Dolomieu, friche artistique

Avec une mobilisation record pour les votes des 31 octobre et 1er novembre, les lectrices et lecteurs de L’avertY ont choisi le sujet sur l’Institut Dolomieu avec 44% des voix. Derrière la qualification de “verrue” du bâtiment dans la presse locale et dans la bouche du maire de Grenoble se cache tout un public d’exploration urbaine, à découvrir dans cet article de fond.

Entrée de l’Institut Dolomieu, novembre 2019.

Une dernière promotion d’étudiants de L3 Géosciences en 2010–2011, et puis voilà, l’Institut Dolomieu rendait son habit universitaire, pour de bon. Que s’est-il passé depuis pour ce bâtiment de la Bastille ? En 2016, la nouvelle Université Grenoble Alpes vend ses murs à un promoteur lyonnais, puis fin octobre 2019, la société Axis annonce le rachat de l’Institut pour un nouveau projet destiné aux jeunes actifs, intitulé “The babel community”. Si le bâtiment s’est retrouvé abandonné pendant huit longues années, cela n’a pas empêché l’appropriation du lieu par les habitants, malgré les interdictions d’entrer et les incertitudes sur la solidité de la structure.

Sur le réseau Instagram, on découvre ainsi le hashtag #InstitutDolomieu avec plus de 300 occurrences. C’est à la fois “un musée du street-art” pour Nathalie, un terrain d’entraînement de Parkour pour David, ou un “lieu photogénique” pour une séance photo d’Antonin. Toutes celles et ceux qui l’ont visité sont conquis par l’ambiance de ce lieu atypique.

« Ce qui me plaît à Dolomieu, c’est que c’est un endroit qui appartient à tout le monde. Les œuvres ne restent que quelques jours et cela rend l’endroit encore plus spécial. Le fait que cela soit laissé à l’abandon, que les murs et fenêtres soient détruits apportent un petit côté “post-apocalyptique” et rend l’Institut encore plus spécial. » Sonia

Pour le street artist Disecker c’est un terrain d’entraînement, ceci depuis une dizaine d’années. Il se rappelle de l’époque où il y avait encore des vigiles pour sécuriser le site. “Je suis toujours en recherche de lieux urbex [ndlr : exploration urbaine], pour pouvoir créer mes fresques”, explique-t-il via la messagerie Instagram. Un bâtiment avec un bon potentiel de visibilité qui devient “un repli lors des jours de pluie”. Il a pu durant toutes ces années observer la dégradation progressive du bâtiment, “ce qui est dommage car on aurait pu y faire beaucoup de choses”.

Le bâtiment est devenu un lieu connu d’entraînements pour graffer.

Des visiteurs qui viennent de loin

Il règne une atmosphère conviviale ce mardi après-midi à l’Institut Dolomieu, les petits groupes de personnes qui se croisent se disent bonjour. Plus de 20 personnes se baladent dans le bâtiment abandonné et profitent de l’accès au toit pour une vue imprenable.

Quatre étudiants en Master Psychologie du travail sont installés sur un petit muret du toit de gravier, autour d’un goûter-apéro. Deux d’entre eux sont des habitués du lieu et le font découvrir pour la première fois aux deux autres. Le plus habitué des deux y passait deux à trois fois par semaine durant sa licence. C’est pour lui “un lieu à visiter” et il témoigne d’avoir déjà croisé “50 ou 60 personnes” en même temps sur le toit. “C’est comme au parc”, résume-t-il, avec une vue qu’il trouve différente, plus rasante sur les toits, qu’ailleurs sur la Bastille. Pour son collègue, la nuit est moins propice à la tranquillité et il n’aimerait pas venir seul, “c’est plus flippant, on entendait des trucs”.

Un skateur en visite à l’Institut Dolomieu de Grenoble.

