous avez passé la soirée ensemble. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Je l’avais rencontré sur le bateau en Norvège, le dernier que j’ai pris. On était chacun avec notre sacoche de guidon de vélo. C’était assez caractéristique sur le bateau. Il y avait les gens qui étaient là pour le bateau et les cyclistes qui avaient chacun leurs sacoches en bandoulières. J’ai repéré comme ça cinq, six cyclistes. Lui, il est descendu du bateau plus tôt pour aller jusqu’au Cap Nord à vélo. Il a pris 6 mois de congé sabbatiques. Il est arrivé là-bas 3 ou 4 jours après moi, mais il est redescendu en passant par la Finlande. Il a repris un bateau pour revenir en Suède, pour refaire un petit bout de vélo, et il a pris ensuite plus ou moins le même itinéraire que moi. Il a bien roulé aussi. Il m’avait laissé ses coordonnées en me disant : “quand tu passes à Berlin, tu m’appelles”.

Du coup, on a passé la dernière soirée à Berlin ensemble. Il m’a donné rendez-vous pas très loin de chez lui. Il m’a emmené dans un petit lac. On a fait 10 minutes, un quart d’heure de vélo pour y aller. Lui y va régulièrement se baigner pour se détendre après le boulot. C’est un lieu où les gens du coin, du quartier, vont, mais pas les touristes. Juste à côté de ce lac, on est monté sur une petite colline à pied, qui permet d’avoir une vue assez sympa sur Berlin, à l’écart du centre-ville. Il y avait un peu de monde là-haut, mais c’est surtout des gens locaux qui viennent à priori. Le soleil s’est couché assez vite. On s’est fait la remarque ensemble qu’on s’était habitué au soleil de minuit quand on était en Norvège. Ensuite, on est redescendu pour manger dans un restaurant indien à côté de chez lui.

Est-ce que tu es rassasié de ton parcours en Allemagne, finalement assez rapide par rapport à la Suède ?

Je suis assez content de ce que j’ai vu en Allemagne. C’était plus varié que ce que j’ai vu en Suède, dans le sens où je suis passé dans des grandes villes, à Berlin, à Dresde. Je suis aussi passé dans des tout petits villages. J’ai fait du vélo dans des champs, dans la forêt. J’ai l’impression d’avoir vu des endroits assez variés de l’Allemagne. C’était la partie “Allemagne de l’Est” que je ne connaissais pas. Je suis content aussi que ça ne dure pas trop longtemps, pour que je ne me lasse pas comme en Suède. Je vais aller me balader dans un Parc national, mais je crois qu’il me reste que 50 km en Allemagne. Dans la réflexion que je me faisais, j’aurais dû mieux travailler l’Allemand à l’école, parce que ça manque un peu. J’arrive à baragouiner deux trois mots. Sinon, il y a pas mal de personnes qui parlent Anglais.

Est-ce que l’Elbe t’a fait pensé à la ViaRhôna ?

Je n’ai pas du tout senti le parallèle. Sur le Rhône, c’était bien plus aménagé. Il y avait plus de digues, de barrages, d’installation. Là, j’ai trouvé la rivière plus sauvage. Je n’ai pas vu de bateau. Sur le Rhône, il y a pas mal de péniches. Sur l’Elbe, c’est l’ambiance petite rivière qui coule de village en village. Qui fait beaucoup de méandres. L’itinéraire suit, donc ça fait de la distance. Le Rhône, c’est beaucoup plus rectiligne. On avance tout droit le long des digues.

Chaque semaine, L’avertY propose à Olivier de commenter certaines de ses photos prises durant le trajet. Quel est le contexte de la photo ? Quelles anecdotes ? Pourquoi ces choix-là de photos ?

N°15 Le château de Neuhirschstein

« Je suis allé le voir de plus prêt. J’ai quitté l’itinéraire pour trouver un endroit pour manger à midi. J’étais au bord de la forêt dans un endroit très au calme. Je suis allé faire un tour vers ce château qui surplombe l’Elbe. Il y avait cette petite place, où il y a une petite allée en pavé, des zones d’herbes, des fontaines, des fleurs. Au bout de la rue, il n’y avait quasiment personne qui passait par là. Une belle atmosphère. Je n’ai pas réussi à savoir si le château était habité, ou pas. J’ai pu faire le tour. »

N°16 et 16 bis Au bord de l’Elbe

« L’Elbe est la rivière que j’ai rejointe il y a 4 jours. Il y a un itinéraire cyclable qui longe l’Elbe sur toute la longueur. Je suis le long de la rivière en permanence. Des fois ça s’écarte un peu. Quand je vois des choses sympas, qui me plaisent aux yeux, dans ces cas-là, j’ai envie de m’arrêter prendre une photo. Quand un élément ressort. Sur ce petit village, il y avait un très beau reflet, bien dégagé, une belle lumière. Et puis un peu la même chose sur ce banc isolé. Tout le long de l’itinéraire, il y a régulièrement des zones aménagées pour les cyclistes. Ce petit banc, c’est l’occasion de faire une pause sympa le long de la rivière. Il y avait un peu soleil. Une ambiance qui me plaisait bien et assez caractéristique de ce que j’ai pu voir ces derniers jours le long de l’Elbe. »

Encouragez Olivier à parcourir les kilomètres restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz.

