La Mut’ : un repreneur, sérieux ?

Sujet élu le 2 juillet avec 45% des votes | 108 abonné·e·s

Près d’un an après avoir été entamé, le feuilleton de la vente de la clinique mutualiste de Grenoble (GHM) touche à sa fin. Un seul candidat à la reprise est désormais en lice : il s’agit du groupe Doctegestio. Un acteur qui suscite pour le moins la méfiance.

“La santé n’est pas à vendre, la Mut non plus” affiché le 6 juillet devant la Mut’ en attendant le choix du repreneur.

Ce lundi 6 juillet, les banderoles sont de sortie devant le Groupe hospitalier mutualiste de Grenoble (GHM). Une fois de plus cette année. Histoire de mettre (encore) la pression au conseil d’administration de l’Union mutualiste pour la gestion du GHM (UMGGHM) qui se réunit dans l’après-midi. Quelques heures plus tard, la décision tombe via un communiqué : « l’UMG GHM entre désormais en “négociation exclusive” en vue de la reprise du deuxième acteur de la santé de l’Isère. C’est le projet porté par Doctegestio qui a été retenu à la majorité absolue. »

La fin d’un long suspense, débuté un an plus tôt (voir chronologie ci-dessous). Celui de la vente du second Établissement de santé privé à but non lucratif (Espic, pour Établissement de santé privé d’intérêt collectif) de France, qui compte plus de 430 lits et qui emploie 1100 salariés et 200 médecins. Exit donc la candidature conjointe du Centre hospitalier universitaire (CHU) et de l’Agduc (association grenobloise pour la dialyse des urémiques chroniques) qui avait les faveurs des usagers en tant qu’acteur non lucratif, de même que celle du troisième candidat Vivalto.

Depuis, Bernard Bensaid, le président de Doctegestio, a rencontré une partie du personnel. « Des retours que j’en ai eu, il ne souhaite pas changer grand-chose », rapporte Sylvie*, infirmière du GHM. « Sur le papier, c’est plutôt sympa : il conserverait le statut d’Espic, il n’y aurait pas de licenciement et il garderait les salaires et les primes. » Pour autant, tous les doutes ne sont pas levés. « Je sais qu’il n’a pas une bonne réputation », poursuit l’infirmière. « J’ai eu des échos par des collègues comme quoi il aurait un certain nombre de procès aux fesses, et que ça s’était mal passé ailleurs. Après, je me méfie des bruits de couloirs. Mais c’est sûr que nous ne sommes pas très sereins. Des négociations seraient encore en cours donc nous attendons de voir. »

Le responsable du pôle cancérologie, le Docteur Nicolas Albin souhaite désormais aller de l’avant : « Ce n’était certes pas notre favori, car il n’a pas une grande expérience des hôpitaux, et sa réputation n’est pas très flatteuse. Mais il est difficile de le condamner, car il coche quand même un certain nombre de cases, en répondant positivement à des problématiques que nous soulevions sur le maintien des salaires, des activités et du statut d’Espic. Il est venu nous présenter un projet avec des assurances sur le domaine de la cancérologie notamment. Donc les médecins ont pris acte de cette décision d’Adréa et ne vont pas aller contre. Nous souhaitons désormais passer à autre chose après cette période qui a été assez difficile à vivre et ne pas retarder les échéances. Tout en restant vigilants sur la suite des événements. »

Le collectif d’usagers n’abdique pas

Pour d’autres, la lutte continue. Thierry Carron, délégué syndical Force ouvrière, est ainsi très dubitatif sur la venue de Bernard Bensaid : « Il est venu pour nous dire que tout allait bien se passer. Mais pour résumer, si Doctegestio reprend la clinique, ce sera du sang et des larmes. Il va vouloir résorber la dette de 22 millions en faisant cravacher le personnel. Et dans un ou deux ans, ce sera une catastrophe pour nous et les patients. » La bataille n’est pas encore terminée puisque le 15 septembre, le Comité social et économique (CSE) où siège les syndicats se réunit. Celui-ci pourrait demander un audit pour vérifier que le repreneur a les capacités financières de mener à bien la reprise.

