📣 « Nous baignons toutes et tous dans la culture du viol. »

En complément du mensuel “Balance ton bar : nouvelle vague de témoignages”🔗, L’avertY reproduit la lettre ouverte de “quatre des victimes connues de l’agresseur qui a sévit à la Bobine” en réponse au communiqué publié par le bar associatif sur son site, permettant de prolonger le débat sur la question des violences sexuelles et sexistes.

La Bobine bar et lieu de culture — du viol.

Lettre ouverte du 16/12/2021

Nous, victimes d’un agresseur ayant sévi à La Bobine durant des mois, souhaitons aujourd’hui écrire une lettre ouverte suite au communiqué de cet établissement concernant les agressions que La Bobine a couvert durant tout ce temps, ce dont ils se défendent aujourd’hui dans de nombreux médias.

Étant donné la violence de ce que nous avons vécu en essayant de les alerter,
depuis février 2021, ce communiqué est un moyen de transmettre notre parole sans qu’elle soit dénaturée. Nous voulons prévenir les personnes souhaitant interagir avec cet établissement de quoi sont capables ces institutions qui se prétendent “safe”, dès lors que l’on ose remettre cela en question. De manière générale, nous voulons que la situation qui nous a été imposée par La Bobine ne puisse plus se reproduire. Car aujourd’hui, malgré ce qu’en dit La Bobine dans son communiqué, tout laisse à croire que rien n’a changé dans leur manière de considérer les violences sexistes et sexuelles.

Dans son communiqué, l’association se déresponsabilise complètement des agressions qui ont été commises par son employé. Elle mentionne des “faits de violences sexistes et sexuelles qu’aurait commis l’un de [leur] salariés dans le cadre de sa vie privée”. Ce n’est pas “aurait commis”. Cet homme a bel et bien été condamné à un rappel à la loi pour des faits de harcèlement et violences conjugales. Au vu de la gravité des faits, l’association Serein·e·s a alerté la direction de La Bobine dès février 2021 de la dangerosité de cet employé sexiste et violent. La Bobine ne nous a pas cru alors, tout comme elle remet en question ce témoignage aujourd’hui dans son communiqué en utilisant le conditionnel pour parler des faits. Suite à cette première alerte, une “enquête” aurait été menée, terme bien mal choisi, de l’aveu même du salarié qui l’a faite.

Les quelques questions posées à certain·e·s employé·e·s n’ont servi à rien, si ce n’est à permettre de rompre l’anonymat de victimes, les humilier en laissant l’agresseur donner à tout le monde une version fausse et dénigrante des faits, et à révéler la nature de la relation entre certaines victimes et les personnes ayant pu porter leur témoignage. 
Cela nous a vraiment mises en danger et a envoyé un message clair à tout le monde : osez prendre la parole, vous aurez tort aux yeux de tous et toutes et on vous humiliera, comme on a humilié les autres. L’argument de la vie privée est également complètement malhonnête de leur part.

Nous avons dû leur expliquer que l’état d’ébriété dans lequel il était à La Bobine ou en rentrant de La Bobine décuplait son agressivité (violences conjugales une fois rentré, menaces envers une de ses victimes proférées sur la terrasse…).

Nous avons dû leur expliquer que l’impunité et la protection dont il bénéficiait à La Bobine le faisait se sentir légitime à porter atteinte à l’intégrité physique des femmes (utilisation de son badge de travail pour aller bousculer une de ses victimes au cours du Festival Bob’Out). Tout cela est clairement en lien avec La Bobine. Qu’attendent les responsables ? Un viol au milieu du dancefloor ?

Pourtant La Bobine connait les mécanismes de la culture du viol et sait très bien que les viols et les agressions sexuelles ne sont pas perpétrés par d’illustres inconnus marginaux, ou parce que les victimes l’avaient bien cherché, mais que ce sont des actes commis par nos entourages, parce qu’on alimente un climat ou les violeurs sont excusés et les victimes blâmées. La Bobine le sait très bien, parce qu’elle organise un cycle “Dégenrer la musique”, avec un petit jeu de mot sur l’affiche qui montre que là-bas, on n’a pas peur de “déranger”, de militer. Il y a des articles dans le journal de La Bobine sur l’égalité des genres, des réunions collectives sur le sujet, La Bobine est partie prenante des Assises de la nuit organisées par la Ville de Grenoble, ou encore La Bobine avait organisé un évènement consacré à la culture du viol en milieux festifs, intitulé “La fête, une zone grise ? Violences, Consentement, Prévention” pour mettre en lumière la stratégie des agresseurs.