#5 « C’est bien de sortir de la routine, des habitudes. »

L’odyssée d’Olivier : Un rythme à deux.
Interview réalisée le 17 août.

Il pensait faire tout le trajet seul. Olivier a finalement été rejoint pour 10 jours de la Suède, jusqu’en Allemagne, par Audrey, son amie qui habite à Chambéry. Un nouveau rythme s’est installé, avec un petit air de vacances dans cette longue odyssée de notre voyageur à vélo. Le voilà déjà à Berlin, à 3500 km de son départ du Cap Nord, où il fait une pause de deux journées complètes. Une première.

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#1 Passer le cap
#2 Fuir les moustiques
#3 Mer fraîche, feux de forêts
#4 2000 km, le bilan du premiers mois

Sur l’interview, au départ à Grenoble, tu m’as dit préférer voyager seul. Malgré cela, tu viens tout de même de faire 10 jours de vélos, accompagné de ton amie Audrey. Qu’est-ce qui a changé à deux ?

Ça a changé les rythmes des journées. On prenait vraiment le temps d’être ensemble, de rouler tranquillement, de profiter des paysages où on passait. J’étais entré dans une routine quotidienne. Monter ma tente le soir, faire mon petit repas, prendre ma douche, démonter la tente le lendemain. Là, en fonctionnant à deux, c’était un peu différent. Au lieu d’aller directement au camping, on passe un peu de temps le soir à chercher un lieu de bivouac. On se retrouve à se balader dans la forêt, il commence à faire nuit.

Avant qu’on se retrouve, j’ai fait des plus longues journées à 100 km par jour, pour arriver sur la côte Ouest de la Suède, à côté de Göteborg. Comme elle avait des dates fixes, ça a rythmé les journées mine de rien. Pareil pour sa date de départ. Elle repartait le samedi, pour arriver au boulot le lundi à Chambéry. Il fallait qu’on soit dans une ville où elle pouvait facilement prendre le bus et rentrer en France. Du coup, sur les quatre, cinq derniers jours, ensemble au Danemark, ça a dicté la distance qu’on devait faire pour arriver à la fin de son trajet à Rostock en Allemagne. Ça change pas mal la manière d’avancer sur le vélo.

Rouler depuis un mois m’a bien entraîné. J’avais la capacité de rouler plus vite qu’elle. On roulait souvent ensemble, et de temps en temps, je partais devant pour pouvoir m’arrêter et prendre une photo. Ça me faisait faire un peu plus de sport. À deux, je pédalais sans vraiment appuyer sur les pédales, j’avançais tranquillement. De temps en temps, je me faisais un petit sprint pour me dégourdir les jambes. On a fait de belles journées à 75–80 km par jour.

Au quotidien, on prend le repas à deux. On prend le temps, de discuter sur ce qu’on a vécu la journée, d’échanger sur le voyage à vélo, sur nos vies respectives. Jusqu’à maintenant, moi le temps du repas, c’était plus utilitaire, de me nourrir et prendre des forces pour la suite. Le soir, on n’a pas fait forcément des grosses soirées. Mais on prenait le temps d’écrire le blog à deux. C’est ce qu’on a fait sur deux ou trois articles. C’était rigolo. D’autres fois, on arrivait tard et elle s’endormait avant que j’aie fini d’écrire.

Il a fallu te réadapter à rouler en solitaire quand elle est partie le 11 août ?

Ce n’était pas facile. Je m’étais assez vite habitué au rythme à deux, 24 heures sur 24. Tout à coup, je me retrouve à nouveau tout seul sur la route, avec mon vélo. Il faut reprendre la marche en avant. Je retrouve assez vite mes automatismes d’avant. Installer le repas, monter la tente, faire les courses pendant la journée. On le faisait à deux, mais là, je me retrouve à le faire tout seul. Pour rechercher un lieu de bivouac, quand on est à deux, on peut explorer chacun un chemin. Ça fait moins d’une semaine, j’ai fait quelques jours sur la route, et après, je suis arrivé à Berlin. Là, c’est à nouveau un rythme différent. C’est bien de sortir de la routine, des habitudes.

Tu es donc à Berlin au moment de cette interview. C’est ton premier gros arrêt depuis le Cap Nord. Qu’est-ce que tu as prévu de faire ? Quel est ton objectif ?