Proche de l’entrée-sortie du toit-terrasse, un autre groupe de trois jeunes, deux femmes et un homme. Là encore c’est une initiation, une visite du lieu. Lui, de Voiron, faisait découvrir l’Institut Dolomieu à ses deux amies parisiennes. Ce type de lieu d’exploration urbaine n’était pas nouveau pour le groupe, mais bien un centre d’intérêt. La conversation tourna ensuite sur la présence de déchets, avec la question sous-jacente de l’entretien d’un lieu abandonné. Là encore, c’est surtout “pour la vue” qu’ils sont venus. Par ailleurs, plusieurs groupes se posent sur le muret principal, face à Grenoble. Un couple en profite pour faire un selfie, un autre discute en fumant des cigarettes. Plus loin, un photographe fait une pose longue avec un trépied et un appareil photo reflex.

Dans les étages, “Abdelkader” et “Sam Fisher” (pseudos qu’ils ont choisi pour l’article) ont d’autres arguments pour fréquenter le bâtiment, “c’est posé ici, loin des flics, de la mairie”. Abdelkader vient depuis cinq années. La première fois, il a vu des chaises longues installées sur le toit en prenant les bulles de la Bastille. Il en a conclu qu’on pouvait y accéder. Ce qu’il a ensuite fait régulièrement, parfois pour des barbecues. Pour cette fois, ils étaient accompagnés d’une copine de Saint-Martin d’Hères, qui visitait aussi pour la première fois.

Un nouveau projet pour les jeunes actifs

La plupart des visiteurs ont appris la nouvelle de la rénovation de l’Institut Dolomieu, dont les travaux doivent théoriquement démarrer le 1er décembre. Le projet prévoit l’aménagement de logements à locations courte et moyenne durée, d’un espace de coworking, d’un bar et d’un restaurant sur le toit. Il faudra construire un étage supplémentaire pour ce dernier.

Abdelkader et Sam Fisher n’y croient toujours pas et pensent même “qu’ils n’y arriveront pas” en faisant référence aux tentatives précédentes pour emmurer l’accès principal de l’Institut. Celui-ci avait été rouvert à coups de masse d’après les dires et depuis laissé tel quel. Très récemment, des panneaux de tôles ont été posés à l’Institut Dolomieu sur le grand escalier, ce qui n’empêche pas de monter sur le toit en suivant un parcours précis.

En revanche, l’ancien Institut de Géographie Alpine, compagnon d’abandon tout proche, est complètement fermé d’après un habitué. Le 1er mai 2019, le journal local Le Postillon avait fêté https://platform.twitter.com/widgets.js‘ target=”_blank”>ses 10 ans sur son toit, fanfare à l’appui.

Faire son deuil

Lucette, 23 ans, commence à se faire à l’idée de ne plus pouvoir arpenter l’Institut Dolomieu, avec tristesse. Elle prend une photo en guise de souvenir depuis le pont piéton de l’Isère, avant de répondre à L’avertY. Pour elle, c’est un lieu pour faire des photos, mais pas que. Elle se rappelle cette fois où elle est venue à 6h du matin cet été pour voir le lever de soleil sur les montagnes, avec les vitres cassées qui proposent une autre entrée de lumière.

« Comme c’est un endroit brut et sans filtre, c’est vraiment un endroit qui change avec le temps. Je peux y aller deux fois en une semaine et ça va quand même changer. C’est le genre d’endroit qu’on ne connaît jamais vraiment à 100%. Je suis trop triste de perdre un endroit aussi précieux. » Lucette

Son témoignage, et celui de tous les visiteurs, est à l’exact opposé du constat formulé par la société Axis dans son communiqué de presse, dont voici un extrait : “Qualifié de « verrue » par les habitants, il naît un sentiment d’insécurité qui n’invite pas le public à découvrir le site et nuit à l’image que souhaite refléter le Fort de la Bastille en tant que site culturel et historique”. Face au projet “The babel community” qui se dessine pour une cible des 25–35 ans, Lucette ne s’opposera pas, “je souhaite que ça marche, mais sans plus”. Les étudiants qui visitent ce lieu aujourd’hui seront t-ils les clients du futur co-living et co-working de l’Institut Dolomieu ? Sans doute pas.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


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Citoyens en alerte

La vigilance citoyenne, dispositif de sécurité de proximité développé dans plusieurs villes et villages de la métropole grenobloise, est le thème mensuel élu sur L’avertY par les internautes avec 46% des votants les 31 septembre et 1er octobre 2019. L’avertY a rencontré les différents acteurs du dispositif à Claix et Saint-Paul-de-Varces.

