#5 « C’est bien de sortir de la routine, des habitudes. »

L’odyssée d’Olivier : Un rythme à deux.
Interview réalisée le 17 août.

Il pensait faire tout le trajet seul. Olivier a finalement été rejoint pour 10 jours de la Suède, jusqu’en Allemagne, par Audrey, son amie qui habite à Chambéry. Un nouveau rythme s’est installé, avec un petit air de vacances dans cette longue odyssée de notre voyageur à vélo. Le voilà déjà à Berlin, à 3500 km de son départ du Cap Nord, où il fait une pause de deux journées complètes. Une première.

Épisodes précédents…
#0 (Re)-lire l’interview d’Olivier au départ fictif à Grenoble
#1 Passer le cap
#2 Fuir les moustiques
#3 Mer fraîche, feux de forêts
#4 2000 km, le bilan du premiers mois

Sur l’interview, au départ à Grenoble, tu m’as dit préférer voyager seul. Malgré cela, tu viens tout de même de faire 10 jours de vélos, accompagné de ton amie Audrey. Qu’est-ce qui a changé à deux ?

Ça a changé les rythmes des journées. On prenait vraiment le temps d’être ensemble, de rouler tranquillement, de profiter des paysages où on passait. J’étais entré dans une routine quotidienne. Monter ma tente le soir, faire mon petit repas, prendre ma douche, démonter la tente le lendemain. Là, en fonctionnant à deux, c’était un peu différent. Au lieu d’aller directement au camping, on passe un peu de temps le soir à chercher un lieu de bivouac. On se retrouve à se balader dans la forêt, il commence à faire nuit.

Avant qu’on se retrouve, j’ai fait des plus longues journées à 100 km par jour, pour arriver sur la côte Ouest de la Suède, à côté de Göteborg. Comme elle avait des dates fixes, ça a rythmé les journées mine de rien. Pareil pour sa date de départ. Elle repartait le samedi, pour arriver au boulot le lundi à Chambéry. Il fallait qu’on soit dans une ville où elle pouvait facilement prendre le bus et rentrer en France. Du coup, sur les quatre, cinq derniers jours, ensemble au Danemark, ça a dicté la distance qu’on devait faire pour arriver à la fin de son trajet à Rostock en Allemagne. Ça change pas mal la manière d’avancer sur le vélo.

Rouler depuis un mois m’a bien entraîné. J’avais la capacité de rouler plus vite qu’elle. On roulait souvent ensemble, et de temps en temps, je partais devant pour pouvoir m’arrêter et prendre une photo. Ça me faisait faire un peu plus de sport. À deux, je pédalais sans vraiment appuyer sur les pédales, j’avançais tranquillement. De temps en temps, je me faisais un petit sprint pour me dégourdir les jambes. On a fait de belles journées à 75–80 km par jour.

Au quotidien, on prend le repas à deux. On prend le temps, de discuter sur ce qu’on a vécu la journée, d’échanger sur le voyage à vélo, sur nos vies respectives. Jusqu’à maintenant, moi le temps du repas, c’était plus utilitaire, de me nourrir et prendre des forces pour la suite. Le soir, on n’a pas fait forcément des grosses soirées. Mais on prenait le temps d’écrire le blog à deux. C’est ce qu’on a fait sur deux ou trois articles. C’était rigolo. D’autres fois, on arrivait tard et elle s’endormait avant que j’aie fini d’écrire.

Il a fallu te réadapter à rouler en solitaire quand elle est partie le 11 août ?

Ce n’était pas facile. Je m’étais assez vite habitué au rythme à deux, 24 heures sur 24. Tout à coup, je me retrouve à nouveau tout seul sur la route, avec mon vélo. Il faut reprendre la marche en avant. Je retrouve assez vite mes automatismes d’avant. Installer le repas, monter la tente, faire les courses pendant la journée. On le faisait à deux, mais là, je me retrouve à le faire tout seul. Pour rechercher un lieu de bivouac, quand on est à deux, on peut explorer chacun un chemin. Ça fait moins d’une semaine, j’ai fait quelques jours sur la route, et après, je suis arrivé à Berlin. Là, c’est à nouveau un rythme différent. C’est bien de sortir de la routine, des habitudes.

