Suite au vote du 1er et 2 mai, vous avez élu le sujet à 59% “L’union de la gauche aux législatives, acceptée localement ?”.
L’avertY a choisi d’interviewer Julien Ailloud, 34 ans, chef de file La France Insoumise (LFI) de la 5ème circonscription, qui s’est désisté pour un candidat Europe Écologie Les Verts (EELV). Il est aussi co-animateur du groupe thématique égalité Femme-Homme de son parti. L’interview a été réalisée en direct sur Twitch le jeudi 2 juin.
Commençons par le début. Quelle est ton histoire personnelle qui t’a amené à t’engager en politique, particulièrement pour La France Insoumise ?
Il y a un point de départ que je prends assez souvent : les attentats de Charlie Hebdo en 2015. Ça a été un moment assez fondateur pour moi, c’est un moment où je me suis dit qu’il fallait que j’agisse politiquement. J’ai été très touché par cette attaque, comme des millions de Français bien évidemment. Mais le fait de perdre sa vie pour exprimer ses idées m’a beaucoup touché. Rétrospectivement ça peut être drôle quand on sait les attaques que Charlie Hebdo peut mener contre Mélenchon et La France Insoumise, mais bon passons, c’est une autre histoire.
J’ai commencé à rentrer en contact avec des gens du PG (Parti de Gauche) à l’époque, de Jean-Luc Mélenchon, qui me semblait être l’organisation politique la plus proche de ce que je pensais et de ce que j’avais envie de faire partager, d’expliquer aux gens. Bref, de faire avancer les idées. J’avais déjà voté pour Mélenchon en 2012, donc c’était assez logique dans mon cheminement. Et puis j’ai échangé avec quelques personnes du PG. On était d’accord sur les constats, mais je n’ai pas senti une envie plus que ça d’être intégré et d’intégrer le mouvement politique localement. Le PG Grenoble principalement.
Un peu de temps est passé et après ça, en 2017, Mélenchon a lancé sa campagne. En février 2016 pour 2017. Je l’ai suivi de très très près, je savais déjà très longtemps à l’avance que j’allais revoter Mélenchon en 2017. Et en février 2017, il y a eu sur le campus de Grenoble – parce que j’étais doctorant à la fac à ce moment-là – une soirée avec les représentants des candidats, les gros candidats, quatre ou cinq plus gros, qui faisaient un débat ensemble dans l’amphithéâtre du bâtiment Pierre Mendès France. Il y avait vraiment beaucoup de monde, 500 personnes à-peu-près.
Je crois que j’y étais, c’est moi qui animait ça.
Ah bah c’est pas impossible rétrospectivement. Il y avait Amin Ben Ali qui était le représentant, si tu te souviens, de Jean-Luc Mélenchon dans ce débat. C’était un peu un déclic, j’ai envoyé un message sur la page Facebook des Jeunes insoumis. Même si je n’étais plus très très jeune, toujours suffisamment à mon avis pour y participer puisque j’ai été accepté dans le groupe. Je suis rentré dans le groupe en février 2017. J’ai milité pour la présidentielle pour Jean-Luc Mélenchon. Ensuite, il y a eu la grosse déception… mais que j’ai un peu surmonté en faisant les législatives sur la 3ème circonscription de l’Isère. On avait Raphaël Briot comme candidat. On est arrivé au deuxième tour face à Émilie Chalas, même si après on a perdu.
L’année suivante 2017-2018, il y a eu la loi ORE de sélection à l’Université, avec la mise en place de Parcoursup. J’étais toujours dans le groupe des Jeunes insoumis. J’ai pris la co-animation du groupe en avril, je crois. Je me suis progressivement de plus en plus investi dans le militantisme local principalement. Et parallèlement à ça, nationalement avec le livret égalité femmes-hommes où j’ai été recruté, on va dire, par la co-animatrice de l’époque parce que je faisais une thèse sur l’égalité de genre en politique. Donc il y avait un lien direct avec cette thématique.
Pour résumer, ce sont surtout les débats en 2017 autour de la présidentielle qui t’ont amené à plus t’engager.
