#1 « Des gens sont passés par là et ont laissé un souvenir. »

L’odyssée d’Olivier : passer le cap

Premier contact avec Olivier ce mercredi 4 juillet par téléphone. Six longs jours de voyage en train et bateau, en passant par l’Allemagne, pour arriver au départ à Honningsvåg en Norvège. Après une première étape à vélo vers le cap Nord de 30 km aller, Olivier a pris son rythme, de camping en camping par étapes de 50 à 90 km par jour. Avec des conditions météos pas toujours agréables.

#0 (Re)-lire l’interview d’Olivier au départ fictif à Grenoble

Comment tu te sens depuis ton départ à Grenoble ?

Il y a eu pas mal d’émotions différentes. Le trajet jusqu’au cap Nord était finalement un peu long. J’ai mis 6 jours entre les trains et bateaux. J’avais hâte d’arriver. J’étais fin prêt à démarrer, mais une fois sur place, je me suis pris un vent ultra-violent pour aller au cap Nord. Ça m’a bien plombé le moral. Je me suis dit, “Qu’est-ce que je fous-là ? Quelle idée de venir ici ?”. Mais en même temps, il y a toujours l’idée de ce trajet complet, d’aller jusqu’au bout. Même si ça prend du temps, même s’il y a des obstacles. C’est ce qui m’a motivé à avancer, à ne pas m’arrêter dès le premier jour.

Après ça, j’ai eu deux jours de grand beau temps où ça roulait nickel. J’ai vu vraiment des beaux paysages. C’est ce que j’étais venu chercher dans le voyage, donc c’est vraiment chouette. Là, il fait un peu moins beau, mais je suis dans des coins sympas. Pour l’instant, tout va bien.

Sur les deux dernières journées, j’ai fait 90 km par jour sans trop forcer, de bonnes journées, mais j’en profitais bien en même temps. La journée d’aujourd’hui était un peu particulière. Il a plu cette nuit, j’ai attendu ce matin qu’il s’arrête de pleuvoir pour partir un peu plus tard. J’ai fait une petite journée en sachant que demain, je ferais une grosse journée. Ça va s’équilibrer. Je pense que ça sera comme ça tout le temps, je vais adapter le parcours au jour le jour, selon la météo, selon mon état de forme, des lieux où je peux dormir.

C’est comment le cap Nord ?

Ce que je n’avais pas réalisé, c’est que c’est vraiment une attraction touristique. Il y a un centre d’accueil, la boutique qui va bien, le restaurant. Et surtout des cars de touristes qui défilent à longueur de journée. Les gens descendent du car, prennent une photo, achètent deux, trois choses à la boutique et repartent. Pas forcément très réjouissant. Et puis à cause de la météo, j’ai eu le sentiment de rester bloqué là-bas, de devoir attendre une meilleure météo. J’ai plus subis le truc, je n’en ai pas vraiment profité. Après, il y a quand même un côté magique de se dire qu’on est au bout de l’Europe, au bout du monde. Il y a juste l’océan arctique qui va jusqu’au pôle Nord. C’est majestueux.

As-tu rencontré des gens par ailleurs ?

Dans les campings, on discute facilement avec les autres cyclistes. On se repère et on échange sur nos parcours, nos projets respectifs. Il y a ceux qui terminent, ceux qui démarrent. C’est sympa. Il y a des jeunes qui ont mon âge. Il y a des retraités, des couples. C’est assez varié. En grande majorité, ce sont des Européens : Allemands, Hollandais… On arrive bien à échanger en anglais, je me débrouille sans trop de problèmes.

Chaque semaine, L’avertY propose à Olivier de commenter certaines de ses photos prises durant le trajet. Quel est le contexte de la photo ? Quelles anecdotes ? Pourquoi ces choix-là de photos ?

N°1 Arrêté par un motard israélien

« Un motard israélien qui était sur le bord de la route m’a arrêté. Il m’a demandé de le prendre en photo. Il voulait une photo de lui en train de rouler sur sa moto. Et du coup, il m’a proposé de faire la même chose pour moi. Il a dû se dire, c’est plus facile d’arrêter un vélo qu’une moto. On a discuté un peu, il m’a dit qu’il remontait d’Afrique du Sud, sur la route depuis 6 mois. Chacun a son projet, à sa manière, mais on se retrouve sur la route. »

N°2 Les souvenirs du cap Nord

« Je ne me suis pas trop attardé parce qu’il y avait beaucoup de vent. Des gens sont passés par là et ont laissé un petit souvenir de leur passage. Il y a des pierres avec inscriptions. Les gens marquent qu’ils étaient là, à telle date. C’est juste à côté du globe du cap Nord. »