Je fais deux jours entiers pour visiter. Je suis arrivé mercredi soir. Je repars samedi. Mon objectif est de découvrir la ville et son histoire assez chargée. Celle récente du 20ème siècle : le mur de Berlin, la guerre froide, tout ce qui va avec. Hier matin, je suis allé au Musée juif à Berlin. Il y avait une bonne partie orientée sur la vie des Juifs pendant le nazisme. À la fois sur la partie Holocauste, et aussi de l’exil des Juifs, qui ont fuit la ville et le pays pour aller se mettre à l’abri. C’était très poignant, mais bien intéressant. C’est toujours bien de mettre une petite piqûre de rappel sur ces choses-là. C’est ce qui fait qu’on évite de reproduire les mêmes erreurs. Je n’ai pas forcément appris des choses. Mais le fait de le découvrir à Berlin, c’est aussi une signification particulière. C’est un peu le cœur de l’Allemagne nazi. C’est de là que tout est parti. Forcément ça a une signification particulière.

À l’école, on parle beaucoup de la déportation, de l’extermination des Juifs. Il y a aussi énormément de Juifs qui ont quitté le pays, par peur de la mort, de la répression. Typiquement, ça résonne dans l’actualité, parce qu’on parle beaucoup des migrants, des gens qui fuient leur pays. Ce sont des choses qui se sont déjà passées, qui se reproduisent. Par moment, on a l’impression qu’on ne progresse pas beaucoup sur ces questions-là.

Et à part le côté historique ?

Je suis allé voir une grande portion du mur, recouverte d’œuvre d’art, d’artistes du monde entier. C’était juste après la chute du mur. C’est du street art, avec des peintures variées, très jolies. C’est le nouveau visage de Berlin. La culture s’est beaucoup développée. La vie qui reprend après ces années difficiles. Il y a un énorme dynamisme, qu’on sent un peu partout dans la ville. Il y a beaucoup de travaux aussi, ça bouge un peu de partout.

Après avoir beaucoup roulé sur des petites routes de campagne, des petites pistes cyclables, des chemins dans la forêt, me retrouver en ville ça m’a fait un choc. C’est un peu bizarre de retrouver l’agitation de la ville. Même si j’habite en ville à Grenoble, je crois que je me suis vraiment habitué au fait d’être dans la nature, d’être au calme. De me retrouver d’un coup dans cette grande ville, avec des voitures dans tous les sens, des vélos qui doublent à droite, à gauche, le bruit des travaux. Je ne m’attendais vraiment pas à ce choc-là en arrivant ici.

Chaque semaine, L’avertY propose à Olivier de commenter certaines de ses photos prises durant le trajet. Quel est le contexte de la photo ? Quelles anecdotes ? Pourquoi ces choix-là de photos ?

N°11 Plus qu’un mur

« Dans une rue, une bonne partie du mur a été préservée. On peut monter sur le toit du centre de documentation, il y a une plate-forme qui permet d’avoir une vue d’ensemble. On se rend vraiment compte de la taille. C’est toute une infrastructure : un mur, plus une barrière de détection, plus des systèmes anti-véhicules, plus des tours de garde. Une vraie barricade qui a été mise en place, un vrai dispositif pour empêcher les gens de passer. C’est ce qui m’a le plus marqué de ce que j’ai vu jusqu’à maintenant à Berlin. »

N°12 Abri trois étoiles

« Sur le petit ferry pour traverser de la Suède au Danemark, on a rencontré une cycliste néerlandaise qui nous a expliqué que le bivouac était interdit au Danemark, mais par contre qu’il y avait des petits abris qui étaient disponibles un peu partout dans la nature. On pouvait passer la nuit dans un de ces “free shelter”. Il y a une application pour téléphone qui les recense, qui permet de savoir où ils sont. Pour notre premier soir, on a trouvé celui-là, apparemment tout neuf. On a pu s’installer, et ça tombait bien, car on a eu quelques gouttes pendant la soirée. On était bien au sec, bien à l’abri pour se faire à manger, et pour dormir. »

N°13 La pose de l’homme mouette

« Je n’ai pas bien compris au début. Je pensais qu’Audrey voulait faire des photos des mouettes et des oiseaux au bord de la mer. Donc je lui ai préparé l’appareil, je lui ai expliqué les réglages. Et juste après, elle me dit : “non, mais en fait, c’est des photos de toi que je veux faire”. J’ai fait la mouette sur le rocher pour qu’elle puisse me prendre en photo. »

N°14 Lac rosé-orangé

« À la recherche d’un lieu de bivouac pour passer la nuit, on est passé à côté de ce lac. On est descendu dans les petits chemins. On ne savait pas trop où ça allait. Finalement, on est arrivé au bord. On s’est baigné pour se rafraîchir. Pendant qu’on mangeait, le soleil a commencé à bien descendre. On a eu ces belles couleurs-là pendant qu’on mangeait, avec le reflet sur le lac, et le ciel qui devenait tout rose, orange. »

Encouragez Olivier à parcourir les 3500 km restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. Rejoignez le salon de discussions Discord. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz + une photo d’Audrey.