Dans ce combat, est aussi présent le collectif des usagers depuis le début. Celui-ci a presque tout fait pour s’opposer à la vente : pétition, projet de société coopérative, sans compter le nombre de manifestations devant le GHM ou les bureaux d’Adréa.

Le collectif des usagers avait notamment été à l’initiative d’un projet de Société coopérative d’intérêt collectif (Scic) finalement écarté par Adréa en mars.

Pour Hervé Derriennic qui en est l’une des voix, la décision de désigner Doctegestio comme repreneur est une douche froide : « Ce choix est le pire qui pouvait être fait. Pire que Vivalto (l’autre candidat privé, NDLR) qui a au moins de l’expérience dans le domaine de la santé. Doctegestio n’est pas du tout un spécialiste de ces questions-là. Pour être choisis, ils ont dit oui à tout, quitte à demain revenir dessus pour se déjuger. Et pour être sûr de gagner, ils se sont associés avec Icade, un partenaire semi-public pour mettre le plus d’argent sur la table. » Un montant compris entre 72 et 75 millions d’euros est évoqué, même si ce chiffre n’est pas confirmé par Bernard Bensaid (article abonné·e·s Dauphiné-Libéré). Le groupe Icade est quant à lui une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, détenu à 40 % par celle-ci.

« Paradoxalement, ce partenariat nous donne un angle d’attaque fort », assure Hervé Derriennic. « Car une grande partie de l’argent apporté lors de cette vente provient d’Icade. Or, cet organisme semi-public participe à un projet qui va à l’encontre des pouvoirs publics que sont la Ville, l’agglomération et le Département. Nous avons déjà rencontré le 10 juillet le maire de Grenoble Éric Piolle, le président de la Métro Christophe Ferrari et la députée Camille Galliard-Minier (suppléante d’Olivier Véran, devenu ministre de la Santé). Et nous avons demandé à ces élus de faire pression sur Icade pour qu’il se retire. D’ailleurs, la seule réserve émise à propos de cette vente a été émise par Icade et porte sur la préemption des bâtiments. Une menace que peut notamment brandir la Métro pour le pousser à faire machine arrière. » Ce recul pourrait permettre aux autres candidats à la reprise, évincés en juillet, de revenir dans la course.

Autre levier pour les opposants à la reprise par Doctegestio : amener certains administrateurs de l’UMGGHM à déposer un recours pour défaut d’information avant la décision. « Le document distribué par Adréa pour éclairer le choix ne comportait rien, aucun chiffre », clame Hervé Derriennic. Le 6 juillet, trois membres du conseil d’administration, affilié à la Mutualité française de l’Isère (MFI), mais minoritaires faces aux six administrateurs d’Adréa, s’étaient prononcés en faveur du partenariat Agduc-CHU et contre Doctegestio.

Avant d’aller taper dans la balle avec Éric Piolle dans le cadre de la campagne électorale pour les élections municipales, François Ruffin était venu soutenir les salariés du GHM le 13 mars.

Doctegestio est-il un repreneur sérieux ?

Si Doctegestio provoque à ce point l’inimitié de ses opposants, c’est parce qu’il traîne une réputation sulfureuse. Michel Abhervé, ancien professeur d’économie sociale et solidaire pendant plus de dix ans à Marne-la-Vallée, et désormais à la retraite, en fait régulièrement état sur son blog. « Je me suis intéressé au groupe Doctegestio quand ils ont affirmé qu’ils étaient dans l’ESS, qu’ils étaient les meilleurs là-dedans et ont tenté de donner des leçons à tout le monde. Or, ils ne sont pas dans l’ESS puisqu’il s’agit d’un groupe privé, né dans la gestion immobilière et qui a compris qu’il y avait de l’argent à se faire dans le médico-social. »

Selon cet universitaire, leur stratégie « malsaine » est « toujours la même » : « Ils arrivent en disant qu’ils vont reprendre l’ensemble des salariés. Donc ils sont choisis car ils semblent être la meilleure offre. Mais quand on reprend une entreprise d’aide à domicile dont la quasi totalité des dépenses est représentée par les coûts salariaux, la seule manière de réduire ces dépenses est de pressuriser les employés. Et en général, quand on regarde les structures un an après l’entrée de Doctegestio, un quart des effectifs est parti. » Comme ce fut le cas dans une clinique de Seine-Saint-Denis appartenant au groupe.