N°3 Les maisons norvégiennes

« Habitations très traditionnelles de la Norvège, les maisons rouges. Je ne sais pas si ce sont des habitations ou cabanes de pêcheur, il doit y avoir un peu des deux. Il y en a au bord des mers, au bord des lacs, et même au milieu de nul part dans la forêt. C’est typique. »

N°4 La faune locale

« J’aime bien la nature, les animaux en particuliers. Comme on n’a pas de rennes chez nous, j’aime bien essayer de les chercher. C’est marrant. Il y en a au bord de la route, c’est facile, mais j’en ai eu d’autres un peu cachés dans la forêt. »

Envie de poser une question à Olivier ? Envie de réagir à ses propos ? Rejoignez le salon de discussions Discord, ou envoyez un mail à ludovic.chataing@laverty.fr. N’hésitez pas également à l’encourager sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz.

#0 « Faire un voyage à vélo, qu’est-ce que ça peut apporter ? »

Tout plaquer. Faire le tour du monde. C’est un peu le rêve de chacun, non ? Pour Olivier, c’est un défi : 7000 km à vélo, du Nord (Norvège) au Sud (Malte) de l’Europe. Ce Grenoblois de 31 ans a quitté son travail de photographe-pilote de drones fin mars pour partir “l’esprit libre”, sans contraintes retour, à la découverte de cette partie d’Europe qu’il ne connaît pas. L’avertY a réalisé une interview avant son départ.

Olivier au départ fictif de son voyage à vélo à travers l’Europe (dans son jardin).

Pourquoi avoir quitté ton job ?

Pour me consacrer pleinement à ce projet. Ça faisait un moment que je n’avais pas eu de grandes vacances, et je tournais un peu en rond dans mon boulot. J’étais photographe-pilote de drones. Je faisais de la photo depuis longtemps pour moi, comme une passion, et j’ai eu l’opportunité d’en faire mon métier il y a un an et demi. C’était un peu l’objectif d’arriver à faire ça. J’ai vu que ce boulot-là ne me plaisait pas forcément sur tous les aspects, mais le fait de faire de la photo, c’est quelque chose qui me motive, qui me plaît. Là-dessus, au moins, c’est sûr. Ce qui m’embêtait un peu dans ce boulot, c’est que je faisais des photos sur des trucs qui ne me passionnaient pas plus que ça.

Là, l’idée du voyage, c’est que je puisse faire des photos de tout ce que je vais découvrir : de paysages, de personnes que je vais rencontrer, de trucs peut-être insolites. Continuer à faire de la photo, mais vraiment pour moi. Mettre en valeur des choses qui me plaisent, qui m’intéressent.

D’autre part, je n’ai pas trop de contraintes familiales, ce qui fait que c’était l’occasion de faire un grand break, de pouvoir prendre du temps pour moi, monter mon projet, d’en profiter, de ne pas avoir de contraintes de dates retours par exemple. Je pars vraiment avec l’esprit libre, consacré uniquement à ça.

Olivier embarque son Canon EOS 70D, avec deux objectifs (focale 17–55 mm + 70–200 mm, ouvertures f/2.8)

D’où vient cette envie de voyage à vélo ?

Je fais beaucoup de vélo pour me déplacer en ville, depuis que je suis tout petit. Faire du vélo, c’est quelque chose qui me plaît, et qui ne me fait pas peur non plus par rapport à tout ce qui est question mécanique. Je sais bricoler un vélo, réparer une crevaison. L’idée de faire un voyage à vélo me trottait dans la tête depuis longtemps, parce que j’avais entendu des gens en parler. J’avais lu des articles là-dessus, vu des films. Je me disais “ah ouais, ça à l’air chouette”. J’en fais au jour le jour, mais en faire sur le long terme, qu’est-ce que ça change ? Qu’est-ce que ça peut apporter ? C’était l’idée de me lancer un défi, de me dire, est-ce que je suis capable de faire ça ?

Le vélo d’Olivier dans le moindre détail.

Au mois de mai, l’année dernière, on a fait une semaine de vélo avec des copains. Pour moi, c’était mon premier voyage à vélo. On a fait Paris-Le Mont-Saint-Michel [ndlr : environ 330 km]. C’était pour moi, l’occasion de découvrir ce que c’était le voyage à vélo, de le vivre sur un temps assez court. De voir ce qui pouvait se passer. Comment on vivait au quotidien, en se déplaçant tous les jours. Et puis ça m’a bien plu. Je me suis dit, j’ai envie d’essayer un peu plus, plus qu’une semaine.

