📣 « Pôle Emploi, j’y allais à reculons »

Agnès (alias “Nyafox” sur Twitter) a posté quelques tweets sur son expérience Pôle Emploi. L’avertY a trouvé son point de vue original et a voulu le mettre en avant. Elle a accepté de rédiger une contribution, ainsi que la publication d’une photo, réalisée cet été au Jardin de Ville.

Agnès, citoyenne grenobloise. Juillet 2018.

Il paraît que c’était mieux avant. Il paraît que dans le bon vieux temps, tout était plus simple, et que le monde ne fait que se complexifier. Il paraît… Dans mon expérience, il y a bien un domaine où j’ai constaté que c’était faux : ma relation avec l’administration française dans le cadre de ma recherche d’emploi.

Parce que si je remonte en arrière, ma dernière expérience avec Pôle Emploi… pfiouuuu. Ça date tellement que ça s’appelait encore l’ANPE et les Assedics. Des Assedics, je me souviens surtout de papiers envoyés au moins deux fois, dont une en recommandé, que j’ai fini, en désespoir de cause, par aller déposer en personne, après qu’on me les ait à nouveau réclamé.

De l’ANPE, je me souviens des locaux sombres. Je me souviens de ce hall étriqué où on patientait en attendant d’être reçu par un conseiller ou une conseillère. Je me souviens de personnes qui semblaient déprimées. De cette conseillère qui avait l’air au bout du rouleau et qui ne savait pas bien quoi me proposer, vu que je n’avais pas beaucoup d’expérience. De ce conseiller que j’avais l’air d’exaspérer parce qu’il ne trouvait pas mon diplôme dans son logiciel (un simple DUT pourtant, qui existait depuis longtemps). Je me rappelle aussi de cette seule offre d’emploi qu’ils m’ont proposé, et qui ne collait tellement pas à mon profil, que la recruteuse qui m’a reçu m’a demandé pourquoi j’étais venu. Voilà. C’était l’ANPE en 2004.

En 2018, ça a beaucoup changé.

À Grenoble, l’agence Pôle Emploi dont je dépends vient de s’installer dans des locaux tout neufs, et très lumineux. Et mine de rien, ça fait déjà moins lugubre. C’est encore un peu en travaux autour d’ailleurs. Au niveau de la paperasse, je ne sais pas si c’est parce que mon précédent employeur est une grosse structure, ou si c’est pour tout le monde pareil, mais tout a été transmis automatiquement. La conseillère Pôle Emploi n’a eu besoin que de trois clics sur son PC pour vérifier que ça ne s’était pas perdu en route.

Au niveau de l’accueil, dès qu’on passe la porte de l’agence, on est reçu par quelqu’un qui nous demande pourquoi on est là (rendez-vous, atelier, recherche), et qui nous oriente. J’ai eu affaire à deux conseillères différentes. Je les ai trouvé à l’écoute et bienveillantes. Pôle emploi a su aussi s’adapter au numérique. Personnellement, je gère ma recherche d’emploi via le site informatique, car ça me simplifie la vie, et j’ai demandé à recevoir les infos par mails. Mais si vous n’êtes pas quelqu’un de “connecté”, vous pouvez gérer par courrier et téléphone. Bref, le service a su s’adapter à ses différents publics, et c’est agréable.

Derrière le côté “plus sympa”, concrètement, est ce que Pôle Emploi m’a été vraiment utile ? Je dirais que oui, dans le sens où les conseillères m’ont transmis plusieurs offres. Elles étaient pertinentes, et correspondaient à mon profil. J’en ai deux ce mois-ci qui ont débouché sur des entretiens, et où je suis en attente de réponse. Rien que là, c’est un progrès indéniable depuis 2004. Et le site web fourmille également de petits outils. J’en utilise un pour m’aider à rédiger mes lettres de motivations, et un autre pour suivre mes candidatures. C’est un peu fouillis pour les retrouver, mais ça a le mérite d’exister.

Bref, Pôle Emploi, j’y allais à reculons, en m’attendant à des formalités administratives aussi rébarbatives qu’inutiles. Et j’ai été très agréablement surprise de voir à quel point ça a changé. En bien. Et ça mérite qu’on le dise. Peut-être que ça dépend des agences. Peut-être que j’ai eu de la chance, et que je suis juste tombé sur les bonnes personnes. Mais en tout cas, ça m’a réconcilié avec Pôle Emploi.