La population c’est un peu nos yeux et nos oreilles”, explique Bertrand De Regnault De Bellescize, adjudant-chef à la brigade de Pont-de-Claix. En tant que gendarme, il a suivi la mise en place du dispositif de vigilance citoyenne à Saint-Paul-de-Varces en 2015, et désormais pour la ville de Claix, qui vient de signer officiellement sa convention le 25 septembre dernier. Ce ne sont pas les seules dans la métropole grenobloise, on retrouve le dispositif dans une dizaine de communes, à Meylan, Vif, Veurey-Voroize, Noyarey, Domène, Vaulnaveys-le-Haut, Saint-Martin-le-Vinoux, Jarrie et Corenc. Dispositif qui ne coûte quasiment rien à la commune, à part un peu de temps des élus.

Le principe est d’associer trois acteurs autour du thème de la sécurité de proximité : la gendarmerie, la mairie et les citoyen·ne·s. Ces derniers doivent préalablement remplir un formulaire et signer une charte avant de pouvoir intégrer le dispositif, selon la circulaire proposée par le ministère de l’intérieur Claude Guéant en 2011. Si un citoyen vigilant (dit aussi voisin vigilant) détecte des comportements suspects près de chez lui, il peut alerter la gendarmerie pour une éventuelle intervention rapide. C’est la gendarmerie qui décide s’il y a matière à intervenir, ou non.

L’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize, dans son bureau à la gendarmerie de Pont-de-Claix.

Il est clairement rappelé que les citoyens inscrits au dispositif ne doivent pas se substituer aux forces de l’ordre. Ainsi les signalements peuvent concerner des cambriolages, des dégradations, des repérages et démarchages d’individus. Les citoyens sont là “pour regarder et signaler”, “le but n’est pas de créer des milices”, ou même “de faire des patrouilles”, précise l’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize. Les habitants sont encouragés à ne rien changer à leurs déplacements habituels, mais d’être un peu plus attentifs à ce qui se passe autour d’eux. C’est par le biais de réunions ouvertes à tous les habitants, tous les 6 mois, que les bons réflexes à adopter sont donnés par la gendarmerie aux citoyens. À l’inverse, la gendarmerie peut diffuser des signalements concernant des véhicules, avec des détails précis. Tous les habitants reçoivent directement une alerte pour se focaliser sur cette information et signaler en retour.

Réussites et limites

En quatre ans de fonctionnement à Saint-Paul-de-Varces, l’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize rapporte un exemple de réussite du dispositif. “Un appel rapide et efficace nous a permis de réagir rapidement et efficacement, on a pu intercepter deux auteurs de cambriolages”. L’interpellation s’est faite à Varces-Allières-et-Risset, pour des faits commis à Saint-Paul-de-Varces, notamment grâce à la configuration en “cul-de-sac” de la commune. Si pour cette occasion le dispositif a porté ses fruits, l’adjudant-chef admet que ce n’est pas courant, car cela nécessite que le citoyen soit “au bon endroit et au bon moment”.

A contrario, fin 2017 et début 2018, la délinquance a augmenté sur la commune avec de multiples cambriolages, sans que le dispositif ne permettent de contrer quoi que ce soit. Le maire David Richard reste réaliste, “si c’est des gens dont c’est le métier, c’est compliqué”. Pas fataliste pour autant, il assure que le dispositif “a bien pris chez nous” et “est très apprécié” avec environ 45 citoyens vigilants inscrits sur les 2200 habitants de la commune (environ 2% de la population). Quelques panneaux dissuasifs ont été installés aux entrées du village. Le maire admet néanmoins, ”on n’est pas soumis à une grosse délinquance”.