Reste une question que Michel Abhervé, comme beaucoup d’autre sans doute, se pose : « Pourquoi Adréa a choisi cet acteur-là ? » Il avance une hypothèse : « La véritable expertise du groupe Doctegestio, et qu’on ne peut leur enlever, est la gestion immobilière. Ce qui est en général l’une des faiblesses de l’ESS. Or, il me semble que dans le cas du GHM, l’immobilier joue justement un rôle. » En effet, un montage financier un peu particulier (article abonné·e·s Place Gre’Net) unit le GHM à son propriétaire la société civile immobilière Scimi, également sous la coupe d’Adréa : le GHM, déficitaire, paie ainsi un loyer à la Scimi. Mais aussi taxe foncière et travaux d’entretien et de rénovations… à une société par ailleurs bénéficiaire. Et l’ancien professeur de conclure : « Ce dont je suis sûr, c’est que Bernard Bensaid est intéressé par cet aspect immobilier. »

Un autre acteur dauphinois de la santé en lien avec Doctegestio

Avant de se positionner comme repreneur potentiel du GHM, Doctegestio était déjà présent en Isère. Depuis décembre 2018, Bernard Bensaid est le président du Conseil d’administration de l’association d’aide à domicile Aappui, basée à Meylan. Cette structure spécialisée dans le handicap existe depuis 1997. L’une de ses cofondatrices, Emmanuelle Tachker-Perli, en est toujours la directrice, et ne voit que du positif à l’arrivée de Doctegestio :

« D’une part, nous n’avons pas été repris, mais nous nous sommes adossés à Doctegestio. C’est à dire que nous sommes encore autonomes. J’avais rencontré M. Bensaid en septembre 2018, et nous avons conclu ce partenariat en décembre 2018. Il est président et a son mot à dire, mais il nous laisse travailler. Et s’il n’avait pas été là pour injecter de l’argent, nous aurions sans doute dû licencier du personnel.

La surcharge de travail a plutôt été pour les cadres lors de la mise en place de ce partenariat que pour le personnel. Certes, cela était assez effrayant au départ. Mais cela nous a permis une mutualisation, une digitalisation de nos services supports, qui ont permis une meilleure organisation du travail et au final une amélioration des conditions de travail. D’autre part, les salariés ont ainsi accès à des avantages au niveau du groupe, ou ont la possibilité de travailler ailleurs en France dans d’autres structures s’ils le demandent.

Concernant le GHM, je ne me fais franchement pas d’inquiétude : Bernard Bensaid nous en a déjà parlé pour savoir si nous serions capable de prendre en charge des personnes en sortie d’oncologie, ou de gériatrie comme nous le faisons déjà avec le CHU. L’idée étant d’avoir un parcours de soin global. »

Un témoignage à nuancer, au moins pour partie. Car certaines sources nous ont donné une version sensiblement différente de l’arrivée de Doctegestio : à savoir que celle-ci n’avait pas été le fait d’une volonté interne de l’association, mais avait été imposée par le Département de l’Isère, principal interlocuteur de l’association au travers de la Prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA). Pour autant, ces mêmes sources soulignaient le sérieux d’Aappui avant la venue de Bernard Bensaid, sans savoir dire quelle était l’influence de celui-ci dans l’organisation actuelle.

Reportage, frise chronologique et photos de Florian Espalieu, journaliste web grenoblois.

*Le prénom a été changé.


