📣 « Donc polémiquons plutôt sur l’écriture inclusive »

Suite à un appel du média à réactions à l’actualité d’interdiction de l’écriture inclusive à l’école, Judith, professeure dans un collège, a proposé un nouveau texte de témoignage sur ce qu’elle vit aujourd’hui avec l’Éducation nationale. Elle avait déjà publié une première lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer en 2019.

Hier, le ministre de l’Éducation nationale a fait paraître un décret interdisant l’écriture inclusive à l’école. Me voilà officiellement hors-la-loi. Car oui, j’utilise l’écriture inclusive en classe depuis 3 ou 4 ans environ.

Pourquoi donc ? Et bien parce que j’en ai assez de cette langue sexiste où le masculin l’emporte sur le féminin. Donc de la même manière que je dis « bonjour à toutes et à tous », que j’ai remplacé « droits de l’homme » par « droits humains », que j’essaye d’utiliser un maximum de tournures qui ne m’obligent pas à dire le féminin et le masculin (les exploitations agricoles plutôt que les agriculteur·trice·s), que je suis une professeure ou une enseignante, j’utilise l’écriture inclusive en classe.

Comment je fais ? Je l’explique en début d’année quand j’écris un titre où elle va se retrouver et quand j’écris un mot au tableau. Voilà. Libre aux élèves de recopier ou non ainsi. Je leur précise toujours que ce n’est pas obligatoire. Ah si, l’écriture inclusive se retrouvera dans mes cours tapés et mis en ligne. En vrai, elle n’est que peu présente.

Alors quand je lis dans la presse que je mets en péril la scolarité de milliards d’élèves qui ne sauront plus écrire le français, ça me fait doucement rigoler et puis finalement, ça m’énerve. Ce qui m’énerve surtout, c’est l’hypocrisie. Sous prétexte que c’est compliqué pour les dyslexiques (ce que je peux comprendre, mais encore une fois, je ne l’impose pas), on interdit une évolution égalitaire de la langue. Quand on sait le parcours du combattant pour les familles de dyslexiques pour obtenir un rendez-vous et la reconnaissance, quand on sait l’absence de moyens (pas assez d’assistant·e de vie scolaire, pas assez d’ordinateurs, pas de possibilité d’avoir un tiers-temps dans les contrôles réguliers, …) et quand on sait combien l’Éducation nationale se moque des troubles de l’apprentissage et nous laisse nous dépatouiller chaque jour face à ça, écoutez, oui, finalement, je suis en colère.

En colère et en même temps, pas dupe. Pourquoi cette polémique, là, maintenant ? Parce que les autotests arrivent seulement dans les établissements et pas en nombres suffisants. En ce moment, les établissements doivent règlementer l’accès aux autotests avec des personnes prioritaires, puis moins prioritaires, etc. Donc des lycéen·ne·s qui se testent dans 10 jours ? LOL. Non. Cela n’arrivera pas. Parce que la réalité, c’est qu’encore une fois, notre ministère ne protège ni les enfants ni les adultes des établissements. Mais, il ne faut pas le dire. Donc polémiquons plutôt sur l’écriture inclusive, grand péril du monde et de la civilisation. Rappelez-vous que quand on accusait le ministère de la Recherche de laisser tomber les étudiants, pouf ! Une polémique autour des prières dans les couloirs des universités est née au Sénat. Comment des étudiant·e·s qui ne vont pas en cours, dans des universités fermées, peuvent prier dans les couloirs ? Honnêtement, je ne sais toujours pas. Serait-ce un gros mensonge pour cacher les suicides réguliers ? Pensez-vous …

Donc, des personnels et des élèves toujours en danger (de mort doit-on le rappeler, si formes graves et comorbidités), mais le plus important, c’était de me rendre hors-la-loi. Parce que je suis une méchante féministe qui veut l’égalité entre les femmes et les hommes et que les filles se reconnaissent aussi dans les histoires et les espaces que je leur enseigne. Pour qu’elles soient des citoyennes conscientes de leur valeur et non pas, juste « des féminins relégués derrière le masculin ».

Judith, professeure dans un collège.

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