Extrait de la storie Instagram L’avertY.

La solidarité entre voisins est aussi mise en avant, sur ce thème de la sécurité. Pourtant l’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize assure que les relations restent individuelles entre le citoyen et le gendarme. Les Saint-Pagnard·e·s n’ont pas accès aux autres noms de la liste de citoyens vigilants. Ce n’est qu’à l’occasion des réunions semestrielles qu’ils peuvent prendre contact entre eux.

Renfort des liens avec la gendarmerie

Suite à l’élection du nouveau maire Christophe Revil à Claix en 2018 et à une recrudescence de cambriolages, la commune a mis en place une nouvelle politique sécuritaire qui comporte quatre axes : être en contact plus étroit avec la gendarmerie, renforcer la police municipale, mettre en place de la “vidéo protection”, et le fameux dispositif de vigilance citoyenne. Quelques différences sont notables avec la commune de Saint-Paul-de-Varces. Marie-Noëlle Strecker, adjointe à la sécurité de Claix, dénombre fin octobre 50 citoyen·ne·s inscrit·e·s au dispositif, dont 10 élu·e·s “de plusieurs bords”, avec environ un tiers de femmes et deux tiers d’hommes sur toute la liste. Contrairement à Saint-Paul-de-Varces, la ville a mis en place un numéro de téléphone portable unique. C’est Claix qui prend en charge le coût de l’abonnement. À toutes heures, les gendarmes de Pont-de-Claix peuvent recevoir des appels des Claxois·es. Habituellement, il s’agit d’appeler le 17. Autre différence, la liste est partagée entre habitants. Les inscrits s’engagent à ne pas dévoiler la liste à d’autres personnes qui ne font pas partie du dispositif.

Robert Keller fait partie de ces nouveaux citoyens vigilants. Très sensible à la sécurité en tant qu’ancien policier municipal de Claix, il a naturellement rejoint le dispositif. Il est retraité depuis 17 ans et se déplace souvent dans sa commune. Ce qui l’anime c’est “que tout le monde soit tranquille pour pouvoir vivre ensemble correctement. C’est une des choses les plus importantes pour moi”. Lorsqu’il reçoit une alerte en provenance de la gendarmerie, cela lui “donne un petit coup d’aiguillon à la vigilance”. S’il n’a pas encore eu l’occasion d’appeler le numéro dédié, il espère pouvoir apporter ses remarques pour améliorer le dispositif au fil du temps.

Un système privé parallèle non-contrôlé

Si les conventions entre mairies, citoyens et gendarmeries s’appliquent en toute transparence, ce n’est pas le cas du site web voisinsvigilants.org. Il permet à n’importe quel habitant de lancer une vigilance citoyenne dans son quartier. Cette fois-ci, il s’agit bien d’un réseau social où le partage d’information n’est contrôlé par la mairie que si elle participe au dispositif. Testé par L’avertY, les quartiers grenoblois où des communautés ont été créées restent a priori inactives. L’une d’entres elles a même fermé suite à une recherche de contact. Dans le cas où une mairie est inscrite à cette solution privée, ce sont les policiers municipaux qui vont agir sur le terrain plutôt que la gendarmerie.

Le risque de dérapage verbal est commun à de nombreux réseaux sociaux. Grâce à un reportage du journal télévisé de 13h de Jean-Pierre Pernaut sur TF1, on peut apercevoir des commentaires, très mal floutés, évoquant l’origine des personnes suspectes.