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Embryon d’autonomie

Sujet élu le 1er juin avec 55% des votes | 106 abonné·e·s

Le chantier à venir pour une autonomie alimentaire à Grenoble est immense. Au-delà des pratiques citoyennes, ce sont les filières de distribution du producteur au consommateur qui ne sont pas adaptées à une autonomie alimentaire locale de masse. Si la métropole met régulièrement en avant le sujet, c’est surtout pour faire avancer l’idée auprès du public et des professionnels du secteur.

Culture hors-sol à côté de la rue du Vieux Temple à Grenoble.

Depuis le confinement, Grenoble Alpes Métropole met en avant sur son site Internet plusieurs articles pratiques “pour manger local” : listes des marchés, des producteurs locaux et même une carte interactive des commerces ouverts post-confinement. L’intention de favoriser l’achat local y est, sans l’ombre d’un doute. Mais dans l’état actuel, il n’y a pas assez de producteurs locaux et l’organisation est à revoir pour rendre locavores tous les métropolitain·e·s. Pour preuve cet extrait du document “stratégie et plan d’actions” de la Métro concernant les actions à mener pour l’environnement sur la période 2020–2030 :

« Certes, il n’est pas envisageable d’imaginer une autonomie alimentaire complète du territoire, même en mobilisant les productions des territoires voisins. Cependant, il est important que les denrées produites sur le territoire y soient consommées et que les capacités de production agricole soient réorientées vers l’approvisionnement du marché local dans le respect d’un principe d’équité producteur / consommateur. » — extrait du Plan Climat Air Énergie Métropolitain (PCAEM).

Ce document, disponible pour tous sur le site de la Métro, propose trois orientations pour progresser sur le sujet : “relocalisons notre alimentation” (page 176), “incitons les acteurs économiques au changement” (page 253) et “rendons les habitants acteurs” (page 227). Une clé du problème concerne la coopération avec les territoires voisins. Déjà depuis 2015 la métropole était en partenariat avec le Grésivaudan, le pays Voironnais, les Parcs naturels régionaux de Chartreuse et du Vercors. En 2019, se sont ajoutés le Trièves et la Ville de Grenoble.

Pour les dix prochaines années, l‘idée est d’animer un “Conseil de l’alimentation inter-territorial” qui veut réunir un maximum d’acteurs du territoire, y compris le Département et la Région. Les enjeux sont identifiés, un pôle agroalimentaire a été créé, le label Is(h)ere, pour encourager l’achat local, inventé en 2018, cependant les indicateurs de résultats identifiés consistent essentiellement à compter le nombre de magasins de producteurs, de marchés de producteurs et d’agriculteurs labellisés. Les deux autres volets souhaitent sensibiliser soit les citoyen·ne·s à l’achat local, soit les entreprises et collectivités pour mettre du local dans la restauration collective.

Quand on sait que l’alimentation est responsable de 22 % de l’empreinte carbone de la métropole, on comprend bien pourquoi ce secteur entre pleinement dans la stratégie de baisse des émissions de gaz à effet de serre du PCAEM (Plan Climat Air Énergie Métropolitain). Pour autant, les budgets prévisionnels proposés ne s’élèvent pour l’instant qu’à 4,5 millions d’euros sur dix ans pour les trois orientations évoquées plus haut. Cela représente 1 % du budget total (448,5 millions d’euros) prévu par la Métropole pour le PCAEM.

Qu’en pensent les citoyen·ne·s ?

Ugo, membre d’Alternatiba Grenoble, a planché sur le sujet il y a quelques temps avec d’autres membres. Pour lui, la démarche pour l’autonomie alimentaire n’en est qu’à un stade “embryonnaire” avec surtout des mises en relations entre territoires et des objectifs peu ambitieux. Il admet que ce document officiel “fait son job d’objectif”, mais sans plus. “La Métropole dépend d’autres territoires, donc elle contractualise”, renchérit-il. Un mini-débat se lance avec les quelques personnes qui écoutent la conversation place Saint-André. Le sujet intéresse et ce n’est pas étonnant car autour d’eux sont affichées, à l’occasion d’un événement, les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat afin de “réduire de 40% les gaz à effet de serre”.