Tu es donc à Berlin au moment de cette interview. C’est ton premier gros arrêt depuis le Cap Nord. Qu’est-ce que tu as prévu de faire ? Quel est ton objectif ?

Je fais deux jours entiers pour visiter. Je suis arrivé mercredi soir. Je repars samedi. Mon objectif est de découvrir la ville et son histoire assez chargée. Celle récente du 20ème siècle : le mur de Berlin, la guerre froide, tout ce qui va avec. Hier matin, je suis allé au Musée juif à Berlin. Il y avait une bonne partie orientée sur la vie des Juifs pendant le nazisme. À la fois sur la partie Holocauste, et aussi de l’exil des Juifs, qui ont fuit la ville et le pays pour aller se mettre à l’abri. C’était très poignant, mais bien intéressant. C’est toujours bien de mettre une petite piqûre de rappel sur ces choses-là. C’est ce qui fait qu’on évite de reproduire les mêmes erreurs. Je n’ai pas forcément appris des choses. Mais le fait de le découvrir à Berlin, c’est aussi une signification particulière. C’est un peu le cœur de l’Allemagne nazi. C’est de là que tout est parti. Forcément ça a une signification particulière.

À l’école, on parle beaucoup de la déportation, de l’extermination des Juifs. Il y a aussi énormément de Juifs qui ont quitté le pays, par peur de la mort, de la répression. Typiquement, ça résonne dans l’actualité, parce qu’on parle beaucoup des migrants, des gens qui fuient leur pays. Ce sont des choses qui se sont déjà passées, qui se reproduisent. Par moment, on a l’impression qu’on ne progresse pas beaucoup sur ces questions-là.

Et à part le côté historique ?

Je suis allé voir une grande portion du mur, recouverte d’œuvre d’art, d’artistes du monde entier. C’était juste après la chute du mur. C’est du street art, avec des peintures variées, très jolies. C’est le nouveau visage de Berlin. La culture s’est beaucoup développée. La vie qui reprend après ces années difficiles. Il y a un énorme dynamisme, qu’on sent un peu partout dans la ville. Il y a beaucoup de travaux aussi, ça bouge un peu de partout.

Après avoir beaucoup roulé sur des petites routes de campagne, des petites pistes cyclables, des chemins dans la forêt, me retrouver en ville ça m’a fait un choc. C’est un peu bizarre de retrouver l’agitation de la ville. Même si j’habite en ville à Grenoble, je crois que je me suis vraiment habitué au fait d’être dans la nature, d’être au calme. De me retrouver d’un coup dans cette grande ville, avec des voitures dans tous les sens, des vélos qui doublent à droite, à gauche, le bruit des travaux. Je ne m’attendais vraiment pas à ce choc-là en arrivant ici.

Chaque semaine, L’avertY propose à Olivier de commenter certaines de ses photos prises durant le trajet. Quel est le contexte de la photo ? Quelles anecdotes ? Pourquoi ces choix-là de photos ?

N°11 Plus qu’un mur

« Dans une rue, une bonne partie du mur a été préservée. On peut monter sur le toit du centre de documentation, il y a une plate-forme qui permet d’avoir une vue d’ensemble. On se rend vraiment compte de la taille. C’est toute une infrastructure : un mur, plus une barrière de détection, plus des systèmes anti-véhicules, plus des tours de garde. Une vraie barricade qui a été mise en place, un vrai dispositif pour empêcher les gens de passer. C’est ce qui m’a le plus marqué de ce que j’ai vu jusqu’à maintenant à Berlin. »