Agnès Cartier-Millon

L’avertY est un média participatif sur l’agglomération grenobloise. Chaque mois, il permet aux citoyens de prendre la parole sous la forme d’une contribution citoyenne, comme celle-ci. Vous aussi, prenez la parole pour ré-inventer l’information locale !

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📣 « Au-delà des soucis de chacun, j’y sens une forme certaine de plaisir à vivre ensemble »

De Shanghai à Paris, de Paris à Grenoble et de Grenoble à Saint-Égrève, chaque ville est divisible en quartier. On habite d’abord son quartier avant sa ville. Le quartier est une extension de son domicile. On est tous « d’un quartier » — tranquille, ou bruyant, paisible ou « trop vivant ». On le vante ou on le critique. On l’aime ou, à l’extrême, on le fuit.

Ainsi, comme tout le monde, j’ai mon quartier. Et j’ai de la chance, il est plutôt sympa, mon quartier. Il a même ses sous-quartiers. Pas des quartiers moins bien, des mini-quartiers aux séparations bien claires, mais pourtant très aisément franchissables.

Je vis dans ce quartier depuis vingt ans. Il est « écolo» ! Entouré de verdure, ramifié en petits chemins plus ou moins champêtres, comme en rues très passantes, selon les sous-quartiers que je citais plus haut, mais toujours assez unis. Et même si beaucoup de familles en vingt ans ont pu bouger, il lui reste l’unité de sa structure et celle de quelques « piliers » qui en font le parfait soutènement.

De mon quartier (qui avait encore, il y a peu, son association), distrayant parce que varié dans son habitat aux populations mélangées, où s’y promener « change les idées », je reviens à ma rue, là où j’ai mon « chez moi ». Et de ce chez moi, je vois passer les autres, qui sortent de « chez eux », ou y reviennent. Devant chez moi, c’est le chemin — la rue, plutôt — qui mène le plus de gens, de chez eux à l’arrêt du tramway, au point où l’on quitte le quartier. Et de cet arrêt de tramway, on contemple le quartier à son entrée ouest. Sa gaieté urbanistique laisse l’idée qu’on aura bien du plaisir à y revenir le soir. Si ce quartier est très mélangé, il l’est aussi dans les différents âges de sa population où la jeunesse côtoie les aînés, où tous les âges de la vie cheminent dans une cohabitation sereine. Au-delà des soucis de chacun, j’y sens une forme globale certaine de plaisir à vivre ensemble, hormis les rares misanthropes, pour rester dans le vrai de vrai de la vie d’un quartier.

Pour conclure, de ce grand village qu’est mon quartier, je dirais qu’il est le quartier de la vie, auquel seul manquerait un petit marché qui en ferait un vrai village. Et si le Monde Gronde, le petit nôtre, avec ses montagnes tout autour, ne le laisse pas y faire un de ses quartiers. La paix soit du quartier.

Les chemins de RéciCourt

RéciCourt (pseudo), bibliotechnicien et jeune sexagénaire, habite dans le quartier de Rochepleine à Saint-Égrève. Il a rencontré L’avertY lors du Rendez-vous de l’image organisé chaque année par la Maison de l’Image. Après quelques échanges, il a rapidement accepté de proposer une contribution écrite. Un exercice qu’il apprécie tout particulièrement.

Cette contribution vous a parlé ? Vous a fait réfléchir ? Partagez votre réflexion ou vos remarques sur la plate-forme Discord de L’avertY pour prolonger le sujet.

Vous aussi vous pouvez envoyer votre contribution personnelle à notre journaliste à l’adresse e-mail : ludovic.chataing@laverty.fr.

📣 « Les députés suivent le mouvement oubliant qu’ils représentent leurs concitoyens »

Dominique Barberye est citoyen grenoblois. Avec plus de 25 000 messages sur Twitter, il a l’habitude des débats en ligne. C’est un des “twittos” connus de l’agglomération. Il a pensé à L’avertY pour partager son point de vue sur un amendement concernant le nutri-score, proposé à l’Assemblée Nationale par le député grenoblois Olivier Véran.