Clairement. C’est ce qui m’a mis le pied à l’étrier. Oui, oui. Après j’ai fait les européennes, j’ai fait les municipales à Tullins, les départementales, et les régionales, où j’étais candidat [NDLR : sur la liste de Cécile Cukierman].
Les municipales à Tullins, avec Amin Ben Ali.
Tout à fait. J’étais son directeur de campagne. C’est toujours un camarade très proche.
Tu étais investi, comme on dit “chef de file” dans la 5ème circonscription de l’Isère pour La France Insoumise. Depuis quand c’était prévu comme ça ?
Je suis arrivé sur la 5ème circonscription depuis 2020. J’ai refait un groupe d’action, d’insoumis, pour militer pour la présidentielle, etc. Et on a eu une assemblée de circonscription en décembre 2021, pour choisir entre nous ce qu’on appelle les chefs de file. Un binôme paritaire.
Ça fait bien 6 mois.
Localement j’étais investi par mes camarades qui étaient d’accord avec ma candidature au mois de décembre et le temps que le national valide tout, c’était au mois de janvier ou février.
Tout était déjà prévu, planifié. À ce moment-là, il n’y avait pas d’histoires de négociations nationales ?
Non, pas à ma connaissance. Il y avait des discussions, mais bien souvent c’était pour se renvoyer au calendrier d’après les présidentielles étant donné qu’on voyait que les présidentielles déterminent pour beaucoup le jeu des législatives.
Je te pose tout de suite cette question de Matteo dans le chat. Il te demande “Est-ce que ton diplôme de doctorat a été utile pour ta carrière politique pour quelles que raisons que ce soit ?” Tu disais qu’on était venu te chercher sur la thématique égalité femmes-hommes en rapport avec ta thèse…
Tout à fait. Je pense que ça m’a été utile vis-à-vis de plusieurs aspects. Déjà clairement, comme on vient de le souligner, j’ai fait une thèse qui portait sur la vision qu’ont les citoyens sur les femmes politiques. C’est un sujet évidemment primordial, a fortiori à gauche. Et il y avait besoin d’un certain nombre de connaissances pour faire avancer ce sujet de notre programme qui s’appelle L’avenir en commun. On travaillait beaucoup sur quelles propositions sont à mettre dans le programme. On a fait des communiqués de presse. On a organisé des soirées, pour justement que les femmes prennent aussi la parole. Parce que ça aussi c’est une question souvent délicate en politique où le milieu est très masculin. Parfois même, il faut mettre en place des mécanismes pour que les femmes puissent émerger en politique. C’est un peu notre rôle.
À propos de mon diplôme. On ne va pas se mentir, chez les Jeunes insoumis à Grenoble, par exemple, il y avait beaucoup d’étudiants. On est dans une classe sociale particulière, privilégiée en tout cas en termes de diplôme. J’ai donné des cours à l’université aussi à côté. Et pour la prise de parole, il est clair qu’avoir un diplôme où tu as exercé en tant qu’enseignant, ça aide beaucoup en politique. C’est un art oratoire par défaut. Avec peut-être aussi le tribunal où la parole est très très importante, dans la manière de s’exprimer.
Il y aussi l’aspect réseau parce qu’il y a l’Université, les syndicats étudiants, les syndicats d’enseignants, qui sont pour certains assez ancrés à gauche. Ça permet aussi de se faire des connaissances dans le milieu local universitaire. C’est ta situation d’étudiants qui t’amène à interagir avec des gens qui ont déjà beaucoup de connaissances politiques. Il y a des gens de Sciences Po évidemment, mais aussi d’autres cursus, qui ont un certain background politique.
On parle un peu de ton parcours, c’est bien de savoir qui parle. Ça donne plus d’informations après sur ce que tu proposes comme vision politique.
Tu as été investi au sein de ton parti LFI fin décembre, validé début 2022 au niveau national. Puis a eu lieu la présidentielle. Et ensuite ces négociations au national de la Nupes, Nouvelle union populaire écologique et sociale, qui regroupe la plupart des partis de gauche. Il y a eu toute une semaine, presque deux semaines, de négociations. Comment as- tu vécu au niveau local, suivi tout ça, ce rassemblement de la gauche ? Comment tu l’as senti ?