La loi EGalim votée en 2018 est issue des États généraux de l’alimentation.

Si les trois citoyennes tirées au sort en Isère n’ont pas travaillé dans la commission “Se nourrir”, c’est le cas d’Alain, retraité de 61 ans, brondillant (habitant à Bron, agglomération de Lyon). Pour lui, la difficulté de manger local vient aussi de devoir payer plus cher en achetant directement aux maraîchers. Il déplore qu’il y ait “tellement de choses à dépenser aujourd’hui” et considère “qu’avant on pouvait mettre un peu plus d’argent dans la nourriture” pour “une consommation de qualité”. Connaisseur de la région grenobloise, il confirme aussi qu’il n’y aura pas assez de producteurs locaux si on se limite à la métropole. Il aimerait aussi éviter les déviances comme dans ce reportage de France 2 à Rennes où des serres restent allumées jusqu’à 3h du matin, bouleversant la biodiversité locale.

Même ton sur la potentielle autonomie alimentaire grenobloise pour Lorène, membre d’Alternatiba Grenoble et du collectif Métro, “consciente qu’aujourd’hui c’est impossible sur le territoire”. La solidarité avec les territoires voisins semble pour elle la solution à court terme, allant dans le sens du document produit par Grenoble Alpes Métropole. Pour Ugo, il faudrait un “remembrement” des filières de distribution. Les changements de destinataires ne sont pas si simples. Illustration avec Yann, primeur dans la région, qui a continué à travailler pendant le confinement :

« Ma clientèle était composée de 90 % de restaurants/traiteurs et 10 % de particuliers via des “paniers de fruits et légumes”. Le confinement a strictement inversé ces chiffres et m’a donné un boulot de dingue, car beaucoup plus compliqué. Je suis passé de 25 paniers par semaine à plus de 100 ! Post confinement, j’ai retrouvé mes pros et gardé une cinquantaine de paniers. »

Une projection d’autonomie à Rennes

Trois promotions d’étudiants spécialisés en “Agriculture Durable et Développement Territorial” ont planché entre 2010 et 2013 sur le potentiel d’une autonomie alimentaire pour la métropole de Rennes. Si les tailles de l’aire urbaine et de la ville centrale sont respectivement de 40 000 et 60 000 habitants supplémentaires, cette projection apporte des enseignements intéressants pour la métropole grenobloise. L’objectif de l’étude était de déterminer le périmètre nécessaire pour “nourrir tous les habitants […] à partir des seules ressources alimentaires du territoire local”. En prenant de nombreuses hypothèses comme la réduction du gâchis alimentaire, la réduction de la part de calories animales et plusieurs partis pris comme l’agriculture biologique et produits de saison, les étudiants ont calculé une zone de 22 km de rayon centrée sur Rennes pour une autonomie complète (la métropole fait 14 km de rayon). Dans ce “scénario autonomie”, il faut tout de même consacrer à l’agriculture “30 % des forêts”, “40 % des surfaces en jardins publics et privés”, “46 % des surfaces en espaces verts urbains” et “60 % des toits plats”. On peut alors s’imaginer une ville totalement dédiée à l’agriculture où les potagers de rue sont devenus la norme plutôt que l’exception.

Pour Grenoble, même en gardant ces indicateurs, la projection est encore plus difficile. Grenoble Alpes Métropole calcule une surface agricole actuelle de 15% de son territoire, contre 55% de Surface agricole utile pour Rennes Métropole. Par ailleurs une étude de Utopies, publiée en mai 2017, montre que Rennes entre dans le top 10 des aires urbaines les plus autonomes actuellement. Grenoble est 66ème sur les 100 aires urbaines testées, en dessous de la moyenne nationale.