La démocratie malade des lobbies

Vous l’avez peut-être croisé sur un emballage alimentaire. Appelé aussi « système 5 couleurs », nutri-score est un code d’étiquetage classant les produits de A à E, et du vert au rouge, et établi en fonction de leur valeur nutritionnelle. L’objectif est que les consommateurs orientent leurs choix vers des produits plus sains et ainsi participer à la lutte contre les maladies cardiovasculaires, l’obésité et le diabète.

Le nutri-score est facultatif. L’industrie agroalimentaire a développé un lobbying intense auprès de l’Union Européenne pour que ce type de systèmes renforçant l’information des consommateurs ne puisse lui être imposé. Quand le gouvernement français a souhaité mettre en place le nutri-score, l’industrie agroalimentaire a combattu ce système permettant aux consommateurs d’acheter en connaissance de cause.

« Les industriels développent d’autres codes pour ne pas pénaliser leurs produits les plus désastreux »

Le lobby agro-alimentaire a donc réussi à faire en sorte qu’une telle réglementation ne soit pas obligatoire et a tenté de faire capoter la réglementation française. Mais finalement, et pour une fois, l’industrie a dû reculer et nutri-score existe. Cependant, il est toujours facultatif. Les industriels développent d’autres codes pour le concurrencer et ne pas pénaliser leurs produits les plus désastreux pour la santé de leurs clients.

Olivier Véran (ex-PS, désormais En Marche), député de l’Isère, qui a déjà porté des propositions de loi liées à l’alimentation, a souhaité étendre le domaine d’application du nutri-score à la publicité pour les produits alimentaires. Vous pouvez lire son amendement ici. Cet amendement, présenté dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine et durable, vise à imposer aux industriels de faire figurer sur les supports publicitaires le nutri-score des produits mentionnés. La subtilité c’est que comme on n’intervient plus sur l’emballage, le nutri-score peut être obligatoire, et non plus facultatif.

« Dans le nouveau monde, c’est comme dans l’ancien, tout s’achète »

Olivier Véran, qui n’est quand-même pas un révolutionnaire, propose que les industriels qui voudraient échapper à cette obligation pourront payer 5% du coût de la publicité. Pour traduire, si un industriel vend un produit vraiment très mauvais pour la santé et qu’il ne veut pas que ça se voit, il paie et les consommateurs n’en sauront rien. Aussi incroyable que cela puisse paraître, un député qui prétend s’inquiéter de la santé de ses concitoyens a eu l’idée de prévoir une dérogation par l’argent à une mesure de santé publique… Dans le nouveau monde, c’est comme dans l’ancien, tout s’achète, même le droit d’empoisonner ses clients. Malgré ce dernier point consternant, Olivier Véran était tout content de sa proposition et a fait le tour des médias (Le Parisien, BFM TV).

« Olivier Véran n’ose pas le dire mais l’argument du ministre est absolument nul »

Le 19 avril, l’amendement a été discuté devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale. La retranscription des débats est édifiante. Après qu’Olivier Véran a rappelé l’objet de son amendement, Jean-Baptiste Moreau (le rapporteur de la loi) puis Stéphane Travert (ministre de l’agriculture et de l’alimentation) prennent la parole pour combattre cet amendement. Le premier se retranche derrière l’avis des services du ministère en invoquant le risque que « la démarche d’expérimentation [du nutri-score] puisse être contrariée par l’obligation » proposée par Olivier Véran. Le second indique que « voter ces amendements reviendrait à faire « tomber » tout le nutri-Score. Le rapporteur et le ministre demandent au député de retirer son amendement et de le retravailler avec le gouvernement. Olivier Véran n’obtempère pas et précise : « Vous anticipez même, monsieur le ministre, la possibilité d’une sanction de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui irait jusqu’à empêcher — vous avez dit que l’adoption de l’amendement ferait « tomber » tout nutri-score — des marques d’apposer volontairement un logo sur leurs emballages. […] L’Europe nous a empêchés de modifier le packaging des produits alimentaires mais l’Europe ne dit rien concernant le droit de la publicité et encore moins en matière de santé publique. […] Le passage par la publicité qui, encore une fois, est conforme au droit européen, contrairement à la régulation de l’emballage, permet précisément d’aller de l’avant en matière de santé publique. » Olivier Véran n’ose pas le dire mais l’argument du ministre est absolument nul. Les lobbies ont obtenu de l’Union Européenne que le nutri-score ne soit pas obligatoire sur les emballages, mais la question du nutri-score dans la publicité n’est absolument pas tranchée. Le ministre ne changera pas d’avis : « Intégrer le nutri-score dans la publicité, comme le prévoit l’amendement, le rend de fait obligatoire alors, je le répète, que nous souhaitons nous en tenir à une démarche volontaire. »