Sur cette plateforme l’interprétation du point n°2 de la charte du site “mes alertes ne doivent pas comporter d’opinions personnelles” est à l’appréciation de chacun. Dans cet exemple, les descriptions “type maghrébin” et “d’origine africaine” sont utilisées pour décrire les personnes suspectes. Le site va ensuite faire son business en proposant aux inscrits d’acheter des panneaux de signalisations, “vous savez l’œil qui fait peur”, et des autocollants pour exercer un effet dissuasif auprès des potentiels délinquants.

À Claix, comme à Saint-Paul-de-Varces, la vigilance citoyenne n’est pas un dispositif suffisant pour les élus. Il s’accompagne de réflexions sur la vidéo surveillance. Si la vigilance citoyenne permet sans conteste des interventions rapides, dans certains cas particuliers, la vidéo permet surtout la résolution d’enquêtes d’après l’adjudant-chef de Pont-de-Claix. Les citoyens vigilants sont des aides supplémentaires bienvenues pour les gendarmes, “on aimerait être un peu plus dérangés”. Sans ce dispositif dans sa commune, tout citoyen peut déjà participer à des signalements en composant le numéro 17.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


Seras-tu aussi dur à convaincre que 95% des gens ?

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Missions dépollutions

L’avertY a suivi plusieurs actions citoyennes concernant la pollution de l’Isère suite au vote du sujet mensuel “Eaux troubles” (48% des suffrages le 1er septembre). Un reportage qui met en valeur de belles initiatives et qui donne à réfléchir sur la qualité des eaux de nos rivières. Comme ces citoyen·ne·s n’attendez pas pour passer à l’action en prenant un abonnement de soutien chez votre média participatif grenoblois. #Objectif100

Quel est le rapport entre un siège auto, une poussette, une machine à laver, un vélo, une mobylette et une clarinette ? Réponse : ce sont tous des macro-déchets aperçus dans ou au bord de l’Isère. Certains ont pu être extraits lors de l’opération nettoyage des berges organisée par l’Union de Quartier Île Verte, samedi 14 septembre. D’autres macro-déchets n’ont fait que passer devant les yeux des kayakistes, comme Benjamin, participant à l’opération ce jour-là. Sur la clarinette, il lance cette blague sur un ton doux-amer, “la clarinette n’était pas entière, sinon je l’aurais gardé pour en jouer. C’est l’objet le plus insolite que j’aie pu voir”. Il est venu prêter main forte avec deux autres personnes, tous membres du club Grenoble Alpes Canoë Kayak, ainsi que deux bateaux pour rapatrier les gros déchets par voie fluviale. Le “C2” peut embarquer deux personnes et permettre de récupérer des objets lourds. L’un dirige pendant que l’autre ramasse ce qu’il trouve.

Au même moment, sous le pont qui relie Grenoble à La Tronche, un groupe s’entête à sortir, avec beaucoup de difficulté, un siège auto embourbé dans la vase. Il faut s’y mettre à quatre, cinq ou six ! Les habitants creusent, ou font levier avec pelles et pioches. Une fois le “trésor” déterré, il rejoint le tas de gros déchets à côté de la piste cyclable où un triporteur prend le relais jusqu’à une grande benne. Celle-ci est fournie par la Métro pour l’occasion.

Étape 1 : on extrait le déchet de la vase.
Étape 2 : on rassemble les déchets au point relai, pour être emmenés en triporteur.
Étape 3 : stockage à la grande benne, avant la récupération par la Métro.

Plus tôt, un groupe rapportait avoir découvert une poussette embourbée à 80% et avait déclaré forfait pour cette fois-ci. “C’est la limite de l’action citoyenne, acquiesce Anne Tourmen, organisatrice de cette deuxième édition, on n’a pas de grue, on n’a pas de palan.” Habitante et élue à Saint-Martin-le-Vinoux, elle note cependant une progression avec l’édition de l’année dernière. “La bonne nouvelle c’est qu’il y a beaucoup moins de déchets sur le chemin de Halage, ça va dans le bon sens de prises de conscience du citoyen lambda.” Ce sont des plus petits déchets dits “du quotidien” : mégots, canettes, bouteilles. Preuve en est, le groupe qui est partie sur place a pu revenir plus rapidement pour nettoyer un autre secteur. Cette donnée couplée à la participation en hausse (une quarantaine de participant·e·s, contre trente en 2018) permet à Anne Tourmen d’être optimiste sur la suite, “je crois que là on travaille pour les générations futures. On a tous l’impression d’être utiles.