Comme tu disais, il y a eu des négociations. Pendant 13 jours en tout. Il y a eu très peu de choses qui ont filtré au niveau des militants dans cette période, y compris des militants qui étaient chefs de file. J’ai vu sur les réseaux sociaux les circonscriptions qui étaient mises dans la balance par EELV durant les négociations. C’est là que j’ai vu celle où j’avais été investi chef de file. C’est comme ça que j’ai vu que cette circonscription était demandée. Même si auparavant j’avais lu un article sur Le Dauphiné-Libéré qui expliquait que EELV avait déjà investi ses candidats et considérait que les circos 3 et 5 étaient celles les plus gagnables pour le parti. Un article d’Eve Moulinier.
Ta circonscription était déjà en vue d’EELV.
Tout à fait, déjà avant les négociations. Je vais faire un petit retour en arrière. Au lendemain de la présidentielle 2022, on a fait 22% quasiment avec Mélenchon. Il était évident qu’il fallait construire quelque chose de plus grand que nous. Et c’est faire insulte à personne de dire qu’on était au moins la force motrice – on va dire – de ce qu’allait être le futur rassemblement. Moi je suis absolument ravi que nationalement on soit arrivé à un tel accord. Parce que c’est ce qu’il fallait pour avoir une chance d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale. C’est quand même notre but in fine.
Tu avais vécu 2017, il n’y avait pas eu ce genre de chose.
Tout à fait. Par exemple, sur la circonscription 3, il y avait un candidat du PS, un candidat PCF, un candidat EELV, plus un candidat Insoumis. Donc 4 candidats.
Ce qui a créé notamment, combiné à un faible taux de participation, des éliminations assez franches. Notamment sur la circonscription n°2, il y avait Taha Bouhafs qui finit 3ème derrière le Front National, Alexis Jolly.
Et David Queiros [NDLR : maire de Saint-Martin-d’Hères], qui était 4ème si je me souviens bien.
Il y avait une division évidente des forces de gauche. On va voir que cette fois il y a un rassemblement “quasiment” parfait. On va en parler juste après. Pour continuer sur cette union de la gauche, on a l’impression que tu le prends avec prudence, dans la façon dont tu le dis. Est-ce que c’était un moment joyeux ou enfin quelque chose de naturel. Il a fallu se dire, c’est pas moi le candidat, tu t’es projeté pendant 6 mois là-dessus et j’imagine que tu t’es préparé. Donc je repose un peu la question, mais le fait de devoir se désister, comment ça se passe dans ta tête ?
Tu as utilisé les bons termes. J’étais vraiment préparé depuis plusieurs mois. Je m’étais projeté. J’ai commencé à réfléchir. J’avais un directeur de campagne, c’était quasiment fait, un mandataire financier. C’est des trucs très concrets pour être candidat. Comment financer la campagne, des choses comme ça. Je m’étais déjà beaucoup penché là-dessus.
Le soir du 1er mai où l’accord s’est fait avec EELV, j’ai reçu un appel à minuit et quart, du national de La france insoumise pour me dire “Voilà, je préfère t’appeler avant que tu l’apprennes sur les réseaux sociaux ou dans la presse, mais ta circonscription va être allouée à EELV. Donc tu ne sera pas candidats pour nous. Mais tu restes chef de file de LFI pour répondre aux sollicitations médiatiques dans ce cadre”.
Je ne veux pas cacher qu’effectivement la déception était grande ! Pour moi à titre personnel. Comme dit auparavant, je m’étais préparé et mis dans la tête que je serai candidat. Après, il faut faire la part des choses. Cette déception personnelle, qui a prévalu pendant quelques jours, je l’ai dépassé. Il y a deux choses. L’aspect programmatique : sur le fond ça semblait très prometteur, ce qui avait été décidé dans l’accord. Après, les personnes. J’étais ravi que l’accord se fasse pour des raisons programmatiques et mettre dans la balance un programme ambitieux. Les personnes, ça ne serait pas moi, mais c’est important in fine qu’on arrive à appliquer le programme qu’on met en avant. Ça a été difficile, mais ça ne m’empêche pas de faire campagne pour Jérémie Iordanoff sur la circonscription 5.
