#4 « J’ai mangé une pizza à la viande de renne, c’était pas mal. »

L’odyssée d’Olivier : 2000 km, le bilan du premier mois

Olivier est parti le 26 juin pour son périple de 7000 km sur l’itinéraire EuroVelo n°7, du cap Nord en Norvège, à Malte. L’avertY vous propose cette interview mensuelle, réalisée le 26 juillet (publiée en léger différé pour des raisons d’agenda). En un mois et 2000 km, que faut-il retenir de ce long voyage à vélo ? Voici quelques réponses, agrémentées des photos d’Olivier.

Épisodes précédents…
#0 (Re)-lire l’interview d’Olivier au départ fictif à Grenoble
#1 Passer le cap
#2 Fuir les moustiques
#3 Mer fraîche, feux de forêts

Le matériel complet d’Olivier.

Depuis un mois, qu’est-ce que tu n’as pas pu faire et qui te manque par rapport au quotidien à Grenoble, au moins un peu ?

Ce que je trouve le plus compliqué sur le voyage, c’est la gestion de la nourriture. Je suis obligé de faire des courses tous les jours. D’une part, je n’ai pas beaucoup de places dans mes bagages. Et d’autre part, je ne peux pas conserver des choses au frais. Je suis obligé d’acheter des petites quantités au jour le jour, et des choses simples à transporter et à cuisiner. J’ai l’impression de manger un peu toujours la même chose. C’est un peu ça qui me manque. C’est la contrainte des voyages à vélo.

Quel est le meilleur repas que tu as mangé depuis le départ ?

J’ai mangé une pizza à la viande de renne, c’était pas mal du tout.

As-tu déjà sauté un repas, et si oui, pourquoi ?

Non. J’ai toujours pris le temps de manger correctement. C’est vachement important pour pouvoir rouler. Avant de partir, je prenais rarement des petits-déjeuners. Là, le matin, je fais l’effort de bien manger pour être en forme pendant la journée.

Couché de soleil capturé lors du voyage en bateau vers le cap Nord.

Quelle soirée, nuit, as-tu le plus apprécié ?

La nuit où j’ai fait le bivouac, parce que ça sortait vraiment de l’ordinaire. C’était les conditions idéales, une très très bonne nuit. À part ça, j’ai fait que des campings, ou des fois, des auberges de jeunesse.

Au contraire, laquelle as-tu détesté, ou moins apprécié ?

Les deux nuits à Luleå. C’était là où j’ai fait ma journée de repos. J’avais décidé d’aller dans une auberge de jeunesse pour être un peu posé, et éventuellement rencontrer des gens. Et en fait, je me suis retrouvé dans une espèce de petit hôtel pas agréable, avec des toutes petites chambres, pas de fenêtre, personne à la réception. Il fallait passer par un code pour Internet. Vraiment pas convivial, pas sympa du tout.

Quel a été le plus gros souci mécanique depuis ton départ ?

Je n’ai quasiment pas eu de soucis. La première semaine, j’avais le garde-boue qui sautait un tout petit peu. Mais non, le vélo va très bien. J’espère que ça va durer le plus longtemps possible. Zéro réparation à faire. Vraiment nickel.

Visite de l’église de Gammelstad.

Quel est le bâtiment que tu as vu qui t’as le plus marqué, intrigué ?

Ce qui m’a le plus marqué, c’est que 95% des bâtiments ici sont de couleur rouge traditionnel, ce qu’on voit sur un certain nombre de mes photos. Je ne pensais pas qu’il y en aurait autant. Partout, partout, partout. Des petites maisons, des granges, des fermes, des petites cabanes dans les bois. Quand je passe d’un village à l’autre, j’ai l’impression que toutes les maisons sont les mêmes. Les mêmes formes, les mêmes organisations. Par contre, quand je vois des églises dans les villages, elles, elles sont très différentes les unes des autres. Ce n’est pas vraiment un style traditionnel ou régional. Je pense à certaines régions en France où toutes les églises sont portées sur le même format. Celle que j’ai visitée de la ville-église est assez jolie. J’ai pris le temps de la visiter, découvrir l’intérieur, des différentes époques où elle a été aménagée. Elle valait le coup d’œil.

Est-ce que ton chargeur solaire marche bien ?

Il marche très bien quand il est exposé au soleil. Le petit souci, c’est que comme je vais principalement vers le Sud, et que je l’ai accroché sur mon porte-bagage, je fais régulièrement de l’ombre dessus. Du coup, il ne recharge pas aussi bien qu’en plein soleil. En général, je le mets au soleil en arrivant le soir au camping, ou je le remets le matin. Donc, il marche bien. Dans les campings, il y a de l’électricité. Je mets mon téléphone sur les prises électriques.