Quand même, 7000 km à vélo, c’est énorme !

J’avais bien envie de faire “un trajet complet” : partir d’une limite et d’aller à une autre limite, traverser l’Europe, partir d’une mer et aller à une autre mer. C’est quelque chose qui me parle. J’ai l’impression de vraiment faire un truc complet, et de ne pas faire un bout d’un trajet, ou de m’arrêter au milieu. Au début, j’avais visé le point le plus au Sud et le point le plus au Nord de l’Europe. Dans ma tête, c’était Gibraltar qui était le point le plus au Sud. Et puis en explorant un peu ce qui s’était déjà fait, en explorant des itinéraires, en parlant avec des personnes qui avaient déjà fait ces choses-là, je suis tombé sur les itinéraires EuroVelo. Ce sont des itinéraires, aménagés ou en cours d’aménagement, qui traversent l’Europe un peu dans tous les sens. J’ai vu qu’il y en avait un qui partait du cap Nord et qui descendait plein Sud, jusqu’à Malte [ndlr : EuroVelo 7]. Je me suis dit, c’est peut-être aussi bien de suivre un itinéraire déjà tracé complètement, et puis ce qui m’intéressait c’était qu’il me faisait passer par des pays que je ne connaissais pas bien, pas forcément très loin, mais que je n’avais pas beaucoup visité. Un itinéraire qui me permettait donc de découvrir des choses nouvelles. Alors que si je passais par Gibraltar, je repassais par la France, par des coins un peu plus connus.

L’itinéraire va peut-être encore un peu évoluer. Je vais le prendre tel qu’il existe actuellement. Je ne prends pas de carte, je pars avec mon téléphone. J’ai téléchargé les cartes et j’ai le trajet GPS de l’itinéraire. Selon les pays, je vais trouver des cartes, mais c’est plus ou moins bien aménagé. Je vais surtout me baser sur le GPS, et aussi avec les petits panneaux EuroVelo. Dans les pays où c’est bien tracé, tu peux suivre les panneaux quasiment sans carte.

Finie la carte papier, la carte numérique est chargée dans le smartphone d’Olivier.

Je vais traverser dans cet ordre, la Norvège, la Finlande, la Suède, le Danemark, l’Allemagne, la République Tchèque, l’Autriche, l’Italie et Malte. Même si j’ai déjà pas mal voyagé, je connais peu la République Tchèque, l’Allemagne de l’Est. Berlin, je ne connais pas du tout. Ce sont plus des portions de pays, car la Norvège, la Suède, je suis un peu allé dans le Sud. Le fait d’aller tout au Nord, je pense que ça va être un peu différent. Je suis allé au Nord de l’Italie, à Turin, Florence, mais tout ce qui est le Sud de l’Italie, Rome, Naples, je ne connais pas du tout. Je voulais partir en n’étant pas trop loin. Dans des pays relativement proches culturellement. On n’est pas totalement dépaysé, ça rassure un petit peu. De se dire, j’essaye le voyage à vélo, mais je vais dans des lieux où je trouverais du matériel. J’arriverais à communiquer avec les gens sans trop de problèmes. C’est très facile de circuler dans ces pays. Je n’aurais pas de soucis de passeport, je sais que je pourrais passer à la frontière sans problème. Ça facilite la préparation administrative, on va dire. J’ai envie de voyager, mais il n’y a pas besoin d’aller très loin pour découvrir de nouvelles choses. Ce sont des pays relativement proches de la France, mais il y a encore plein de choses que je connais pas et ça va être l’occasion d’aller découvrir tout ça.

J’ai aussi prévu de m’arrêter dans les grandes villes, les capitales que je n’ai jamais visité : Berlin, Prague, Rome. L’idée n’est pas de faire une semaine. Plutôt faire le touriste un peu rapide, 2 ou 3 jours. Prendre le temps de faire une petite pause aussi pour récupérer. J’en ferais peut-être d’autres à d’autres moments si je suis crevé, s’il pleut beaucoup par exemple.

Comme je n’ai pas vraiment de contraintes de temps, j’ai estimé que le voyage me prendrait 4 mois, mais c’est très grossier comme estimation. Une fois que j’aurais démarré, que j’aurais fait quelques jours, semaines, j’aurais une idée un peu plus précise du nombre de kilomètres que je pourrais rouler par jour. Avec les copains, on faisait 80 km par jour en moyenne. Là, je me suis dit 70 km par jour, avec des jours où je roulerais plus et des jours où je ferais des pauses. Ça me parait raisonnable. C’est ça qui m’a donné le calcul : pour 7000 km, ça fait un peu près 100 jours. Un peu plus de 3 mois.