Jérémie Iordanoff, qui est Secrétaire national adjoint EELV. Est-ce que tu le connaissais avant cet accord ?
Non pas du tout. J’avais juste vu quelques-uns de ces tweets.
Comment ça s’est passé ? Vous vous êtes rencontrés ?
J’ai fait un communiqué, quelques jours après l’acceptation du programme commun par les partis, pour dire que je suis toujours le représentant de l’Union populaire sur la circo et que j’aimerais bien qu’on échange entre nous pour voir comment on s’organise pour la campagne. À ce moment-là, Jérémie m’a contacté, on s’est appelé. On s’est dit les choses, qui n’ont pas à être sur le débat public, mais aussi des choses de fond. Des sujets qu’on penserait important d’aborder. Une des premières choses qu’on a faite, c’était la rencontre entre Jérémie, le candidat de la Nupes de toute la circonscription, et les militants France insoumise – Union populaire qui ne le connaissait pas forcément. Qui devaient eux aussi se dire “Ben voilà, on avait un candidat pressenti auparavant. On change”. Il faut aussi refaire du lien avec ce nouveau candidat. Échanger, voir comment il est. Ça a été aussi un petit chamboulement pour tous les militants de la circo pour LFI.
C’est ça qui est intéressant à voir avec toi sur cette interview, c’est concrètement sur le terrain, comment ça se passe : est-ce qu’il y a des mélanges de bénévoles ? Est-ce qu’il y a une organisation qui se complète ? Quelle répartition des tâches ? Est-ce que tu peux nous raconter la campagne ?
On a commencé par une réunion où étaient invités tous les militants des partis de la Nupes de la circonscription. Jérémie s’est présenté, ainsi que sa suppléante [Marie Questiaux]. Puis on a fait des ateliers pour échanger sur les points programmatiques qu’on aimerait mettre en avant, la manière de communiquer qu’on voudrait utiliser. Et puis la question importante c’est celle de la gouvernance, comment on mène cette campagne avec plusieurs partis derrière un seul candidat. C’est quelque chose de nouveau, on apprend en marchant quoi ! On tâtonne un peu, on essaye des trucs. On a une boucle de coordination sur une messagerie où on a un représentant par parti, plus Jérémie, sa suppléante, et son directeur de campagne. Du coup quand on a des choses à se dire, on parle là-dessus. Quand on a besoin de caler des réunions importantes, on cale des réunions.
On a des boucles qui sont plus larges avec tous les militants de circonscription, qui sont mélangés, que ce soit EELV, PCF, PS, France insoumise, Génération·s. Pour les actions très concrètes, j’ai déjà fait des tractages avec des gens d’EELV, par exemple. On se concerte pour s’organiser aussi. Le risque c’était de s’organiser en silos et que certaines zones soient faites plusieurs fois. Où qu’on se dise “tiens aujourd’hui on est arrivé en même temps que les camarades du PS”, alors qu’on ne s’était pas concerté avant. C’est un peu dommage d’être au même moment alors qu’on aurait pu faire d’autres zones. C’est aussi des questions, des problèmes comme ça qu’il fallait résoudre.
Est-ce qu’il y a un petit vent de fraîcheur, est-ce qu’il y a des nouveaux militants qui sont apparus ou ce ne sont que les militant·e·s du circuit local habituel ? Et toi, est-ce que tu as découvert de nouveaux militant·e·s ?
J’ai découvert à la fois des nouveaux militants France insoumise – Union populaire, des gens qui ont été motivés par la création de la Nupes et du programme commun. Qui se sont dit Macron a été réélu mais ce n’est pas terminé. Mélenchon peut toujours être premier ministre. Il y a le troisième tour. Du coup j’ai envie de m’investir maintenant. On a des arrivées de militants au sein de notre plateforme qui s’appelle Action populaire. Ce qui est vraiment bien. Ça fait un deuxième vent de fraîcheur après les arrivées des nouveaux et nouvelles militantes de la présidentielle de 2022.
