#3 Une silhouette dans les airs

Les ambiances de Léa | mardi 7 juillet | 18h

Un après-midi d’été au parc Paul Mistral : les pelouses sont pleines de monde, les enfants chahutent, les gens discutent. Il y a comme un air de vacances, une allure de camping. Assis dans l’herbe ou sur un banc, les gens se rassemblent. Dix-huit heure c’est l’effervescence. La programmation de “L’Été Oh! Parc” propose des animations pour tous les âges et tous les goûts, du ping-pong aux jeux d’eau en passant par un cours de zumba à l’ombre d’un arbre. Un détail sort pourtant de l’ordinaire.

Tweet publié par @LesBulles1

Ce soir, plus que d’habitude, une petite foule s’amasse au pied de la tour Perret et de l’hôtel de ville. À travers le ciel bleu une étrange ligne se dessine. Un fil, ou plutôt une sangle, tendue entre les deux bâtiments intrigue les promeneurs qui s’arrêtent. Ceux venus profiter du parc et des activités s’installent dans l’herbe le nez en l’air. D’autres ont fait le détour pour assister à l’évènement.

On se faufile entre les gens, les vélos et les poussettes. Dans une posture des plus distinguée, on s’arrête, la main sur une hanche l’autre en guise de visière, le buste légèrement penché en arrière, le visage froncé grimaçant sous le soleil, pour deviner une silhouette dans la lumière.

Tweet publié par Katia Bacher (conseillère municipale)

Au-dessus de toute cette agitation, il en est un qui déjà se prépare, se concentre. Comment, malgré l’expérience, ne pas avoir toujours un peu la boule au ventre lorsqu’on s’apprête à se dresser en équilibre sur une sangle d’à peine deux centimètres et demi. Nathan Paulin est highliner professionnel, parmi les meilleurs mondiaux. Né en 1994 dans un petit village de Haute-Savoie cet amoureux des montagnes a fait de sa passion un métier. La highline est une discipline encore peu connue, née dans les années 80 aux États-Unis elle est reconnue comme un sport extrême. La performance est physique mais demande surtout beaucoup d’entraînement et une extrême concentration. Sous l’œil attentif de la foule, Nathan Paulin s’élance, les bras en croix. Pas à pas il vacille, s’équilibre, progresse lentement et semble danser avec le vent.

Depuis le sol difficile de détourner le regard. Le public concentré sur ses gestes l’encourage, l’applaudit. Certains affichent un visage crispé où l’on peut lire la crainte d’une chute. Les plus attentifs en tirent même, sans doute, une petite dose d’adrénaline par procuration. Petits et grands ont les yeux rivés sur cette silhouette si haut perchée, le spectacle est captivant.

Tweet publié par Antoine Back (conseiller municipal)

Sans détourner le regard, une dame glisse à son voisin qu’il “faut quand même être un peu fou”. L’histoire de Nathan Paulin tend pourtant à nous prouver que nous en serions tous capable. Il confie en effet dans un reportage pour Sept à huit que le vide n’a pas toujours été un ami. Plus jeune une première chute l’a d’abord dissuadé et a alimenté son acrophobie. Mais peu à peu, à force d’entraînement Nathan Paulin a su dompter cette crainte de la hauteur et a appris à maîtriser le vide. “Marcher sur un fil c’est comme marcher sur le sol, sur un sol qui bouge. Mais quand on l’a appris, on sait le faire, on n’oublie pas”, confie-t-il sur le plateau de Daphné Bürki.

Quand il n’est pas occupé à battre des records du monde, comme en 2017 au-dessus du cirque de Navacelles à plus de 300 mètres de haut et sur une distance de 1 662 mètres, Nathan Paulin aime partager sa passion. Il se sert notamment de cette discipline pour mettre en valeur des cadres naturels et des sites d’exception comme lors de sa traversée au-dessus du glacier d’Argentière pour alerter sur le réchauffement climatique. Il réalise aussi des performances en direct à la télévision comme en 2017 entre la tour Eiffel et le Trocadéro, ou en 2019 pour le téléthon.

Malgré tout, quelle idée d’aller jouer les funambules à une telle hauteur ? Le goût du risque ? Pas seulement. Cette performance organisée par le CCN2 (Centre Chorégraphique National de Grenoble) était aussi l’occasion de plonger dans la bulle du funambule, de parler de cette profession et de son rapport à la pratique.

Susciter la rencontre entre artistes et habitants”, “bousculer le quotidien” tels étaient les objectifs de ce projet intitulé “Traceur”. L’incongru est là, et cette silhouette dans le ciel a bien quelque chose de fantastique. Pourquoi ici ? Car la tour Perret incarne selon lui le rêve de tous les locaux amateurs de highline ou de sa version plus proche du sol la “slackline”.

Tweet publié par Raphaëlle Lavorel.

Nathan raconte aux médias qui l’interrogent combien se produire en ville n’a rien à voir avec une traversée dans les montagnes. Ici le regard de la foule ajoute une pression supplémentaire mais permet aussi un échange. Surplomber cette foule les regards braqués sur soi, capter des sourires, faire coucou et même jouer à se jeter en arrière comme pour apprécier la vue, l’instant.

Ce jeune funambule ne manque pas d’idées pour les défis à venir. Son rêve : faire la traversée entre la tour Montparnasse et la tour Eiffel, 2,7 km de sangle et une performance d’environ 2h. Repoussant sans cesse les limites, ses performances offrent des images à couper le souffle qui bousculent notre rapport au vide, détournent de leurs usages ces bâtiments qui, comme les montagnes, lui inspirent les défis les plus fous.

Léa Bouvet, journaliste sur L’avertY.

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