Comment t’es-tu préparé au voyage ?

Il a d’abord fallu que je trouve un vélo adapté que je n’avais pas. Un vélo un peu robuste, paré à rouler longtemps, avec du matériel qui tienne bien, qui soit solide. Pour ça, j’ai rencontré un ami d’ami, qui lance sa société d’assemblage de vélo. Il m’a fourni un vélo d’occasion qu’il avait. Il me l’a laissé en prêt plusieurs semaines pour que je puisse le tester, voir si j’étais bien dessus. C’est avec ce vélo-là que je pars. Il m’a modifié deux, trois petites pièces techniques pour que ça corresponde à mes besoins. Après niveau matériel, il y a tout ce qui va être utile au quotidien pendant mon voyage : la tente, le duvet, le matelas, le réchaud, la popote, les vêtements de pluie… Tout ça, je l’avais déjà en partie, mais qui n’était pas forcément adapté au voyage long terme, un peu gros, un peu lourd ou les deux. Pour la plupart, j’ai décidé de racheter du matériel plus adapté, plus compact, plus léger. Je pourrais plus facilement le rentrer dans les sacoches. Deux sacoches à l’avant, deux à l’arrière et une sur le guidon. Tout rentre.

Les sacoches rouges s’accrochent sur les barres autour des roues avant et arrière.
Le duvet ultra-compact au repos à gauche et prêt-à-ranger dans la sacoche à droite.

En mai de cette année, on a refait un peu près 1000 km pour 12 jours de vélo avec les copains, entre Lausanne et la Méditerranée (en suivant la ViaRhôna). L’occasion de tester tout le matériel, en conditions réelles. Tout allait bien, il n’y avait pas de soucis. J’ai vraiment senti que le vélo en particulier, je pouvais compter dessus. Je sentais qu’il allait être robuste, qu’il allait tenir la route.

Tu as fait le choix de ne pas prendre l’avion pour aller au cap Nord, pourquoi ?

Je n’avais pas envie de prendre l’avion, d’une part pour des raisons écologiques, parce que ça consomme beaucoup de carburant. D’autre part, je me disais que si j’y allais en avion, j’avais un peu l’impression de me faire poser au point de départ. De me plonger dans le voyage de manière un peu abrupte. Alors qu’en choisissant d’y aller en combinant d’autres moyens de transport, train, bateau et bus, ça va me prendre cinq ou six jours pour y aller. Et du coup, je vais me mettre progressivement dans l’état d’esprit du voyage. Dans la préparation, ça m’a pris un peu de temps de trouver des moyens de transport dans lesquelles je pouvais transporter mon vélo, sans avoir à tout démonter. Donc j’ai trouvé un train, puis un bateau, puis un train à nouveau, plus des bus pour finir. Après, il faut que je trouve les bons enchaînements pour que ça me prenne pas trop de temps non plus. Je peux partir un peu quand je veux. Je n’ai pas de billets. J’ai repéré les horaires, les trajets faisables, mais je n’ai pas réservé encore. À Oslo, j’aurais une journée entière là-bas. Je prends le train jusqu’au Nord de l’Allemagne.

Tu n’as trouvé personne avec qui voyager ?

J’avais envie de partir tout seul, de construire moi-même mon projet de A à Z. De pouvoir aller à mon rythme aussi, quand je pédale, quand j’ai envie de m’arrêter. J’ai vu qu’à plusieurs, y en a qui on envie de rouler beaucoup, y en a qui ont envie de profiter de s’arrêter. Ce n’est pas forcément toujours facile de se mettre d’accord à chaque fois. Sur une durée un peu plus longue, je n’avais pas envie d’expliquer chaque jour qu’est-ce qu’on fait, où est-ce qu’on va. Y aller à l’instinct.

Propos recueillis par Ludovic Chataing

Olivier est finalement parti de Grenoble le 25 juin, et a donné son premier coup de pédale le 30. L’avertY suivra à distance l’odyssée à vélo d’Olivier à travers l’Europe. Ce sera l’opportunité pour lui de transmettre ses photos, d’expliquer ce qui l’a marqué, ce qu’il a vécu dans son voyage. Une opportunité de parler Europe à moins d’un an des élections européennes, loin de l’actualité chaude et des sondages. Vous pouvez aussi suivre son blog personnel.

Le chargeur solaire, outil indispensable qui permettra à Olivier d’envoyer ses photos via son smartphone.