J’ai rencontré depuis un gros mois plein de gens que je connaissais soit sur les réseaux, soit pas du tout, d’autres partis. Parce qu’on se mélange beaucoup plus qu’auparavant. C’est intéressant. Il faut que ça se fasse en bonne intelligence. C’est-à-dire qu’on a des divergences sur certains points. Ça a été un sujet de conversation assez long au moment où on s’est tous rassemblés entre militants. Il faut arriver à échanger de manière assez fine, pour ne pas se heurter les uns, les autres, sur des divergences qu’on peut avoir de fond. Et qui sont quand même fondamentales. Mais à titre personnel et à titre inter-individuel, c’est très enrichissant de rencontrer de nouvelles personnes.
Je voulais revenir sur une question : toi Julien tu habites où ?
J’habite à Pontcharra.
Donc qui fait partie de la circonscription, le plus au Nord-Est. Il y a encore des communes à l’Est de Pontcharra ?
Ouais. Je suis à la bordure avec la Savoie.
La question qui est posée dans le chat, c’est Jérémie Iordanoff, lui il habite où ? Est-ce que c’est un parachuté ? Et la question est complétée par “n’est-ce pas une mauvaise stratégie compte tenu de l’attachement des électeurs au côté local des candidats” ?
De ce que je sais, Jérémie – encore une fois je ne le connaissais pas avant – a un attachement à la commune de Saint-Martin-d’Uriage. Je crois qu’il y a grandi, si je ne dis pas de bêtise, et qu’il a toujours un terrain ou un potager. Je ne sais plus exactement. Donc il a toujours un attachement là-bas. Il a beaucoup voyagé. Il a été à Montpellier, il a voyagé en Europe. Il a beaucoup bourlingué quoi.
En Isère, j’ai regardé les potentiels dissidents pour la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale), regroupant le Parti socialiste, le Parti communiste, Europe écologie les verts, Génération·s et La france insoumise, leader du rassemblement.
On sort un peu de la circonscription n°5. On a sur la deuxième circonscription la candidature de Jérôme Rubès, candidat communiste élu à Saint-Martin-d’Hères, dissident de son propre parti. Candidature qui n’est pas cautionnée par son maire David Queiros. C’est une candidature surprise. Tu l’as su quand et quelle est ton analyse de ça ?
Je l’ai su au moment du dépôt des candidatures. C’est un camarade de Domène qui m’en avait parlé.
Tu le connais personnellement ?
Non, pas du tout. Pour moi c’est vraiment dommage qu’on arrive à avoir des candidatures dissidentes alors qu’on a fait beaucoup d’efforts, de négociations, de travail sur le programme. Je ne comprends pas l’intérêt d’une telle candidature alors qu’on est enfin arrivés à faire ce que tout le monde appelait de ses vœux depuis si longtemps : l’union de la gauche. En tout cas d’une très large partie de la gauche.
Dans le communiqué de presse “lettre ouverte de Jérôme Rubès et Diana Kdouh”, qui se sont lancés, un premier tacle est pour Macron, un deuxième tacle à l’extrême droite, et ensuite :
On dirait un communiqué de Lutte ouvrière, pardon. Le discours de Lutte ouvrière. Ils ont tout à fait le droit de penser ça. Mais je suis assez surpris d’une telle prise de position qui émane de quelqu’un du Parti communiste. Sachant que le Parti communiste est devenu réformiste depuis au moins 30 ans. Ça me laisse un petit peu sceptique comme argumentaires.
Ça t’a fait un peu sourire, rigoler, quand même.
Forcément. C’est surtout le coup des bombardements en Libye. Pardon mais c’est vraiment utiliser la petite polémique, assez basse et assez vaine, qui émane bien souvent soit des macronistes, soit de l’extrême-droite pour tacler Mélenchon. Évidemment que Mélenchon ne soutient pas les bombardements de civils. Je ne sais pas dans quel monde on pourrait se dire que Mélenchon aime qu’on tue des gens gratuitement parce que ce sont des civils. Je ne sais pas encore s’il y a des gens qui sont dupes de ce genre de discours. Mais j’imagine que s’il se présente c’est qu’il imagine lui que c’est le cas.