N°12 Abri trois étoiles

« Sur le petit ferry pour traverser de la Suède au Danemark, on a rencontré une cycliste néerlandaise qui nous a expliqué que le bivouac était interdit au Danemark, mais par contre qu’il y avait des petits abris qui étaient disponibles un peu partout dans la nature. On pouvait passer la nuit dans un de ces “free shelter”. Il y a une application pour téléphone qui les recense, qui permet de savoir où ils sont. Pour notre premier soir, on a trouvé celui-là, apparemment tout neuf. On a pu s’installer, et ça tombait bien, car on a eu quelques gouttes pendant la soirée. On était bien au sec, bien à l’abri pour se faire à manger, et pour dormir. »

N°13 La pose de l’homme mouette

« Je n’ai pas bien compris au début. Je pensais qu’Audrey voulait faire des photos des mouettes et des oiseaux au bord de la mer. Donc je lui ai préparé l’appareil, je lui ai expliqué les réglages. Et juste après, elle me dit : “non, mais en fait, c’est des photos de toi que je veux faire”. J’ai fait la mouette sur le rocher pour qu’elle puisse me prendre en photo. »

N°14 Lac rosé-orangé

« À la recherche d’un lieu de bivouac pour passer la nuit, on est passé à côté de ce lac. On est descendu dans les petits chemins. On ne savait pas trop où ça allait. Finalement, on est arrivé au bord. On s’est baigné pour se rafraîchir. Pendant qu’on mangeait, le soleil a commencé à bien descendre. On a eu ces belles couleurs-là pendant qu’on mangeait, avec le reflet sur le lac, et le ciel qui devenait tout rose, orange. »

Encouragez Olivier à parcourir les 3500 km restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. Rejoignez le salon de discussions Discord. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz + une photo d’Audrey.

#4 « J’ai mangé une pizza à la viande de renne, c’était pas mal. »

L’odyssée d’Olivier : 2000 km, le bilan du premier mois

Olivier est parti le 26 juin pour son périple de 7000 km sur l’itinéraire EuroVelo n°7, du cap Nord en Norvège, à Malte. L’avertY vous propose cette interview mensuelle, réalisée le 26 juillet (publiée en léger différé pour des raisons d’agenda). En un mois et 2000 km, que faut-il retenir de ce long voyage à vélo ? Voici quelques réponses, agrémentées des photos d’Olivier.

Épisodes précédents…
#0 (Re)-lire l’interview d’Olivier au départ fictif à Grenoble
#1 Passer le cap
#2 Fuir les moustiques
#3 Mer fraîche, feux de forêts

Le matériel complet d’Olivier.

Depuis un mois, qu’est-ce que tu n’as pas pu faire et qui te manque par rapport au quotidien à Grenoble, au moins un peu ?

Ce que je trouve le plus compliqué sur le voyage, c’est la gestion de la nourriture. Je suis obligé de faire des courses tous les jours. D’une part, je n’ai pas beaucoup de places dans mes bagages. Et d’autre part, je ne peux pas conserver des choses au frais. Je suis obligé d’acheter des petites quantités au jour le jour, et des choses simples à transporter et à cuisiner. J’ai l’impression de manger un peu toujours la même chose. C’est un peu ça qui me manque. C’est la contrainte des voyages à vélo.

Quel est le meilleur repas que tu as mangé depuis le départ ?

J’ai mangé une pizza à la viande de renne, c’était pas mal du tout.

As-tu déjà sauté un repas, et si oui, pourquoi ?

Non. J’ai toujours pris le temps de manger correctement. C’est vachement important pour pouvoir rouler. Avant de partir, je prenais rarement des petits-déjeuners. Là, le matin, je fais l’effort de bien manger pour être en forme pendant la journée.

Couché de soleil capturé lors du voyage en bateau vers le cap Nord.

Quelle soirée, nuit, as-tu le plus apprécié ?

La nuit où j’ai fait le bivouac, parce que ça sortait vraiment de l’ordinaire. C’était les conditions idéales, une très très bonne nuit. À part ça, j’ai fait que des campings, ou des fois, des auberges de jeunesse.

