📣 « La finalité objective de cette austérité revient à stériliser le pouvoir politique local »

L’avertY a décidé de choisir au hasard une personne parmi les 1108 élu·e·s municipaux de la métropole grenobloise (49 communes), afin de s’exprimer sur un sujet local de son choix. Tiré au sort par une internaute, Daniel Bessiron, 5ème adjoint* de la ville d’Échirolles a bien voulu participer. Également élu à la métropole et au département, il a choisi de mettre en rapport les efforts financiers demandés par l’État aux collectivités, avec les investissements pour la transition écologique et énergétique de la ville et de la métropole.

*Adjoint au développement durable, aux déplacements, à l’environnement, à la transition énergétique, à l’eau, aux énergies, aux ondes électromagnétiques et aux risques majeurs.

Le contexte national imposé aux politiques publiques des collectivités.

Cette année, le budget de la ville d’Échirolles s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2018–2022 et du nouveau pacte de confiance fixé par le gouvernement. Il associe l’ensemble des collectivités territoriales au redressement des finances publiques à hauteur de 13 milliards d’euros sur le quinquennat.

Non concernés directement par les mesures qui s’imposent aux plus grandes collectivités, nous risquons toutefois de subir des baisses au niveau des aides apportées par ces structures (340 à l’échelle nationale, régions, départements, métropoles, communes…). En contrepartie, les dispositions de la nouvelle loi de finances nous obligent à améliorer « notre capacité de désendettement » sur 13 ans sans prendre en considération, dans les ratios, les cessions d’actifs, même si, depuis 2011, nous avons fait des efforts conséquents.

« De nombreuses collectivités connaissent des difficultés et sont au bord de l’agonie »

Les collectivités locales souffrent depuis plusieurs années avec les baisses multiples de dotations (qui ont commencé sous MM Sarkozy et Hollande) et de nombreuses collectivités connaissent des difficultés et sont au bord de l’agonie. La crise déclenchée durant l’été 2007 sur le marché des dérivés de crédit a eu pour cause première le retournement du marché des emprunts immobiliers aux États-Unis, en Europe et en France. Transformée l’année suivante en crise financière majeure, affectant tout particulièrement les banques. D’où une dépression économique qui a obligé les pouvoirs publics, en 2009 puis 2010, à venir en aide aux entreprises et aux ménages.

Si cet engrenage des précédentes paniques financières et la taille des pertes en font une des plus violente de l’histoire (de 2008 à 2015 soit 5 000 milliards de dollars) cette crise n’a pourtant pas provoqué une véritable remise en cause du principe d’organisation des activités financières banquières et des méthodes inacceptables du système libéral.

« Il est plus simple de faire subir aux plus modestes »

L’Europe et l’État français, au lieu de s’acharner sur les collectivités locales qui sont le dernier rempart de proximité pour les habitant·e·s de nos communes, devraient plutôt s’attaquer aux causes majeures qui sont la gangrène de notre société : l’évasion fiscale et la fraude fiscale, favorisées parfois par les acteurs de la finance. Mais dans une société qui prône le libéralisme, il est plus simple de faire subir aux plus modestes, au lieu de s’attaquer aux puissants de la finance qui continuent à nous appauvrir sans complexe et en toute hypocrisie.

Autre exemple, la suppression progressive de la taxe d’habitation au-dessous d’un certain niveau de revenus, car même si l’État s’engage à compenser la perte des recettes pour les collectivités, cette compensation sera déterminée par les taux et dégrèvements appliqués en 2017. Cela rendra difficile toute évolution dans ce domaine alors que nous sommes plus en attente d’une véritable réforme de la fiscalité locale. Il y a un vrai enjeu pour plus d’équité dans ce domaine.