Les enfants sont aussi de la partie. Les parents en profitent pour faire une balade du samedi matin en prenant le temps de les sensibiliser à la pollution. Stéphanie, habitante du quartier Île Verte a fait le déplacement avec ses trois enfants de 5 ans, 3 ans et 1 an (en poussette). Pour elle, “c’est un projet éducatif intéressant pour que nos enfants deviennent plus sensibles au fait de ne pas polluer”. Au cours de l’interview, ses deux filles aînées sont à la recherche de petits objets avec des pinces en plastiques.

– “Maman, maman !”

– “T’as trouvé un mégot ?”

– “J’ai trouvé plein de mégots.”

– “Il faut que tu ailles voir quelqu’un qui a un sac poubelle.”

Cette opération citoyenne de “surveiller les berges chaque année est une très bonne chose”, explique Stéphanie, “ça va porter ses fruits à long terme”. Tout en précisant que “c’est un travail de fourmi” et que chaque acteur doit faire sa part. Le sentiment de citoyenneté prime : “c’est humain de donner un coup de main citoyen”.

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Armelle est aussi venue en famille, avec Noah, 9 ans. Tronchoise, elle a l’habitude du Quai Jongkind et s’y promène depuis la naissance de son fils. Elle trouve que cette action est aussi “un moment à partager plutôt sympa” avec les autres Grenoblois, Meylanais et Vinoix. Quant à Noah, il est très enthousiaste pour cette opération.

“Hier, j’ai fait de la science, on a parlé du tri. Mon papa est très écolo, il ramasse les déchets dans la rue”. — Noah, 9 ans.

Un peu plus près de l’eau

Autre lieu, même rivière, Quai Perrière. L’inauguration du projet du budget participatif 2017 “Un pas vers l’eau” bat son plein. L’espace en contrebas de la route a été aménagé avec des mobiliers en bois pour permettre de s’allonger au bord de l’Isère et de profiter de la fraîcheur du lieu. Les barrières qui décourageaient à s’installer sur les gradins en pierre ne sont plus, et le tout-venant peut désormais se rapprocher de l’eau.

Début septembre, l’Isère est au plus bas. Plusieurs déchets sont visibles sur la plage de Grenoble, essentiellement des bouteilles en verre. Thierry Closquinet est là avec trois acolytes du club Aviron Grenoblois, Ondra, Arya et Justine. Tous s’apprêtent à faire une petite démonstration pour la fête. Mais avant ça, une opération nettoyage de la plage s’improvise. “Quand je vois ça, j’arrive pas à me retenir”, témoigne Thierry. Ramasser les déchets est devenu une habitude, “à vélo je ramasse des canettes tous les jours”. Il va même signaler à la mairie des espaces pollués, comme à la bastille. Sur ce cas-là, la mairie avait répondu par mail qu’il s’agissait d’un chemin privé, en dehors de leur champ d’action.

De gauche à droite : Ondra, Thierry et Arya du club Aviron Grenoblois.

En termes de solutions, il imagine des panneaux éducatifs pour sensibiliser les passants à ne pas jeter dans l’eau, mais bien dans les poubelles, présentes à quelques dizaines de mètres seulement. C’était d’ailleurs une dimension du projet “Un pas vers l’eau”, installer des poubelles pour éviter toute pollution. Lors de l’inauguration, quelques poubelles sont accrochées aux barrières mais encore éloignées des gradins en pierre. Hélène, une citoyenne à l’initiative du projet, avait imaginé des dessins de pas au sol pour guider plus facilement vers les poubelles. Les porteurs de projet n’ont pas su dire pourquoi ça n’avait finalement pas été mis en place.