Au contraire, laquelle as-tu détesté, ou moins apprécié ?

Les deux nuits à Luleå. C’était là où j’ai fait ma journée de repos. J’avais décidé d’aller dans une auberge de jeunesse pour être un peu posé, et éventuellement rencontrer des gens. Et en fait, je me suis retrouvé dans une espèce de petit hôtel pas agréable, avec des toutes petites chambres, pas de fenêtre, personne à la réception. Il fallait passer par un code pour Internet. Vraiment pas convivial, pas sympa du tout.

Quel a été le plus gros souci mécanique depuis ton départ ?

Je n’ai quasiment pas eu de soucis. La première semaine, j’avais le garde-boue qui sautait un tout petit peu. Mais non, le vélo va très bien. J’espère que ça va durer le plus longtemps possible. Zéro réparation à faire. Vraiment nickel.

Visite de l’église de Gammelstad.

Quel est le bâtiment que tu as vu qui t’as le plus marqué, intrigué ?

Ce qui m’a le plus marqué, c’est que 95% des bâtiments ici sont de couleur rouge traditionnel, ce qu’on voit sur un certain nombre de mes photos. Je ne pensais pas qu’il y en aurait autant. Partout, partout, partout. Des petites maisons, des granges, des fermes, des petites cabanes dans les bois. Quand je passe d’un village à l’autre, j’ai l’impression que toutes les maisons sont les mêmes. Les mêmes formes, les mêmes organisations. Par contre, quand je vois des églises dans les villages, elles, elles sont très différentes les unes des autres. Ce n’est pas vraiment un style traditionnel ou régional. Je pense à certaines régions en France où toutes les églises sont portées sur le même format. Celle que j’ai visitée de la ville-église est assez jolie. J’ai pris le temps de la visiter, découvrir l’intérieur, des différentes époques où elle a été aménagée. Elle valait le coup d’œil.

Est-ce que ton chargeur solaire marche bien ?

Il marche très bien quand il est exposé au soleil. Le petit souci, c’est que comme je vais principalement vers le Sud, et que je l’ai accroché sur mon porte-bagage, je fais régulièrement de l’ombre dessus. Du coup, il ne recharge pas aussi bien qu’en plein soleil. En général, je le mets au soleil en arrivant le soir au camping, ou je le remets le matin. Donc, il marche bien. Dans les campings, il y a de l’électricité. Je mets mon téléphone sur les prises électriques.

Le chargeur solaire d’Olivier.

C’est quoi le pire niveau météo : vent fort de face ou chaleur à plus de 30 degrés ?

Je crois que je préfère quand même le chaud. J’avance moins vite, mais c’est de belles conditions. Il y a un beau ciel, de belles lumières. Je préfère ça à du vent et de la pluie. Je parle beaucoup de la chaleur, parce que c’est en ce moment, mais je suis relativement content d’avoir eu peu de pluie depuis le début du voyage. Je ne regrette pas le passage au cap Nord, avec le vent bien violent, où j’avais du mal à tenir debout à côté de mon vélo.

En un mot, la Norvège, c’est comment ?

Assez vide. J’ai vu vraiment le Nord de la Norvège, il n’y avait vraiment pas grand monde.

En un mot, la Finlande, c’est comment ?

Je n’y ai passé même pas une journée, ce n’était pas très différent de ce que j’ai vu avant et après. Je ne sais pas comment le dire en un mot, mais la langue est très différente. Ça m’avait marqué.

En trois mots, la Suède, c’est comment ?
C’est grand. Il y a beaucoup d’étendu d’eau. Les routes ne sont pas forcément bien adaptées aux cyclistes.

La côte de la mer Baltique.

Combien as-tu dépensé d’argent depuis le départ (trajet en transport compris), à 50 euros près ?