« Il faut continuer à investir dans l’indispensable transition écologique et énergétique »

Par l’évolution des règles comptables, l’État nous demande de revoir en 2018 le calcul de nos épargnes ainsi que nos capacités d’autofinancement et de désendettement. Pour nous, ville d’Échirolles, les engagements budgétaires sont essentiels quand on connaît le rôle d’une ville dans le quotidien de ses habitant·e·s pour l’emploi local, pour la transition écologique, pour les déplacements, pour l’aménagement urbain, l’éducation, le social, sans oublier la vie associative locale. La priorité est donnée aux équipements de proximité, à la transition énergétique ou aux opérations de rénovations urbaines. Il faut continuer à investir dans l’indispensable transition écologique et énergétique. Celle-ci est porteuse de réduction d’émissions de gaz à effet de serre mais aussi d’économies de fonctionnement, un véritable rempart face à la précarité énergétique et un soutien à l’activité économique locale. D’où notre engagement au Plan Air Énergie Climat de la ville et de la Métropole, le label Cit’ergie ou la convention des maires.

Cet effort doit aussi porter sur les énergies renouvelables. Car le marché de l’électricité subit des évolutions tarifaires continues. Il faut donc tendre vers notre indépendance énergétique et poursuivre l’installation de panneaux photovoltaïques chaque fois que possible sur les toits de nos bâtiments municipaux. Maintenir le cap sur la question de la qualité et l’origine de l’alimentation, en particulier pour la restauration collective des écoles, des crèches et des seniors. Privilégier le bio et les circuits courts permet de soutenir l’activité économique de notre territoire tout en préservant des écosystèmes agricoles.

Ne soyons pas dupes, cette recentralisation de la fiscalité locale a un seul but : mettre à mal l’autonomie des collectivités. L’État replace ainsi l’ensemble des collectivités locales sous son joug, pouvant faire directement pression sur les budgets locaux. La finalité objective de cette austérité revient à stériliser le pouvoir politique local. À force d’être contraints financièrement, l’État entend bien obliger les communes à se replier sur leurs seuls domaines de compétences obligatoires, comme il a réussi à le faire pour les régions et les départements au travers de la loi NOTRe promulguée en 2015. Alors que de nombreuses responsabilités ont été transférées sans les moyens financiers nécessaires (carte d’identité, passeport, PACS, etc.), les collectivités sont prises dans des injonctions contradictoires.

En plus d’être privés de notre autonomie financière, l’État veut même nous confronter à une incertitude quant au devenir de l’action publique ! Il faut nous inscrire en lien avec les différents mouvements de protestation et proposer des alternatives progressistes pour protéger l’avenir des territoires et des institutions qui les servent.

Daniel Bessiron

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📣 « On pense qu’on est une machine de guerre, et que rien ne peut nous arriver »

David a accepté de partager un long témoignage sur le burn-out pour L’avertY. Phase de déni, signes déclencheurs, symptômes à long terme, il raconte toute son expérience sur le burn-out et donne ses conseils pour ceux qui pensent être à l’abri de cet « épuisement physique et psychologique ».

Voici mon témoignage sur le burn-out que je subis depuis juillet 2017. J’en suis donc à mon 10ème mois. C’est un sujet vaste et compliqué qui touche à l’heure actuelle de très nombreuses personnes en France. Les chiffres sont aberrants et ça va croissant ! En France, nous sommes les quatrièmes en productivité et les premiers consommateurs de psychotropes. J’ai souvent entendu parler de burn-out ces dernières années, que ça soit à la télévision ou dans certains magazines, mais sans trop y faire attention. Je pensais même que le burn-out c’était beaucoup de cinéma pour pas grand chose. Je n’imaginais pas à quel point je pouvais me tromper. Comme toute chose dans la vie, qu’elle soit positive ou négative, il faut en faire l’expérience pour en avoir réellement conscience.