« l’industrie agroalimentaire est à l’œuvre en coulisse et parle par la bouche du ministre »

Dans cette dernière phrase, on peut légitimement se poser la question. Qui est ce « nous » qui souhaite s’en tenir à une démarche volontaire ? Qui a donc soufflé au ministre cet argument idiot de la mise en péril du nutri-score facultatif sur les emballages s’il devenait obligatoire dans la publicité ? Clairement, encore une fois l’industrie agroalimentaire est à l’œuvre en coulisse et parle par la bouche du ministre. Point de complotisme ici. Le combat permanent et avoué de l’industrie agroalimentaire contre toutes les mesures contraignantes permettant une meilleure information des consommateurs, combiné à l’histoire du nutri-score, démontrent que se joue ici une nouvelle bataille d’une guerre déjà longue. Pour que le récit soit complet, précisons que Olivier Véran a maintenu son amendement et qu’il a été rejeté par les députés LREM… Cette fois, pas de conférence de presse. Le seul média qui a couvert l’info de manière un peu développée est placegrenet.fr.

« Ce dossier est symptomatique du pouvoir des lobbies dans le processus législatif »

L’amendement aura encore sa chance en séance publique et ça se passe cette semaine. Nul doute que depuis le passage en Commission, bien des députés ont reçu un bel argumentaire leur expliquant qu’imposer le nutri-score dans la publicité ce serait prendre le risque de voir tout le dispositif sanctionné par l’Union Européenne et que ce serait bien dommage… Mieux, un autre lobby s’est mis en action. Le Canard enchainé a, en effet, révélé que les patrons de chaînes de télé ont écrit au gouvernement pour s’opposer à cet amendement. Ils disent craindre une baisse conséquente de leurs recettes publicitaires si le logo indiquant les produits alimentaires les plus nocifs venait à être imposé à la télé. Les recettes publicitaires sont plus importantes que la santé des Français. Ce dossier est symptomatique du pouvoir des lobbies dans le processus législatif. Les lobbies ont portes ouvertes dans les ministères et à la Commission européenne et échangent quotidiennement avec les services. Les députés sont abreuvés de courriers, notes, rapports émanant d’organismes en tous genres, les « informant » des enjeux des lois qu’ils vont voter.

https://youtu.be/S58vs2dsRXw

Face à des sujets parfois complexes, les députés sont démunis et suivent le mouvement… oubliant qu’ils représentent leurs concitoyens et que défendre leurs intérêts est leur mission. Il faudra suivre avec attention la suite des aventures d’Olivier Véran au pays du lobby agroalimentaire et désormais du lobby audiovisuel. Le député développe cependant une stratégie plutôt maline. Il médiatise son combat ce qui évite un enterrement en catimini. Il a également réussi à convaincre quelques dizaines de députés LREM de cosigner son amendement avant le passage en séance publique. Il a donc réussi à ouvrir un front au sein même de son groupe parlementaire ce qui est essentiel dans la mesure où les députés LREM sont priés de voter comme un seul homme une fois que le groupe a décidé d’une position. Seule une stratégie hyper agressive comme celle-ci peut venir à bout du travail de sape des lobbies.

Si l’amendement est finalement voté, il ne faudra pas oublier qu’il a prévu une porte de sortie pour les industriels sous la forme d’une pénalité symbolique de 5% du coût de la publicité… Ce point pourrait être le truc malin pour faire passer cette mesure symbolique et sûrement populaire tout en prenant le risque de sa non-application dans les faits…

Dominique Barberye

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