Pour être honnête, je n’ai pas du tout compté. Si j’essaye de faire un total rapide. Il y a 700 euros de bateau, 250 euros de train pour l’aller. Après, je retire et dépense sans trop regarder. En Suède, j’ai retiré trois fois 200 euros, on va dire 500 euros dépensés. Peut-être 100 euros en Norvège (ndlr : total 1550 euros). Ça doit être un peu près ça.

D’après toi, quel caractère, quel état d’esprit peut-être utile pour accomplir un long voyage comme le tien ?

À mon avis le plus important, c’est d’être vraiment motivé, avoir envie d’aller jusqu’au bout. Il y a plein de moments super, mais il y a aussi des moments difficiles, moins bien. Il faut réussir à passer outre pour aller jusqu’au bout.

Concert au bar du camping.

Quelle rencontre as-tu le plus apprécié depuis ton départ, voyage jusqu’au cap Nord compris ?

C’était dans une petite ville en Suède, il y a quatre, cinq jours. Un Français est venu me voir au supermarché. Il avait vu que j’avais un tee-shirt écrit en français “Grenoble Ekiden”. Il m’a invité à prendre un verre chez lui. J’ai passé une bonne demi-heure à discuter avec Éric, et Sandra, sa femme qui est Suédoise. J’ai passé un bon moment à discuter de la Suède, de leur vie là-bas. C’était le genre de rencontre absolument pas prévue, inattendue, très sympa, qui fait du bien dans un voyage comme ça. J’ai rencontré des cyclistes au cap Nord, ça je m’y attendais. J’ai rencontré John-John par Warmshowers, c’était prévu. Là, c’était vraiment totalement par hasard.

Dans cette épreuve sportive, à quel sportif connu pourrais-tu t’identifier, ou du moins dans quelle discipline ?

Ça va paraître évident, je fais quand même le parallèle avec le Tour de France, parce que je fais des longues étapes tous les jours. À chaque fois dans des paysages différents, avec des distances plus ou moins longues, plus ou moins de dénivelés. Je ne compare pas exactement ce que je fais avec chaque étape du Tour de France. Moi, je le fais avec vélo chargé. Eux, ils sont avec des vélos tous légers, la recherche de la performance. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Il y a quand même cette idée de parcourir la distance sur son vélo, et traverser des paysages, tous différents les uns des autres.

Une forêt, une route, un vélo.

Sur ton blog, tu as écrit 31 articles, textes et photos, soit un par jour. Parmi tous ceux-là, lequel as-tu eu le plus de plaisir à écrire ?

Je les oublie aussi vite que je les écris. Quand je suis sur mon vélo, je pense à des petits trucs, je me dis “tiens ça il faudra que je le retienne pour en parler dans le blog ce soir”. J’aime bien quand il s’est passé des choses insolites ou particulières dans la journée. Les jours où j’ai juste l’impression d’avoir roulé à travers la forêt et avalé des kilomètres, j’ai moins de plaisir à l’écrire. Ça dépend aussi des photos. Quand elles sont belles, j’ai plus de plaisir à les partager. Des fois, les photos c’est parce que ça illustre la chose, mais pas forcément de belles photos. Je repense à l’article “Mers et pairs”. Cet article, je me souviens avoir été content quand j’ai trouvé le titre, qui collait bien à ce que je racontais dans l’article. Le titre en lui-même, j’étais content de ma trouvaille.

Combien prends-tu de photo par jour environ ?

Finalement, je n’en prends pas tant que ça. De trois à quinze photos. Il y a des jours où je prends trois photos, que je mets sur le blog. Parce que je ne vois pas forcément des choses qui me paraissent extraordinaires, ou qui méritent de s’arrêter. Des jours c’est un peu plus, quand je fais des journées plus posées. Regarder les animaux, des choses comme ça. La journée de repos, j’en ai fait plus. J’étais en mode touriste. Je pensais que j’en prendrais beaucoup plus.

Comment choisis-tu les photos que tu postes sur ton blog, sur quels critères ?

J’essaye de prendre celles qui sont jolies, représentatives de ce que j’ai pu voir dans la journée. Un paysage, un bâtiment qui ressort, qui illustre.