Le chargeur solaire d’Olivier.

C’est quoi le pire niveau météo : vent fort de face ou chaleur à plus de 30 degrés ?

Je crois que je préfère quand même le chaud. J’avance moins vite, mais c’est de belles conditions. Il y a un beau ciel, de belles lumières. Je préfère ça à du vent et de la pluie. Je parle beaucoup de la chaleur, parce que c’est en ce moment, mais je suis relativement content d’avoir eu peu de pluie depuis le début du voyage. Je ne regrette pas le passage au cap Nord, avec le vent bien violent, où j’avais du mal à tenir debout à côté de mon vélo.

En un mot, la Norvège, c’est comment ?

Assez vide. J’ai vu vraiment le Nord de la Norvège, il n’y avait vraiment pas grand monde.

En un mot, la Finlande, c’est comment ?

Je n’y ai passé même pas une journée, ce n’était pas très différent de ce que j’ai vu avant et après. Je ne sais pas comment le dire en un mot, mais la langue est très différente. Ça m’avait marqué.

En trois mots, la Suède, c’est comment ?
C’est grand. Il y a beaucoup d’étendu d’eau. Les routes ne sont pas forcément bien adaptées aux cyclistes.

La côte de la mer Baltique.

Combien as-tu dépensé d’argent depuis le départ (trajet en transport compris), à 50 euros près ?

Pour être honnête, je n’ai pas du tout compté. Si j’essaye de faire un total rapide. Il y a 700 euros de bateau, 250 euros de train pour l’aller. Après, je retire et dépense sans trop regarder. En Suède, j’ai retiré trois fois 200 euros, on va dire 500 euros dépensés. Peut-être 100 euros en Norvège (ndlr : total 1550 euros). Ça doit être un peu près ça.

D’après toi, quel caractère, quel état d’esprit peut-être utile pour accomplir un long voyage comme le tien ?

À mon avis le plus important, c’est d’être vraiment motivé, avoir envie d’aller jusqu’au bout. Il y a plein de moments super, mais il y a aussi des moments difficiles, moins bien. Il faut réussir à passer outre pour aller jusqu’au bout.

Concert au bar du camping.

Quelle rencontre as-tu le plus apprécié depuis ton départ, voyage jusqu’au cap Nord compris ?

C’était dans une petite ville en Suède, il y a quatre, cinq jours. Un Français est venu me voir au supermarché. Il avait vu que j’avais un tee-shirt écrit en français “Grenoble Ekiden”. Il m’a invité à prendre un verre chez lui. J’ai passé une bonne demi-heure à discuter avec Éric, et Sandra, sa femme qui est Suédoise. J’ai passé un bon moment à discuter de la Suède, de leur vie là-bas. C’était le genre de rencontre absolument pas prévue, inattendue, très sympa, qui fait du bien dans un voyage comme ça. J’ai rencontré des cyclistes au cap Nord, ça je m’y attendais. J’ai rencontré John-John par Warmshowers, c’était prévu. Là, c’était vraiment totalement par hasard.

Dans cette épreuve sportive, à quel sportif connu pourrais-tu t’identifier, ou du moins dans quelle discipline ?

Ça va paraître évident, je fais quand même le parallèle avec le Tour de France, parce que je fais des longues étapes tous les jours. À chaque fois dans des paysages différents, avec des distances plus ou moins longues, plus ou moins de dénivelés. Je ne compare pas exactement ce que je fais avec chaque étape du Tour de France. Moi, je le fais avec vélo chargé. Eux, ils sont avec des vélos tous légers, la recherche de la performance. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Il y a quand même cette idée de parcourir la distance sur son vélo, et traverser des paysages, tous différents les uns des autres.

Une forêt, une route, un vélo.

Sur ton blog, tu as écrit 31 articles, textes et photos, soit un par jour. Parmi tous ceux-là, lequel as-tu eu le plus de plaisir à écrire ?

Je les oublie aussi vite que je les écris. Quand je suis sur mon vélo, je pense à des petits trucs, je me dis “tiens ça il faudra que je le retienne pour en parler dans le blog ce soir”. J’aime bien quand il s’est passé des choses insolites ou particulières dans la journée. Les jours où j’ai juste l’impression d’avoir roulé à travers la forêt et avalé des kilomètres, j’ai moins de plaisir à l’écrire. Ça dépend aussi des photos. Quand elles sont belles, j’ai plus de plaisir à les partager. Des fois, les photos c’est parce que ça illustre la chose, mais pas forcément de belles photos. Je repense à l’article “Mers et pairs”. Cet article, je me souviens avoir été content quand j’ai trouvé le titre, qui collait bien à ce que je racontais dans l’article. Le titre en lui-même, j’étais content de ma trouvaille.