Qui doit s’occuper des déchets dans l’eau ?

Ondra du club Aviron Grenoblois témoignait avoir vu deux carcasses de voiture entre le pont d’Oxford et celui du train à l’occasion d’un lâcher de barrage. Dans ces moments-là, l’eau baisse drastiquement un cours instant. Ces déchets qui dorment dans l’Isère ne peuvent être enlevés simplement par les citoyens. Certaines vidéos montrent tout de même des pêches à l’aimant qui permettent de ressortir des gros objets de l’eau.

En France, la législation passe par les SDAGE (Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux) qui permettent l’entretien des rivières. Il y en a dans chaque région, puis localement des SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et aussi des contrats de rivières. C’est la préfecture (l’État) qui établit les arrêtés pour chaque rivière. Pour mieux comprendre, voici une vidéo pédagogique sur la politique de l’eau en France.

Par ailleurs, la qualité des eaux des rivières est observée et évaluée. On observe ainsi un état écologique et un état chimique pour chaque masse d’eau. Sur les 44 masses d’eaux présentes dans un rayon de 20 km autour de Grenoble, 38 sont en bon état chimique en 2009 et 40 en 2015. Pour l’état écologique la tendance est presque stable, avec une légère dégradation pour cet échantillon. Cela s’observe par une dégradation progressive de la notation des masses d’eaux. Celles notées “très bon” (3 en 2009, 1 seule en 2015) deviennent “bon”, tandis qu’il y a plus de masses d’eaux notées “médiocre” (1 en 2009, 4 en 2015). La majorité des masses d’eaux sont tout de même en état écologique “bon” (23 en 2009, 24 en 2015), ce qui permet d’obtenir une proportion de masse d’eaux en bon état au dessus de la moyenne nationale (56,8 %, contre 44,8 % sur les 10 706 masses en France).

Plus particulièrement, le Drac a réussi à obtenir un état chimique bon en 2015, mais pas l’Isère, qui fait partie des quelques masses d’eau encore en mauvais état chimique. Sur l’état écologique, il y a une bonne progression positive sur la période 2009–2015 (voir légende).

Légende : 1. Mauvais / 2. Médiocre / 3. Moyen / 4. Bon / 5. Très bon

Les macro-déchets dans les rivières restent tout de même “un problème au quotidien quand on navigue sur l’Isère avec des classes de jeunes” termine Benjamin (le découvreur de clarinette). Il ne note pas d’amélioration d’une année sur l’autre, même s’il concède que “les poubelles, on en trouve presque un peu moins en ce moment”. Les barres en métal peuvent aussi blesser ou endommager les embarcations lorsqu’elles sont bloquées dans la vase.

Le 21 septembre dernier a eu lieu la journée mondiale de nettoyage (World Clean Up) avec sept actions organisées sur l’agglomération. Des citoyennes et citoyens n’attendent pas pour agir et ramasser des déchets, alors laissons leur le mot de la fin.

“Venez nombreux l’année prochaine à nettoyer les berges de l’Isère.” — Stéphanie

“Qu’on se balade un jour le long de l’Isère sans avoir besoin de ramasser les déchets. On profitera juste de la nature” — Armelle

“Qu’on soit en famille pour bien partager l’écologie.” — Noah

“Souvent en tant que bon Français, on est assez rapides à râler. Toute la question c’est est-ce qu’on est actif ou est-ce qu’on râle ?” — Benjamin

“Une bonne initiative à faire plus souvent.” — Anne

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.

Liens intéressants pour aller plus loin :
le rapport très complet de l’ADEME sur les macro-déchets, écrit en 2012.
la cartographie d’Eau France pour consulter l’état des rivières de sa région.
l’article #AlertePollution de France Info sur les trottinettes électriques qui terminent à l’eau.


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