Cette dissidence là de Jérôme Rubès est très nette. À part ça, j’ai pu noter sur l’autre partie de l’échiquier politique de la Nupes, la candidature de Stéphane Gemmani dans la circonscription n°3, qui est apparenté socialiste. Il est élu socialiste aux régionales.
Ta réaction ?
Pareil, ça m’a un peu amusé. Il y a plusieurs choses à dire. Stéphane Gemmani a été candidat à toutes les candidatures, à peu près, depuis un bon moment maintenant. Il a essayé de faire des alliances parfois avec la droite, avec Matthieu Chamussy pour les municipales 2020. Ce n’est pas le plus intéressant sa personne, ce qui est plus intéressant c’est son positionnement politique. Il est sur le même créneau que les éléphants du PS qui ne veulent pas de la Nupes. Il considère qu’on est trop à gauche pour eux. C’est ça le nœud du problème. Et ils enrobent ça sous des termes comme quoi ce serait la gauche “républicaine”, toujours avec des guillemets. Car je ne sais pas en quoi, nous, nous ne serions pas républicains. Si quelqu’un arrive à me le démontrer, je suis preneur. Ils mettent ça en avant, comme s’il voulait montrer que par opposition, eux ce sont des républicains. Un peu de la même manière que la circonscription 2, je ne comprends pas le positionnement de ces gens qui sont bien souvent des apparatchiks de partis, de micro-partis qui vont probablement faire des micro-scores aux élections législatives.
En 2017, Michel Destot s’est présenté sur la circonscription n°3 une dernière fois. Il avait fait 10%. On est aussi avec cette tendance au niveau national où il y a quelques dissidences socialistes, qui ne sont pas d’accord avec le choix du parti d’Olivier Faure., J’imagine que Stéphane Gemmani s’intègre dans ces dissidences-là. C’est peut-être comme ça qu’on peut analyser son positionnement. Comme François Hollande qui va être critique sur cette alliance.
Je pense qu’il se dit qu’il y a un créneau à prendre. Mais voir que Destot fait 10% en 2017, que Hamon a fait 6% à la présidentielle. Là Hidalgo a fait 2% en 2022. Donc je ne pense pas que leur score soit faramineux aux législatives. Tout en répétant que nationalement le PS a signé l’accord pour faire partie de la Nupes. Donc ce sont des candidatures dissidentes de ce point de vue là. Ils visent objectivement à faire perdre la gauche. En tout cas, la majorité des partis de gauche qui pèsent dans le débat politique depuis des années. Je trouve ça vraiment dommage ces candidatures. On nous bassine depuis tant d’années avec l’union de la gauche et quand on arrive enfin à faire l’union, là y a toujours des dissidents qui arrivent à se pointer. Soit pour leur petite gloriole personnelle, soit pour faire valoir des idées qui ne sont plus de gauche depuis très longtemps. D’ailleurs sur la 5, on a Frédéric Vergez, qui est du MRC (Mouvement républicain et citoyen) et sur le même créneau. Ce sont des profils qui se répliquent.
On va revenir sur ta circonscription n°5.
Il y a donc 11 candidatures : Florence JAY pour Macron, Christine Tulipe pour Lutte Ouvrière, Nathalie Heller pour le Parti Animaliste, Jérôme Santana pour Le Pen, Jérémie Iordanoff le candidat Nupes, Quentin Feres pour Zemmour, Frédéric Rosset pour le Mouvement hommes animaux nature, Françoise Lecroq pour le Parti ouvrier démocratique indépendant, Frédéric Vergez pour Gauche républicaine, et des sans étiquette, Fabienne-Claire Leal et Anna Kolmakova.
Malgré une fusion de plusieurs partis, on a pas mal de petits candidats. Qu’en penses-tu du nombre ?
Ça ne me choque pas plus que ça, c’est assez courant aux législatives étant donné qu’il n’y a pas la barrière des 500 signatures, comme à la présidentielle. À peu près n’importe qui qui arrive à trouver un suppléant, une suppléante peut se présenter. Tout en sachant que tu es remboursé de tes frais que si tu fais plus de 5%. Si tu n’engages pas beaucoup de frais, tu peux être candidat assez facilement aux législatives. Ça peut permettre de faire connaître des partis ou des causes localement, ça peut être une tribune. Donc je comprends qu’il puisse y avoir autant de candidats. On notera quand même qu’au niveau de la gauche ça s’est beaucoup resserré par rapport à 2017. Il y a beaucoup moins de candidatures, ce qui est normal avec la Nupes.