Sur la route, vers Umeå.

Tu as reçu de nombreux commentaires sur tes articles de blog. Est-ce qu’il y en a qui t’ont particulièrement touché, ou que tu as apprécié ?

De manière générale, les commentaires d’encouragement sur le projet, sur le blog, ça me touche beaucoup. Et puis ça me motive, ça me donne une motivation supplémentaire à continuer. J’aime bien aussi prendre le temps de répondre aux questions qui me sont posées. C’est quelque chose qui me plaît bien d’interagir avec les gens, même s’ils sont loin. Quelque part ça rapproche de faire ces échanges-là.

À part avec L’avertY, avec qui as-tu échangé par téléphone depuis le départ ?

J’ai échangé avec une copine de Chambéry, qui va venir me rejoindre la semaine prochaine. Elle va faire une dizaine de jours à vélo avec moi. Normalement, on doit se retrouver mercredi (1er août). On va rouler tranquillement ensemble. Elle a déjà fait un voyage à vélo en France. C’est l’occasion d’en faire un autre. On sera sur la côte Ouest de Suède, et sûrement un peu au Danemark, peut-être en Allemagne si on roule bien. Je ne sais pas trop encore. On n’a pas de programme très précis. On va profiter de passer des bons moments ensemble. Sinon, j’ai eu mon père sur le trajet en bateau. Il m’a appelé par erreur. La plupart des échanges, c’était sur le blog.

Si tu étais intervieweur, quelle question poserais-tu à L’avertY ?

Inversion des rôles…

Olivier : 
Comment gères-tu le fait de lancer ce projet pour l’instant tout seul, en cherchant du monde, en essayant de lancer une communauté en même temps. Comment arrives-tu à construire ces relations à la fois avec des partenaires et avec des lecteurs de L’avertY ?

Ludovic : 
Pour l’instant, je suis tout seul et j’aimerais bien m’associer avec des personnes pour pouvoir aller plus loin, et faire plus de choses. Ça reste limité quand on est tout seul. J’envisage ma vie professionnelle vraiment à plusieurs, pour avoir des vraies synergies de travail en groupe. Pour ces valeurs-là. Pour la communauté, ça me fait plaisir d’essayer d’animer une petite communauté à Grenoble. J’aime bien entrer en contact avec les gens. Récemment, j’ai rencontré une personne qui a fait une contribution, qui sera publiée pour la rentrée. On a fait une photo. C’était sympa de la rencontrer, c’était au Cabaret frappé. De voir les gens en vrai, c’est encore plus sympa. C’est aussi ce qui est prévu dans mon projet à la base : une fois que les gens ont débattu en ligne, qu’ils puissent aussi se rencontrer en vrai. J’ai cette envie de transcender le web, pour aller vers le terrain. Pour construire tout ça, c’est du travail. Je fais des programmations cet été pour les réseaux sociaux. Même quand je serais en vacances, il y aura quelques petites publications que j’ai automatisées, pour maintenir le lien, et continuer à être visible sur mon projet. L’idée, c’est d’être le plus visible possible. Plus je serais visible, plus j’aurais de facilité à trouver à la fois des partenaires, et pour être crédible aussi. Il y a donc un gros enjeu de communication pour moi.

Franchis ce matin du 26 juillet 2018.

Encouragez Olivier à parcourir les 5000 km restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. Rejoignez le salon de discussions Discord. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz.

#3 « On a pas mal de points communs sur lesquels on a pu échanger. »

L’odyssée d’Olivier : mer fraîche, feux de forêts

Ce 20 juillet, Olivier enchaîne les étapes le long de la mer baltique. Il a dépassé la barre symbolique des 1000 km d’Odyssée à vélo. Les températures historiques en Suède occasionnent des feux de forêts à travers le pays, ce qui inquiète un peu Olivier. Pas de quoi le décourager pour autant, il maintient son cap et a même rencontré un Suédois qui l’a hébergé.