« Le burn-out n’est pas une fatigue »

Tout le monde connaît le fait d’être fatigué après une journée de travail difficile, une séance de sport, après avoir passé une heure dans les bouchons, ou une nuit difficile. Le burn-out n’est pas une fatigue. Le burn-out est un épuisement profond, brutal, chronique, permanent, physique et psychologique. Il se déclenche suite à la fin d’un processus qui ne fonctionne plus. Notre corps et notre esprit disent stop. C’est un peu comme une cocotte-minute qui implose, notre corps se met en veille car il a usé de toute son énergie, comme pour une batterie de voiture qui serait vide.

« Sans en avoir conscience, les symptômes du burn-out apparaissaient progressivement »

Le burn-out n’est pas un hasard, c’est une conséquence de plusieurs causes qui sont liées à un mode de vie et un état d’esprit qui n’est plus du tout approprié à notre bien-être naturel. Dans tous les reportages et documentaires que j’ai pu visionner, on parle essentiellement d’épuisement professionnel. Car c’est là qu’il se déclenche dans la plupart des cas, du fait de la charge de travail demandée, toujours plus grande. On s’impose à soi-même d’être le plus productif et compétitif possible, par peur de perdre son job. Tout ça engendre beaucoup de stress et d’anxiété au quotidien, qui vont de pair avec un burn-out. Ce n’est pas naturel, c’est même plutôt autodestructeur. Pour ma part, ces quatre dernières années, je m’étais expatrié à Saint-Martin dans les Antilles, où le tourisme marche très bien. C’était donc très facile de trouver du travail dans mon domaine : la cuisine. Le cadre de vie était génial : les jolies plages, le soleil, etc. Et pourtant, sans en avoir conscience, les symptômes du burn-out apparaissaient progressivement, quelques mois avant l’effondrement final, bien avant de franchir la ligne rouge !

« Je suis convaincu que mon burn-out ne vient pas uniquement de mon activité professionnelle »

Dans le tourisme aux Antilles, les week-ends de deux jours n’existent pas. Je travaillais six jours sur sept, et en moyenne huit à dix heures par jour, dans une chaleur très pesante en cuisine. Déjà que géographiquement nous sommes dans un climat équatorial à 30 degrés toute l’année (et très humide). En cuisine, on montait facile à 40 degrés devant les fours, les feux. Tout ça pour dire que ça me demandait beaucoup d’énergie. En plus de ça, il faut être rapide et productif pour satisfaire une clientèle aisée, qui vient en vacances dans les Caraïbes. Je suis convaincu que mon burn-out ne vient pas uniquement de mon activité professionnelle, mais plutôt d’un tout. Car à côté de mon travail, je m’imposais en moyenne huit heures de sport intensives par semaine : salle de sport et course à pied. Je m’étais également mis une grosse pression psychologique pour arrêter ma consommation de tabac et de cannabis, sans aucune aide ou prise en charge médicale, et sans compter un climat familial très négatif depuis toujours.

Quelle que soit son histoire personnelle, le burn-out peut donc toucher tous les secteurs d’activité. Et en général, elle touche les bons éléments d’une entreprise, qui sont perfectionnistes, qui veulent toujours trop bien faire, et qui ne comptent pas leurs heures. Comme la plupart des personnes en burn-out, j’étais dans un déni complet les premiers mois, car on pense qu’on est une machine de guerre, et que rien ne peut nous arriver. Encore moins un burn-out ou une dépression qui sont des faiblesses incompatibles avec notre véritable caractère, et qui donc sont logiquement impossibles de nous atteindre nous !