Les évènements que La Bobine organise laissent penser qu’ils connaissent les stratégies des agresseurs et donc qu’ils ont choisi de les reproduire sur les victimes qui ont témoigné. 
Si La Bobine a laissé un agresseur en poste, ce n’était pas parce que la loi les empêchait de le licencier. Si La Bobine a laissé un agresseur en poste ce n’est pas parce qu’elle n’a pas conscience de “l’urgence à former ses équipes”. La Bobine a préféré protéger avant tout l’association et son image, et pérenniser son fonctionnement, peu importe qu’il soit défaillant et mette des
personnes en danger.

Ce qui est grave et choquant, c’est de lire que ce qui les perturbe ce sont les “accusations” des victimes, et non pas la présence d’un agresseur dans leur équipe.

La Bobine a seulement réagi quand, fatiguées de leur mépris et de nous faire agresser par leur employé là-bas, nous avons posté des messages sur les réseaux sociaux.

En guise de réaction, la Bobine a essayé de nous intimider en disant à des partenaires professionnels qu’on les harcelait, en nous culpabilisant de les mettre dans une situation difficile. La Bobine a essayé de nous épuiser, en nous baladant de rendez-vous en rendez-vous, nous faisant répéter jusqu’à 6 fois les mêmes témoignages, nous demandant d’être leur soutien émotionnel, nous demandant du travail gratuit (comme de mener une enquête pour elles et eux). La Bobine a maintenu le climat de peur qu’elle avait instauré. Vous voulez alerter sur la dangerosité d’un employé sexiste ? Vous vous exposez à l’humiliation, à l’épuisement, aux représailles de l’agresseur aussi via son employeur.

Combien de femmes se sont tues pour se protéger du rouleau compresseur patriarcal bien huilé de cette institution culturelle ? Combien de fois La Bobine s’est-elle rendue coupable de non-assistance à personne en danger ?

Pour éviter que ces questions ne se posent, La Bobine s’est empressée de saturer l’espace médiatique qui a commencé à se créer autour de la parole des victimes, concernant les violences sexistes et sexuelles dans les milieux festifs.

Articles, interviews, communiqué… Ces dernières semaines, La Bobine a diffusé partout la liste de tout ce qu’elle mettait en place de bien sur son lieu de travail (qui sont en fait des obligations légales), pour envoyer des signaux rassurants à ses financeurs et ses publics.

Elle a utilisé les mêmes canaux que les victimes avaient emprunté pour les invisibiliser. Tout en ne modérant pas les commentaires sous leur communiqué, laissant leurs propres employés continuer le harcèlement et l’intimidation instauré. Comble de leur inconsidération à notre égard, alors que la Bobine nous avait promis qu’on rédigerait ce communiqué ensemble, que nous allions “co-construire la suite” en guise de réparation des 10 derniers mois, elle a choisi de parler de notre chair et de notre dignité à notre place, deux jours avant la journée internationale contre les violences faites aux femmes.

“Nous savons qu’elles n’ont d’autre choix que de crier pour se faire entendre” peut-on lire dans leur communiqué. Quelle indécence, combien d’agressions aurait-on pu éviter si vous nous aviez écoutées ? Que savez-vous des luttes féministes, à part les instrumentaliser ? Ne réitérez pas votre soutien aux victimes. Vous n’en avez, à notre connaissance, jamais été d’aucun, et n’avez, au vu de votre communiqué, pas les moyens de l’être.

Nous baignons toutes et tous dans la culture du viol. Nous l’entretenons parfois contre notre gré. Nous ne sommes personne pour enjoindre ce qui doit être fait collectivement à ce sujet. Ce qui est certain, c’est qu’il incombe à chacun et à chacune de prendre ses responsabilités face à cela.
Eva, Clémentine, Marine et Lola (prénoms modifiés), quatre des victimes connues de l’agresseur qui a sévit à la Bobine

Ce communiqué est soutenu par :
Noustoustes 38
Balance ton bar Grenoble
Balance ta scène
Serein·e·s
En Tout Genre
Déviations

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