#0 (Re)-lire l’interview d’Olivier au départ fictif à Grenoble
#1 Passer le cap
#2 Fuir les moustiques

La Suède subit un record de chaleur cette année, comment gères-tu cette canicule ?

Par rapport à ce qu’on a chez nous, ce n’est pas non plus dingue, mais je ne m’attendais pas à trouver ça ici. J’ai l’impression qu’il fait plus chaud que la semaine dernière. Après, c’est peut-être l’accumulation de chaleur, qui fait que j’en ai un peu marre. Il fait des journées à 30 degrés à l’ombre. Ça fait une bonne semaine que ça dure. Je le ressens quand je suis sur le vélo. Je suis moins efficace, j’ai plus de mal à appuyer sur les pédales, à faire bouger les jambes, justement parce qu’il fait chaud. Il faut que je boive souvent.

L’eau dans les bidons est chaude aussi. Ce n’est pas évident de trouver de l’eau fraîche dans la journée. Je suis revenu sur un rythme un peu plus tranquille, en particulier pour la chaleur, mais aussi parce que j’avais envie de prendre plus le temps. J’ai moins de contraintes que sur les premières étapes où il fallait que je roule beaucoup. Je n’ai pas besoin de me presser.

Question transmise à L’avertY : 
Lors d’un bivouac, est-ce que tu n’as pas peur de dormir tout seul dans un endroit que tu ne connais pas ?

Jusqu’à maintenant, non. Là, ce qui me fait un petit peur, c’est le fait qu’il y ait des feux de forêt. Je n’ai pas trop envie d’être réveillé en pleine nuit par la forêt qui crame autour de moi. Ça me démotive un peu à aller chercher des coins dans la forêt. Pour l’instant en tout cas. Même si, en bord de mer, ça va. J’ai vu qu’il y avait des feux de forêt un peu partout en Suède, et même dans le Nord. Vraiment de partout. Ça m’a calmé là-dessus. Juste pour cette raison-là. Le fait de dormir tout seul, de dormir isolé, ça ne me gêne pas du tout. Au contraire, ça me fait du bien d’être dans un endroit au calme, au bord d’une rivière, sans le bruit des voisins du camping.

Mercredi 18 juillet, tu as été hébergé par un Suédois à Umeå (84 000 habitants). Comment s’est passé cette rencontre ?

Le site “Warmshowers” met en relation des cyclistes, entre ceux qui proposent un hébergement chez eux, et ceux qui sont en vadrouille, qui cherchent de quoi passer la nuit dans les pays qu’ils visitent. C’est le même principe que le couchsurfing, mais dédié aux cyclistes, avec l’idée de rencontrer des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt que nous. Les gens proposent soit un canapé, soit un lit, soit une place pour planter la tente. J’en avais entendu parlé, donc je me suis dit que j’allais expérimenter. J’arrivais dans une ville assez importante. Les campings étaient plutôt à l’extérieur de la ville, ça faisait pleins de détours, c’était pas forcément très pratique. Je me suis dit que c’était l’occasion de voir quelqu’un qui habite sur place et de changer de mode d’hébergement. D’être un peu plus en ville.

J’ai contacté John-John (prononcé “Yon-yon”) deux jours avant d’arriver. On s’est mis d’accord pour se retrouver le soir dans la ville. Il m’a accueilli chez lui. Il est Suédois, originaire de la banlieue de Stockholm, et il est venu dans cette ville pour faire ses études. Il est en train de finir son master en informatique et doit avoir 23 ou 24 ans. Il avait un petit appart d’étudiant, avec la place pour mettre un matelas gonflable. Il m’a offert le repas. On a mangé ensemble. On a pas mal discuté de nos voyages à vélo. Lui, il avait fait Stockholm-Rome. Ça correspond plus ou moins à ce que je veux faire. Même s’il n’a pas pris exactement l’itinéraire par où je veux passer. On a pas mal de points communs sur lesquels on a pu échanger. C’était bien sympa de passer une soirée avec lui. On est resté tranquillement chez lui. De toute façon, moi, après des journées de vélo, je ne suis pas vraiment en grande, grande forme. On n’a pas fait des folies.