« Même au plus mal, mon travail était encore plus important que ma santé ! »

Suivant les individus, les symptômes peuvent être nombreux et variés. Pour ma part, les premiers gros signes débutent en juillet 2017. Je ne pouvais plus faire de sport sans être au bord du malaise. Mon corps commençait à ne plus supporter l’effort physique. Au travail, c’était pareil, et ça n’allait pas en s’arrangeant. Vers le 10 août, en plein service du soir s’en était trop. J’ai dû aller voir mon employeur les larmes aux yeux, lui indiquant que je ne pouvais plus assumer mon travail, et que je ne savais pas du tout ce qui était en train de m’arriver. J’étais à deux doigts de tomber. J’avais la chance d’avoir un employeur conciliant, humain, qui ne le pris pas mal et me laissa partir sans histoire. C’était juste le début du vrai cauchemar, de la descente aux enfers. Le burn-out est une vraie rupture avec soi-même. Les dix jours qui ont suivi mon départ du travail, j’ai tenté de me faire hospitaliser deux fois aux urgences, tellement j’étais dans un désarroi, un mal-être profond et brutal. Mais à chaque fois, je faisais face à de l’incompréhension de la part des médecins, car pour eux j’allais bien physiologiquement. Prise de sang, ok. Tension, ok. Je me rappelle qu’à ce moment-là, et durant les quatre premiers mois, j’étais dans le déni. Je savais que j’allais très mal, mais je n’avais pas conscience que c’était un burn-out. Je me sentais impuissant face à la situation. Il fallait que je trouve des solutions rapidement car j’allais perdre mon travail. Même au plus mal, mon travail était encore plus important que ma santé ! Mes symptômes physiques étaient très handicapants. Un épuisement profond s’était installé. Il était permanent.

Même après une longue nuit de sommeil, on se réveille le matin aussi épuisé que lorsque l’on se couche. L’épuisement est chronique. Au plus fort, il me provoque de fortes nausées, presque tous les jours et parfois plusieurs fois par jour, durant plusieurs heures, et qui vont jusqu’au vomissement. Et ça dure pendant des mois interminables. Cela touche aussi sa vie sociale. J’évitais un maximum le contact avec autrui, car être mal de cette façon-là devant ces proches, ou n’importe qui, était pour moi une source d’anxiété supplémentaire. Le cercle vicieux était installé.

« On est comme anesthésié de l’intérieur »

Les autres symptômes que j’ai pu avoir sont nombreux : des sueurs froides, des sensations hostiles au chaud, au froid, au bruit, aux odeurs, une pression cérébrale, qui ressemblait à des céphalées de tension, quasi-quotidienne [ndlr : des maux de tête particuliers], des angoisses régulières sont apparues, des soucis avec l’alimentation à cause des nausées, des problèmes de libido, une déconnexion avec ses émotions, un gros problème de concentration. Mais aussi des difficultés avec la mémoire, et deux ou trois fois des tremblements qui ressemblaient à des crises de spasmophilie. On est comme anesthésié de l’intérieur et on n’a pas le même plaisir à vivre les choses, à cause de cet état général négatif. Tous ces symptômes permanents étaient très durs à supporter.

« J’étais tellement mal que j’étais prêt à tout essayer »

À force, j’étais persuadé à ce moment-là que j’avais une maladie grave quelque part. J’ai commencé à multiplier les visites chez tous types de médecins spécialisés. J’avais peur pour ma santé et ma vie ! La première, fin août, fut une gastro-entérologue. Je lui ai expliqué ma situation dans l’ensemble, par rapport à mes nausées et vomissements répétés. Elle était à l’écoute. Elle a vu que ça n’allait pas du tout, elle a insisté pour me mettre sous antidépresseurs et anxiolytiques. J’ai eu beaucoup de mal a accepté, car je suis contre ce genre de médicaments. C’est contre ma philosophie de vie, mais ça n’engage que moi. Je me suis résigné à les prendre. J’étais tellement mal que j’étais prêt à tout essayer. J’ai suivi ce traitement seulement un mois et demi, sans aucun résultat. J’ai même perdu environ sept kilos. J’ai arrêté sans l’avis d’aucun médecin, car je sentais bien que ces psychotropes n’étaient pas la solution à mon problème. Normalement, il faut les arrêter très progressivement, car ils développent une dépendance assez forte. En France, les psychotropes sont la première solution proposée par les médecins pour les personnes en situation de burn-out. Avec du recul, je pense que ça peut être utile un certain temps pour certaines personnes comme béquille, mais ce n’est vraiment pas la solution au problème. Je pense qu’une vraie remise en question sur sa façon de vivre et de penser, avec un suivi psychologique est plus approprié.