Dans la région, c’est Valence qui s’en sort le mieux pour le moment avec la deuxième place au classement et une autonomie de… 6,43 %. Il faut atteindre 100 % pour considérer l’aire urbaine comme autonome. Oui, il y a encore beaucoup de travail pour acquérir une autonomie alimentaire dans les grandes villes.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


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En attendant l’après

Sujet élu le 2 mai avec 53% des votes |103 abonné·e·s

La privation de libertés liée au confinement aura duré en France presque deux mois. Du 17 mars au 11 mai 2020, les citoyen·ne·s de l’agglomération grenobloise ont dû changer leurs habitudes du tout au tout. D’abord en très peu de temps, deux jours après le premier tour des élections municipales (résultats à consulter par ici), puis très progressivement, selon des directives formulées par le gouvernement et relayées au niveau local par les maires. Cette période a-t-elle été l’occasion d’une prise de conscience des citoyen·ne·s pour l’après confinement ? L’avertY a contacté quelques habitant·e·s au hasard des pages blanches (voir méthodologie en fin d’article). Sept d’entre eux ont pris le temps de répondre pour partager un premier bilan de leur confinement.

Luca est étudiant, il a 20 ans et termine à distance sa deuxième année de BTS. Une fin d’année difficile. Il a fallu continuer à suivre le rythme en télétravail sur les mêmes horaires qu’en temps normal, alors qu’il observait pour lui une tendance à se coucher tard, comme “un rythme de vacances”. Ce temps-là, il l’a passé à réfléchir à ce qu’il pourrait faire pour la suite de ses études. Au début du confinement, il avait le choix entre habiter dans son appartement à Grenoble ou chez ses parents à Vaulnaveys-le-Haut. Il a choisi la seconde option. Face à l’ennui, le confinement l’a poussé à cuisiner au quotidien avec sa mère. Un point commun avec Concetta, 45 ans et mère de famille de quatre enfants. Cuisiner s’est conjugué au pluriel, en famille, “surtout avec les plus jeunes”, qui demandent encore aujourd’hui s’ils peuvent participer. Pour le mari et l’aîné de 19 ans, la reprise du travail a été un soulagement. L’école à la maison a permis d’occuper les jeunes. Un peu. Le déconfinement de Concetta ne s’est pas fait sans effort. “Je me suis habitué” au confinement et puis “petit à petit, on a pu faire une petite sortie”. Avec la peur du virus, “ça a été dur aussi de sortir”. Aujourd’hui, la famille veut profiter des sorties “dès qu’il y aura un peu de soleil” et “surtout pour les petits qui sont en demande”.

Bertrand, 65 ans, est vaulnaviard et retraité. Le plus contrariant pour lui c’était de “faire à manger tous les jours pour les enfants”. Deux jeunes adultes de 17 et 18 ans. Le volume du caddie a augmenté en même temps que le lycée et la faculté fermaient. Sa femme a continué de se rendre au travail “dans l’informatique”, sans pouvoir télétravailler. Ce confinement n’était pas un supplice pour Bertrand, “il faisait beau pendant le confinement donc c’était bien”. S’il n’a pas vraiment accroché à la “muscu” proposée par ses enfants, Bertrand s’est occupé du jardin avant l’heure, toujours pour cause de beau temps. Un point commun avec Véronique, Échirolloise. Il a aussi rattrapé ses petits retards de bricolage sur sa maison. Un point commun avec Jean-Louis, Échirollois également retraité.

Stop ou encore ?

Mais y aura-t-il du changement dans la vie des citoyen·ne·s post-confinement ? Si c’est le cas, rien de radical. Quelques réflexions sur la consommation et les pollutions font surface. Véronique, citée plus haut, télétravaille pour la première fois de sa vie. Elle s’est retrouvée confrontée à la frénésie des achats dans les supermarchés au début de la crise. Ces caddies remplis pour rien et ces rayons vides. Aujourd’hui, elle constate qu’en dehors des courses alimentaires essentielles, elle n’éprouve pas “pour l’instant” le besoin d’aller consommer comme avant. Sans savoir si c’est un changement qu’elle appliquera sur le long terme, elle explique que faire les magasins dans les conditions sanitaires actuelles la rebute.