À noter sur cette circonscription qu’il n’y a pas de candidat LR. Catherine Kamowski, députée sortante LREM, n’a pas pu se présenter suite à un désistement de son suppléant dans les dernières 48h de dépôt de candidatures. Elle a fait un communiqué pour dire qu’elle arrêtait la politique à 64 ans, qu’elle se l’autorisait. On a donc un bloc libéral rassemblé autour de Florence Jay, a priori. Est-ce que d’après toi le président a quand même réussi à rassembler par la force des choses, notamment par rapport à ces pressions autour de Catherine Kamowski ?
Depuis 2017, Macron a donné tellement de gages à la droite qu’il a fini par en absorber une bonne partie. Fatalement, ça a amené Valérie Pécresse à faire moins de 5% à la présidentielle. Et à partir de ce moment-là, que tu dois lancer une législative derrière, c’est à la fois plus compliqué de trouver des candidats qui vont aller au casse-pipe, se prendre des tôles. Et surtout les candidats qui accepteraient de mettre de l’argent personnel sur le tapis sans être sûr d’être remboursé, si on considère qu’il y a une projection possible du score de Pécresse du national. Évidemment, ça dépend des circonscriptions. Mais sachant qu’elle a fait moins de 5% qui est le seuil pour être remboursé aux législatives, je pense qu’il y a des candidats qui se disent “c’est trop risqué d’y aller”. Le revers de ça, c’est qu’il y a des candidats qui disent je passe mon tour pour cette fois parce que je n’ai pas envie d’être associé à un probable échec des Républicains.
Sur le cas de Catherine Kamowski. J’ai une petite anecdote rapide. Je l’ai croisé une ou deux semaines avant le premier tour de la présidentielle. Elle faisait le marché à Pontcharra. Je lui avais demandé si elle allait se représenter, elle a dit qu’elle allait soumettre sa candidature au bureau national et que si sa candidature était retoquée au national, qu’elle partirait à la retraite. Emmanuel Macron veut mettre la retraite à 65 ans, elle a quand même de la chance de pouvoir partir tout de suite à la retraite. Passons. Elle a finalement essayé d’être candidate. Elle l’a dit à plusieurs reprises, sur ces propres deniers. De force plutôt que de grès, elle a pris sa retraite sans avoir essayé d’être candidate. Quand elle m’a dit qu’elle ne serait pas candidate, elle a essayé de forcer le chemin pour l’être. Bref, son cas appartient au passé.
Je pense que la présidentielle a mis à jour les trois pôles qui sont principaux en France : la droite libérale représentée par En marche, Renaissance maintenant, l’extrême-droite, et puis y a nous la gauche progressiste. On est maintenant dans un système tripartite en France. C’est un chamboulement total par rapport à ce qu’on a connu en 2017, c’est sûr.
Qu’est-ce que tu peux nous dire sur la géographie de la circonscription n°5 ?
La 5 a une forme vraiment particulière, je crois que c’est une des circonscriptions où il y a le plus d’habitants dans le département, malgré le fait qu’il y ait aussi Grenoble (sur la 1 et 3). C’est une circonscription très diversifiée. Il y a de tout. Des villes de l’agglomération grenobloise, donc un côté très urbain. Il y a un côté vraiment montagnard, côté Chartreuse et côté Belledonne. Puis, le côté péri-urbain, Pontcharra, etc. Et puis la Valdaine aussi. C’est vraiment diversifié comme circonscription.
Un petit mot de la fin ?
Que dire de plus ? N’oubliez pas d’aller voter les 12 et 19 juin prochain. Moi j’irais voter, ça c’est sûr. Vous êtes libre de voter pour qui vous voulez, bien évidemment, mais c’est important qu’on fasse baisser le plus possible l’abstention. Je trouve ça toujours important.
Interview réalisée en direct sur Twitch par Ludovic Chataing.
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