« J’étais bien obligé de me rendre à l’évidence »

Le 6 septembre 2017, l’ouragan Irma en catégorie 5 passe en plein sur les Antilles du Nord, dévastant complètement l’île, faisant de nombreuses victimes et des dégâts gigantesques. L’ouragan faisait environ la taille de la France, si énorme que l’État de Floride décide d’évacuer plusieurs millions de personnes de ses côtes. Suite à cet épisode, je me rapatrie fin septembre en France, chez ma mère provisoirement, et toujours aussi mal à cause du burn-out. Toujours dans le déni, je multiplie les visites chez les médecins, car je veux absolument trouver une solution à mon problème. Après une gastroscopie, de multiples prises de sang, visites chez le cardiologue, l’ORL, l’allergologue, après un scanner cérébral, une échographie abdominale et encore plusieurs visites chez des généralistes, tous me disaient que tout allait bien au niveau physiologique… J’étais bien obligé de me rendre à l’évidence : plusieurs médecins m’ont parlé de burn-out, j’en ai pris conscience et c’est à partir de là, après quatre mois environ, que j’ai commencé à m’intéresser au sujet, à me documenter.

« Les personnes en burn-out ont des problèmes de sommeil en général »

J’ai constaté des similitudes fortes devant certains témoignages que j’ai pu visionner. Entre le sixième et huitième mois, j’ai eu quelques semaines de mieux. J’ai sauté sur l’occasion pour faire un peu de course à pied pendant trois jours. Une erreur terrible qui m’a coûté cher et m’a fait rechuté. J’étais cloué au lit pendant une semaine, avec à peine d’énergie pour me nourrir et faire ma toilette. Les personnes en burn-out ont des problèmes de sommeil en général. Elles deviennent insomniaques, ou comme dans mon cas dorment trop, plus de douze heures par jour, sans compter les siestes de deux heures en moyenne. Dans tous les cas, le sommeil n’est pas réparateur et instable, d’où la prise d’anxiolytique qui ne sont ni plus ni moins des somnifères pour mettre le cerveau sur off. Je n’en prends quasi jamais, c’est vraiment le dernier recours pour moi. Le 7ème mois, j’ai eu une période d’état vertigineux permanent. Un symptôme de plus qui a duré un bon mois.

« le burn-out partira aussi progressivement qu’il est apparu »

À l’heure actuel (avril 2018), certains de mes symptômes ont disparu. Il y a de bonnes améliorations, mais il en reste quand même : épuisement chronique, problèmes de concentration et de sommeil, quelques petits vertiges. Je reste vigilant à d’éventuelles rechutes, car ça reste un état instable et fragile. Avec le temps, on comprend que le burn-out partira aussi progressivement qu’il est apparu. Il faut être très patient. De toute façon, on n’a pas le choix. Chez les personnes les plus chanceuses ça ne sera que quelques semaines, d’autres quelques mois et d’autres quelques années. Je pense qu’il y a plusieurs catégories de burn-out. De “faible” pour les personnes qui ont su changer et s’arrêter à temps, “modéré” comme moi, à “grave” pour les personnes qui se font hospitaliser, qui tombent et perdent connaissance, ou qui font des tentatives de suicide, non pas parce qu’elles veulent mourir, mais parce que la souffrance au quotidien est trop grande et qu’elles veulent juste que tout ça s’arrête… Et Dieu sait que je les comprends ! On a vu ça aux infos pour France Télécom et Renault à l’époque, pour ne citer qu’eux !