Côté Grenoble, Jacqueline pense qu’il faut faire plus attention à la nature, aux pollutions. Mais ce n’est pas une idée nouvelle pour elle. Elle espère, sans trop de conviction, “que tout le monde réfléchisse à ça”. Jean-Louis, cité plus haut également, s’est livré à quelques “réflexions sur la vie présente et sur l’avenir”, sans toutefois préciser lesquelles. Par téléphone, il n’avait “guère de temps”. Sa voix était joviale, ses mots rassurants et son humeur laissait deviner un optimiste.

Et si rien ne change ?

Un autre citoyen, qui souhaite rester anonyme, ne voit pas les choses de la même façon. Pendant la période, la confiance qu’il avait dans les médias est passée de “faible” à “le plus bas niveau possible”. “Les médias généraux, que je consulte très peu, réagissaient sur l’instant, amplifiaient des bruits”. Sa réquisition à l’hôpital lui a montré une toute autre réalité. Pour lui c’est “une surréaction politique et sanitaire”. Il a observé, amer, un retour des dénonciations, un couvre-feu, des laissez-passer à signer soi-même, des amis arrêtés par des drones. Il ajoute, “ça m’a fait peur, ça m’a beaucoup déçu”.

« Je me dis que beaucoup de choses pourraient changer en bien dans la façon de voir le monde, et je pense que rien ne va changer. » — citoyen anonyme.

Notre anonyme pense “que l’économie va redémarrer, que la consommation reprendra, que les avions continueront à voler”. Dans son sens, Bertrand estime également que la vie “ne va pas changer fondamentalement”. Il est sans doute encore trop tôt pour conclure à une évolution durable dans un sens ou un autre.

Le déconfinement poursuit ses étapes par tranches de 3 semaines. La vie en société reprend prudemment. Le deuxième tour des municipales arrive le 28 juin pour environ 5000 communes en France, dont Grenoble, Fontaine, Échirolles, Eybens, Seyssinet-Pariset, Sassenage, Saint-Paul-de-Varces, Vif, Vizille, Meylan et Saint-Égrève. L’occasion d’analyser une potentielle évolution politique entre les deux tours.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.

Les mots de la fin

🔹 « On va s’en sortir. Trouver un médicament ou un vaccin, c’est le principal. On va vivre avec. » — Bertrand.
🔹 « S’il y a un deuxième confinement, moi je suis prêt. » — Luca.
🔹 « L’espoir, qu’il soit cultuel, qu’il soit politique. » — Jean-Louis.
🔹 « J’espère que les gens ne vont pas faire n’importe quoi afin que cette pandémie ne revienne pas. Trinquer avec les copains, c’est bien, mais il faut être prudent. J’ai un peu peur de ça. » — Véronique.
🔹 « J’aimerais qu’on trouve les solutions pour que tout ça n’existe plus. Qu’on puisse être libre, de rester enfermée ça a été dur quand même. » — Concetta.
🔹 « Dans mon entourage, je constate que l’ampleur de l’épidémie et de l’événement est bien moindre que ce que j’ai vu dans les médias. J’ai beaucoup de mal à faire le lien entre ce qui vient de se passer, ce qui a été présenté et la véritable situation. » — Anonyme.

Méthodologie de contact des personnes interrogées

Sur la base des pages blanches, L’avertY a contacté par téléphone une quarantaine de citoyen·ne·s au hasard parmi les villes suivantes de la métropole (nombre de tentatives entre parenthèse) : Grenoble (16 tentatives), Échirolles (4), Saint-Martin-d’Hères (3), Fontaine (4), Vaulnaveys-le-Haut (5) et Vizille (4). Les villes ont été choisies arbitrairement dans l’idée de couvrir des secteurs différents en nombre d’habitants. Grenoble la ville centre de la métropole, la première couronne communiste et le secteur de Vaulnaveys, moins citadin. Les personnes contactées, mais absentes, avaient la possibilité de rappeler suite au message laissé sur répondeur.


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