Combien prends-tu de photo par jour environ ?

Finalement, je n’en prends pas tant que ça. De trois à quinze photos. Il y a des jours où je prends trois photos, que je mets sur le blog. Parce que je ne vois pas forcément des choses qui me paraissent extraordinaires, ou qui méritent de s’arrêter. Des jours c’est un peu plus, quand je fais des journées plus posées. Regarder les animaux, des choses comme ça. La journée de repos, j’en ai fait plus. J’étais en mode touriste. Je pensais que j’en prendrais beaucoup plus.

Comment choisis-tu les photos que tu postes sur ton blog, sur quels critères ?

J’essaye de prendre celles qui sont jolies, représentatives de ce que j’ai pu voir dans la journée. Un paysage, un bâtiment qui ressort, qui illustre.

Sur la route, vers Umeå.

Tu as reçu de nombreux commentaires sur tes articles de blog. Est-ce qu’il y en a qui t’ont particulièrement touché, ou que tu as apprécié ?

De manière générale, les commentaires d’encouragement sur le projet, sur le blog, ça me touche beaucoup. Et puis ça me motive, ça me donne une motivation supplémentaire à continuer. J’aime bien aussi prendre le temps de répondre aux questions qui me sont posées. C’est quelque chose qui me plaît bien d’interagir avec les gens, même s’ils sont loin. Quelque part ça rapproche de faire ces échanges-là.

À part avec L’avertY, avec qui as-tu échangé par téléphone depuis le départ ?

J’ai échangé avec une copine de Chambéry, qui va venir me rejoindre la semaine prochaine. Elle va faire une dizaine de jours à vélo avec moi. Normalement, on doit se retrouver mercredi (1er août). On va rouler tranquillement ensemble. Elle a déjà fait un voyage à vélo en France. C’est l’occasion d’en faire un autre. On sera sur la côte Ouest de Suède, et sûrement un peu au Danemark, peut-être en Allemagne si on roule bien. Je ne sais pas trop encore. On n’a pas de programme très précis. On va profiter de passer des bons moments ensemble. Sinon, j’ai eu mon père sur le trajet en bateau. Il m’a appelé par erreur. La plupart des échanges, c’était sur le blog.

Si tu étais intervieweur, quelle question poserais-tu à L’avertY ?

Inversion des rôles…

Olivier : 
Comment gères-tu le fait de lancer ce projet pour l’instant tout seul, en cherchant du monde, en essayant de lancer une communauté en même temps. Comment arrives-tu à construire ces relations à la fois avec des partenaires et avec des lecteurs de L’avertY ?

Ludovic : 
Pour l’instant, je suis tout seul et j’aimerais bien m’associer avec des personnes pour pouvoir aller plus loin, et faire plus de choses. Ça reste limité quand on est tout seul. J’envisage ma vie professionnelle vraiment à plusieurs, pour avoir des vraies synergies de travail en groupe. Pour ces valeurs-là. Pour la communauté, ça me fait plaisir d’essayer d’animer une petite communauté à Grenoble. J’aime bien entrer en contact avec les gens. Récemment, j’ai rencontré une personne qui a fait une contribution, qui sera publiée pour la rentrée. On a fait une photo. C’était sympa de la rencontrer, c’était au Cabaret frappé. De voir les gens en vrai, c’est encore plus sympa. C’est aussi ce qui est prévu dans mon projet à la base : une fois que les gens ont débattu en ligne, qu’ils puissent aussi se rencontrer en vrai. J’ai cette envie de transcender le web, pour aller vers le terrain. Pour construire tout ça, c’est du travail. Je fais des programmations cet été pour les réseaux sociaux. Même quand je serais en vacances, il y aura quelques petites publications que j’ai automatisées, pour maintenir le lien, et continuer à être visible sur mon projet. L’idée, c’est d’être le plus visible possible. Plus je serais visible, plus j’aurais de facilité à trouver à la fois des partenaires, et pour être crédible aussi. Il y a donc un gros enjeu de communication pour moi.

Franchis ce matin du 26 juillet 2018.

Encouragez Olivier à parcourir les 5000 km restants en envoyant des questions, commentaires, mots sympas à ludovic.chataing@laverty.fr. Rejoignez le salon de discussions Discord. D’autres photos disponibles sur son blog.

Propos recueillis et mise en page par Ludovic Chataing
Photos Olivier Letz.

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