« Je trouve scandaleux qu’en France il n’y ait pas de prise en charge financière pour les personnes en burn-out »

Pour conclure ce témoignage, il faut parler des solutions qui peuvent être apportées. Je trouve vraiment dommage, et même scandaleux, qu’en France, il n’y ait pas de prise en charge financière pour les personnes en burn-out, dans l’incapacité d’assumer une activité professionnelle, le temps de se reconstruire. Pendant ce temps certains grands patrons se remplissent les poches et profitent d’un système en leur faveur, qui en demandent toujours plus aux personnes.

Il est important de ne pas s’isoler dans la mesure du possible. Ne pas subir de stress et d’anxiété supplémentaires en fréquentant certaines personnes. Pour être plus clair, il faut faire en sorte de bien s’entourer pour son propre bien être. Il faut éviter au maximum tous les excitants : café, tabac, alcools, boissons gazeuses et énergisantes. Mais aussi la malbouffe en général. Limiter l’effort physique prolongé, au moins provisoirement le temps de se reconstruire et de recharger les batteries. Même si ça prend des années. Nous sommes tous d’accord pour dire que le sport est très bon pour la santé. Il peut être très utile aussi pour les personnes dépressives, mais le burn-out est une forme différente de dépression. Là, le but n’est pas d’user de l’énergie que l’on n’a pas. Il faut changer ses habitudes pour avoir une vie plus saine.

« Apprécier le moment présent est l’idéal pour se reconnecter à soi-même »

Déjà au niveau de l’alimentation, en préconisant les fruits et légumes. En nourrissant bien notre corps, ça ne pourra que lui faire du bien. Autre chose, s’intéresser à tout ce qui touche au développement personnel : yoga, sophrologie, méditation, exercice de relaxation guidé. Tout ça a pour but de s’ouvrir l’esprit, de changer notre façon d’être et de penser qui nous a mené à cette situation. Surtout, ça va permettre d’apprendre à nous connaître… Il ne faut pas hésiter aussi à sortir de chez soi, faire des balades dans la nature. Apprécier le moment présent est l’idéal pour se reconnecter à soi-même, à notre véritable nature. Tous les conseils que je transmets ici, je les applique du mieux que je peux, suivant dans quel état je suis. Il faut pratiquer ces changements avec plaisir et non pas forcer à tout prix la guérison. Car dans ce cas-là, on retourne à un rapport de force avec soi-même, qui alimente le burn-out.

David

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📣 « Bouger à un moment de notre vie pour ne pas rester autocentré sur son pays »

Originaire de Grenoble, Eve a étudié à l’Université Joseph Fourier puis en Belgique pour devenir vétérinaire. Début 2018, elle part à Montréal rejoindre son copain et découvre la vie d’expatriée au Canada. Elle a partagé par e-mail pour ses ami·e·s son ressenti sur les conditions de travail sur place et a accepté de le partager comme témoignage pour L’avertY.

Mon copain est en mission d’un an pour sa boîte. J’ai obtenu un visa de travail ouvert de conjoint de fait (le visa de la petite copine qui suit son mec). J’ai le droit d’être au Canada et d’y travailler que si mon copain y est également. Je n’ai pas accès à la sécu’, ni aux études (c’est interdit de s’y inscrire). En gros, je suis « femme de ». Là tu te sens bien immigrée, tu te prends une assurance privée de voyageur car non-résident permanent… Si j’ai besoin d’aller chez le médecin, je dois ramener 150$CAD (95€ environ) en cash uniquement. Et seulement après, j’ai le droit d’être reçue par un médecin, avec une attente bien longue. On se plaint du système médical français, mais ici, c’est bien pire. J’ai dû expliquer ce que j’avais à la toubib et lui dicter l’ordonnance.