Le principe du site est de pouvoir accueillir quand les cyclistes reviennent chez eux. C’est vraiment cool. Lui, en particulier, a accueilli avec grand plaisir. C’est marrant, ça fait plusieurs années qu’il était inscrit sur ce site. Il avait jamais eu de demandes. Et là, il a eu trois personnes en deux semaines qui sont passées chez lui. Les autres été, il n’était pas là. Les cyclistes qui passent en Suède, je pense que c’est plutôt l’été.

J’avais redemandé à une personne pour ce soir (ndlr : 20 juillet). Elle ne m’a pas répondu. Je pense qu’il y a un certain nombre de gens qui sont en vacances. En septembre, octobre quand je serais peut-être plus sur la fin du séjour, ce sera peut-être plus facile de contacter des gens. J’ai bien l’intention d’essayer de reproduire l’expérience, et après à mon tour d’accueillir des gens chez moi si l’occasion se présente. Dans les campings, il n’y a pas beaucoup de Suédois. C’est l’occasion de rencontrer des gens qui vivent sur place.

Chaque semaine, L’avertY propose à Olivier de commenter certaines de ses photos prises durant le trajet. Quel est le contexte de la photo ? Quelles anecdotes ? Pourquoi ces choix-là de photos ?

N°8 Ville-église, ville fantôme

« J’ai visité cette ville-église emblématique à Gammelstad, patrimoine de l’UNESCO, qui est préservée. Les gens viennent là pour les fêtes religieuses, pour les célébrations le dimanche. Mais ils n’ont pas le droit d’y vivre. C’est juste pour passer la nuit. C’est très sommaire. Tu as un lit, une table, une chaise. Et c’est un peu près tout. J’ai fait une visite guidé. En temps normal, c’est vide, complètement mort. Quand il y a des occasions, les gens sont contents de se retrouver, avec les voisins. »

N°9 Soleil rasant sur bras de mer

« L’avantage avec la mer baltique, c’est que je peux me baigner. Je peux facilement accéder à la mer, me rafraîchir. Je l’ai fait hier, il y a deux jours. C’est sûr que ça fait du bien après une bonne journée de vélo en plein soleil de pouvoir se tremper un petit coup. Faire redescendre la température comme ça. »

N°10 Piste de ski convertible

« C’était un gros camping, il y avait beaucoup de caravanes. Vraiment un truc énorme. Il y avait six bâtiments. En arrivant, j’étais surpris de voir qu’il était installé sur les pistes de ski. Il y a les remontées mécaniques à gauche, les bosses juste au-dessus. Là où sont les caravanes, c’est la piste de ski. C’était rigolo, et en même temps, le haut de la colline, il est à 140 m d’altitude. Quasiment au bord de la mer, et il y a quand même une station de ski pour l’hiver. Pour un Grenoblois, c’est assez surprenant. Il doit y avoir deux pistes avec des bosses un peu artificielles, histoire de rajouter du piment à la chose. »

Photos bonus : Le musée ouvert de Gammelstad a reconstitué des habitations traditionnelles du XVIIIe (18e), au début du XXe (20e) siècle.

« Passer la barre des 1000 km, ça marque un peu. Je remarque que je progresse. Au jour le jour, je fais quelques dizaines de kilomètres. Sur la durée du trajet, ça ne paraît pas énorme. Mais en cumulé quand je calcule combien j’ai fait depuis le départ, c’est là que je me rends compte que, mine de rien, j’avance. Que je progresse dans mon périple. Ça fait plaisir. Il reste encore de la route. Je vois que jusqu’à maintenant tout s’est bien passé. Je me sens bien, je peux aller jusqu’au bout en gardant ce rythme-là. »

Encouragez Olivier à parcourir les 5500 km restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. Rejoignez le salon de discussions Discord. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz.