Citoyens en alerte

La vigilance citoyenne, dispositif de sécurité de proximité développé dans plusieurs villes et villages de la métropole grenobloise, est le thème mensuel élu sur L’avertY par les internautes avec 46% des votants les 31 septembre et 1er octobre 2019. L’avertY a rencontré les différents acteurs du dispositif à Claix et Saint-Paul-de-Varces.

La population c’est un peu nos yeux et nos oreilles”, explique Bertrand De Regnault De Bellescize, adjudant-chef à la brigade de Pont-de-Claix. En tant que gendarme, il a suivi la mise en place du dispositif de vigilance citoyenne à Saint-Paul-de-Varces en 2015, et désormais pour la ville de Claix, qui vient de signer officiellement sa convention le 25 septembre dernier. Ce ne sont pas les seules dans la métropole grenobloise, on retrouve le dispositif dans une dizaine de communes, à Meylan, Vif, Veurey-Voroize, Noyarey, Domène, Vaulnaveys-le-Haut, Saint-Martin-le-Vinoux, Jarrie et Corenc. Dispositif qui ne coûte quasiment rien à la commune, à part un peu de temps des élus.

Le principe est d’associer trois acteurs autour du thème de la sécurité de proximité : la gendarmerie, la mairie et les citoyen·ne·s. Ces derniers doivent préalablement remplir un formulaire et signer une charte avant de pouvoir intégrer le dispositif, selon la circulaire proposée par le ministère de l’intérieur Claude Guéant en 2011. Si un citoyen vigilant (dit aussi voisin vigilant) détecte des comportements suspects près de chez lui, il peut alerter la gendarmerie pour une éventuelle intervention rapide. C’est la gendarmerie qui décide s’il y a matière à intervenir, ou non.

L’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize, dans son bureau à la gendarmerie de Pont-de-Claix.

Il est clairement rappelé que les citoyens inscrits au dispositif ne doivent pas se substituer aux forces de l’ordre. Ainsi les signalements peuvent concerner des cambriolages, des dégradations, des repérages et démarchages d’individus. Les citoyens sont là “pour regarder et signaler”, “le but n’est pas de créer des milices”, ou même “de faire des patrouilles”, précise l’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize. Les habitants sont encouragés à ne rien changer à leurs déplacements habituels, mais d’être un peu plus attentifs à ce qui se passe autour d’eux. C’est par le biais de réunions ouvertes à tous les habitants, tous les 6 mois, que les bons réflexes à adopter sont donnés par la gendarmerie aux citoyens. À l’inverse, la gendarmerie peut diffuser des signalements concernant des véhicules, avec des détails précis. Tous les habitants reçoivent directement une alerte pour se focaliser sur cette information et signaler en retour.

Réussites et limites

En quatre ans de fonctionnement à Saint-Paul-de-Varces, l’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize rapporte un exemple de réussite du dispositif. “Un appel rapide et efficace nous a permis de réagir rapidement et efficacement, on a pu intercepter deux auteurs de cambriolages”. L’interpellation s’est faite à Varces-Allières-et-Risset, pour des faits commis à Saint-Paul-de-Varces, notamment grâce à la configuration en “cul-de-sac” de la commune. Si pour cette occasion le dispositif a porté ses fruits, l’adjudant-chef admet que ce n’est pas courant, car cela nécessite que le citoyen soit “au bon endroit et au bon moment”.

A contrario, fin 2017 et début 2018, la délinquance a augmenté sur la commune avec de multiples cambriolages, sans que le dispositif ne permettent de contrer quoi que ce soit. Le maire David Richard reste réaliste, “si c’est des gens dont c’est le métier, c’est compliqué”. Pas fataliste pour autant, il assure que le dispositif “a bien pris chez nous” et “est très apprécié” avec environ 45 citoyens vigilants inscrits sur les 2200 habitants de la commune (environ 2% de la population). Quelques panneaux dissuasifs ont été installés aux entrées du village. Le maire admet néanmoins, ”on n’est pas soumis à une grosse délinquance”.

Extrait de la storie Instagram L’avertY.

La solidarité entre voisins est aussi mise en avant, sur ce thème de la sécurité. Pourtant l’adjudant-chef Bertrand De Regnault De Bellescize assure que les relations restent individuelles entre le citoyen et le gendarme. Les Saint-Pagnard·e·s n’ont pas accès aux autres noms de la liste de citoyens vigilants. Ce n’est qu’à l’occasion des réunions semestrielles qu’ils peuvent prendre contact entre eux.

Renfort des liens avec la gendarmerie

Suite à l’élection du nouveau maire Christophe Revil à Claix en 2018 et à une recrudescence de cambriolages, la commune a mis en place une nouvelle politique sécuritaire qui comporte quatre axes : être en contact plus étroit avec la gendarmerie, renforcer la police municipale, mettre en place de la “vidéo protection”, et le fameux dispositif de vigilance citoyenne. Quelques différences sont notables avec la commune de Saint-Paul-de-Varces. Marie-Noëlle Strecker, adjointe à la sécurité de Claix, dénombre fin octobre 50 citoyen·ne·s inscrit·e·s au dispositif, dont 10 élu·e·s “de plusieurs bords”, avec environ un tiers de femmes et deux tiers d’hommes sur toute la liste. Contrairement à Saint-Paul-de-Varces, la ville a mis en place un numéro de téléphone portable unique. C’est Claix qui prend en charge le coût de l’abonnement. À toutes heures, les gendarmes de Pont-de-Claix peuvent recevoir des appels des Claxois·es. Habituellement, il s’agit d’appeler le 17. Autre différence, la liste est partagée entre habitants. Les inscrits s’engagent à ne pas dévoiler la liste à d’autres personnes qui ne font pas partie du dispositif.

Robert Keller fait partie de ces nouveaux citoyens vigilants. Très sensible à la sécurité en tant qu’ancien policier municipal de Claix, il a naturellement rejoint le dispositif. Il est retraité depuis 17 ans et se déplace souvent dans sa commune. Ce qui l’anime c’est “que tout le monde soit tranquille pour pouvoir vivre ensemble correctement. C’est une des choses les plus importantes pour moi”. Lorsqu’il reçoit une alerte en provenance de la gendarmerie, cela lui “donne un petit coup d’aiguillon à la vigilance”. S’il n’a pas encore eu l’occasion d’appeler le numéro dédié, il espère pouvoir apporter ses remarques pour améliorer le dispositif au fil du temps.

Un système privé parallèle non-contrôlé

Si les conventions entre mairies, citoyens et gendarmeries s’appliquent en toute transparence, ce n’est pas le cas du site web voisinsvigilants.org. Il permet à n’importe quel habitant de lancer une vigilance citoyenne dans son quartier. Cette fois-ci, il s’agit bien d’un réseau social où le partage d’information n’est contrôlé par la mairie que si elle participe au dispositif. Testé par L’avertY, les quartiers grenoblois où des communautés ont été créées restent a priori inactives. L’une d’entres elles a même fermé suite à une recherche de contact. Dans le cas où une mairie est inscrite à cette solution privée, ce sont les policiers municipaux qui vont agir sur le terrain plutôt que la gendarmerie.

Le risque de dérapage verbal est commun à de nombreux réseaux sociaux. Grâce à un reportage du journal télévisé de 13h de Jean-Pierre Pernaut sur TF1, on peut apercevoir des commentaires, très mal floutés, évoquant l’origine des personnes suspectes.

Sur cette plateforme l’interprétation du point n°2 de la charte du site “mes alertes ne doivent pas comporter d’opinions personnelles” est à l’appréciation de chacun. Dans cet exemple, les descriptions “type maghrébin” et “d’origine africaine” sont utilisées pour décrire les personnes suspectes. Le site va ensuite faire son business en proposant aux inscrits d’acheter des panneaux de signalisations, “vous savez l’œil qui fait peur”, et des autocollants pour exercer un effet dissuasif auprès des potentiels délinquants.

À Claix, comme à Saint-Paul-de-Varces, la vigilance citoyenne n’est pas un dispositif suffisant pour les élus. Il s’accompagne de réflexions sur la vidéo surveillance. Si la vigilance citoyenne permet sans conteste des interventions rapides, dans certains cas particuliers, la vidéo permet surtout la résolution d’enquêtes d’après l’adjudant-chef de Pont-de-Claix. Les citoyens vigilants sont des aides supplémentaires bienvenues pour les gendarmes, “on aimerait être un peu plus dérangés”. Sans ce dispositif dans sa commune, tout citoyen peut déjà participer à des signalements en composant le numéro 17.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


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