« Y a un gros mix de tout ici »

On habite en ville, dans un quartier vraiment cool qu’on appelle « le plateau ». Point négatif : il y a plein de Français et on n’est pas venu pour ça à la base. Y a des restaurants végans de partout, toutes les épiceries ont des produits végans, sans gluten et bio. On a le quartier des artistes juste à côté et c’est plutôt fun, tu peux croiser un travelo (genre la cage aux folles), et juste après un juif en mode Rabbi Jacob, puis des gros toxicos, et juste après une rangée de Porsche cayenne. Y a un gros mix de tout ici, c’est peace & love. Puis, y a des poutines aussi, mais je crois qu’il faut un estomac qui a l’habitude de digérer le gras.

« C’est vrai qu’il y a du travail ici, mais ça ne veut pas dire qu’il soit bien payé »

J’ai trouvé du travail dans une clinique vétérinaire en tant que technicienne (officiellement, je suis aide-technicienne), c’est comme une assistante vétérinaire, mais plutôt infirmière. C’est-à-dire qu’on fait toutes les prises de sang, on pose les cathéters et on fait les anesthésies (du calcul de doses à l’intubation etc). C’est vraiment très pratique, bien plus qu’une assistante en France. Je ne fais pas le ménage, ni l’accueil ou le téléphone. C’est vrai qu’il y a du travail ici, mais ça ne veut pas dire qu’il soit bien payé. Je suis à 15$CAD (9,44€) de l’heure, soit moins que le SMIC en France (brut France à 9,88€ par heure). Ici, le salaire minimum c’est 11.5$CAD (7,24€). J’ai un weekend sur quatre de congés. Les heures supplémentaires ne sont pas mieux payées et sont obligatoires. Mon patron m’a embauché en me disant que je n’avais pas le diplôme officiel de technicienne (mon diplôme européen de vétérinaire ne vaut rien ici), et m’a dit qu’il m’augmenterait si je suis compétente. S’il tient sa parole, on est en plein dans l’American Dream : t’as pas le diplôme, je te prends quand même et si tu gères, je t’augmenterai, donc tu vas tout donner au taf. Bien sûr je suis déclarée, mais je n’ai pas de contrat. On peut se faire dégager du jour au lendemain, sans raison, et donc partir quand on veut. D’ailleurs, cette semaine, je fais un essai de technicienne dans une autre clinique qui s’occupe d’oiseaux et d’animaux exotiques. Je vais donc peut-être changer de job. C’est une opportunité qui ne se représentera peut-être pas deux fois dans ma vie. Passer l’équivalence, c’est plus d’un an d’examens et environ 10000$CAD de frais (environ 6.300€). Je vois mon expérience de technicienne plutôt comme un stage à l’étranger.

« Je croise beaucoup de Québécois qui veulent partir en France »

Instant philosophie… L’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Bien sûr, c’est cool d’avoir une expérience à l’étranger dans ces conditions, mais ça permet aussi de voir ce qui ne va pas ailleurs, de se rendre compte des avantages de son chez-soi. J’avais déjà connu ça en Belgique, mais je n’étais qu’étudiante et pas dans la vie active. Ici, je croise beaucoup de Québécois qui veulent partir en France. En fait, je crois qu’on a tous besoin de bouger à un moment de notre vie pour ne pas rester autocentré sur son pays et sa manière de vivre. Et c’est très bien. Mais beaucoup déchantent, ça permet aussi de se rendre compte de ce à quoi on aspire comme situation et surtout à ce qu’on ne veut pas. Regardez combien je suis payée… si je n’avais pas le sponsor de mon copain, je ne l’aurais sûrement jamais fait. Les vétérinaires trouvent, ici aussi, qu’ils ne sont pas assez payés pour le travail fourni et veulent des conditions de vie plus agréables, alors qu’elles sont bien meilleures que les nôtres en France. Mais c’est humain de toujours vouloir mieux. Il y a certains cas où clairement, je conseillerai d’y aller. Par exemple, la tolérance pour les couples gays ou les trans dans la rue, ça n’a juste rien à voir.

Eve L.

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