L’avertY a suivi plusieurs actions citoyennes concernant la pollution de l’Isère suite au vote du sujet mensuel “Eaux troubles” (48% des suffrages le 1er septembre). Un reportage qui met en valeur de belles initiatives et qui donne à réfléchir sur la qualité des eaux de nos rivières. Comme ces citoyen·ne·s n’attendez pas pour passer à l’action en prenant un abonnement de soutien chez votre média participatif grenoblois. #Objectif100
Quel est le rapport entre un siège auto, une poussette, une machine à laver, un vélo, une mobylette et une clarinette ? Réponse : ce sont tous des macro-déchets aperçus dans ou au bord de l’Isère. Certains ont pu être extraits lors de l’opération nettoyage des berges organisée par l’Union de Quartier Île Verte, samedi 14 septembre. D’autres macro-déchets n’ont fait que passer devant les yeux des kayakistes, comme Benjamin, participant à l’opération ce jour-là. Sur la clarinette, il lance cette blague sur un ton doux-amer, “la clarinette n’était pas entière, sinon je l’aurais gardé pour en jouer. C’est l’objet le plus insolite que j’aie pu voir”. Il est venu prêter main forte avec deux autres personnes, tous membres du club Grenoble Alpes Canoë Kayak, ainsi que deux bateaux pour rapatrier les gros déchets par voie fluviale. Le “C2” peut embarquer deux personnes et permettre de récupérer des objets lourds. L’un dirige pendant que l’autre ramasse ce qu’il trouve.
Au même moment, sous le pont qui relie Grenoble à La Tronche, un groupe s’entête à sortir, avec beaucoup de difficulté, un siège auto embourbé dans la vase. Il faut s’y mettre à quatre, cinq ou six ! Les habitants creusent, ou font levier avec pelles et pioches. Une fois le “trésor” déterré, il rejoint le tas de gros déchets à côté de la piste cyclable où un triporteur prend le relais jusqu’à une grande benne. Celle-ci est fournie par la Métro pour l’occasion.
Plus tôt, un groupe rapportait avoir découvert une poussette embourbée à 80% et avait déclaré forfait pour cette fois-ci. “C’est la limite de l’action citoyenne, acquiesce Anne Tourmen, organisatrice de cette deuxième édition, on n’a pas de grue, on n’a pas de palan.” Habitante et élue à Saint-Martin-le-Vinoux, elle note cependant une progression avec l’édition de l’année dernière. “La bonne nouvelle c’est qu’il y a beaucoup moins de déchets sur le chemin de Halage, ça va dans le bon sens de prises de conscience du citoyen lambda.” Ce sont des plus petits déchets dits “du quotidien” : mégots, canettes, bouteilles. Preuve en est, le groupe qui est partie sur place a pu revenir plus rapidement pour nettoyer un autre secteur. Cette donnée couplée à la participation en hausse (une quarantaine de participant·e·s, contre trente en 2018) permet à Anne Tourmen d’être optimiste sur la suite, “je crois que là on travaille pour les générations futures. On a tous l’impression d’être utiles.”
Les enfants sont aussi de la partie. Les parents en profitent pour faire une balade du samedi matin en prenant le temps de les sensibiliser à la pollution. Stéphanie, habitante du quartier Île Verte a fait le déplacement avec ses trois enfants de 5 ans, 3 ans et 1 an (en poussette). Pour elle, “c’est un projet éducatif intéressant pour que nos enfants deviennent plus sensibles au fait de ne pas polluer”. Au cours de l’interview, ses deux filles aînées sont à la recherche de petits objets avec des pinces en plastiques.
– “Maman, maman !”
– “T’as trouvé un mégot ?”
– “J’ai trouvé plein de mégots.”
– “Il faut que tu ailles voir quelqu’un qui a un sac poubelle.”
Cette opération citoyenne de “surveiller les berges chaque année est une très bonne chose”, explique Stéphanie, “ça va porter ses fruits à long terme”. Tout en précisant que “c’est un travail de fourmi” et que chaque acteur doit faire sa part. Le sentiment de citoyenneté prime : “c’est humain de donner un coup de main citoyen”.
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Armelle est aussi venue en famille, avec Noah, 9 ans. Tronchoise, elle a l’habitude du Quai Jongkind et s’y promène depuis la naissance de son fils. Elle trouve que cette action est aussi “un moment à partager plutôt sympa” avec les autres Grenoblois, Meylanais et Vinoix. Quant à Noah, il est très enthousiaste pour cette opération.
“Hier, j’ai fait de la science, on a parlé du tri. Mon papa est très écolo, il ramasse les déchets dans la rue”. — Noah, 9 ans.
Un peu plus près de l’eau
Autre lieu, même rivière, Quai Perrière. L’inauguration du projet du budget participatif 2017 “Un pas vers l’eau” bat son plein. L’espace en contrebas de la route a été aménagé avec des mobiliers en bois pour permettre de s’allonger au bord de l’Isère et de profiter de la fraîcheur du lieu. Les barrières qui décourageaient à s’installer sur les gradins en pierre ne sont plus, et le tout-venant peut désormais se rapprocher de l’eau.
Début septembre, l’Isère est au plus bas. Plusieurs déchets sont visibles sur la plage de Grenoble, essentiellement des bouteilles en verre. Thierry Closquinet est là avec trois acolytes du club Aviron Grenoblois, Ondra, Arya et Justine. Tous s’apprêtent à faire une petite démonstration pour la fête. Mais avant ça, une opération nettoyage de la plage s’improvise. “Quand je vois ça, j’arrive pas à me retenir”, témoigne Thierry. Ramasser les déchets est devenu une habitude, “à vélo je ramasse des canettes tous les jours”. Il va même signaler à la mairie des espaces pollués, comme à la bastille. Sur ce cas-là, la mairie avait répondu par mail qu’il s’agissait d’un chemin privé, en dehors de leur champ d’action.
En termes de solutions, il imagine des panneaux éducatifs pour sensibiliser les passants à ne pas jeter dans l’eau, mais bien dans les poubelles, présentes à quelques dizaines de mètres seulement. C’était d’ailleurs une dimension du projet “Un pas vers l’eau”, installer des poubelles pour éviter toute pollution. Lors de l’inauguration, quelques poubelles sont accrochées aux barrières mais encore éloignées des gradins en pierre. Hélène, une citoyenne à l’initiative du projet, avait imaginé des dessins de pas au sol pour guider plus facilement vers les poubelles. Les porteurs de projet n’ont pas su dire pourquoi ça n’avait finalement pas été mis en place.
Qui doit s’occuper des déchets dans l’eau ?
Ondra du club Aviron Grenoblois témoignait avoir vu deux carcasses de voiture entre le pont d’Oxford et celui du train à l’occasion d’un lâcher de barrage. Dans ces moments-là, l’eau baisse drastiquement un cours instant. Ces déchets qui dorment dans l’Isère ne peuvent être enlevés simplement par les citoyens. Certaines vidéos montrent tout de même des pêches à l’aimant qui permettent de ressortir des gros objets de l’eau.
En France, la législation passe par les SDAGE (Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux) qui permettent l’entretien des rivières. Il y en a dans chaque région, puis localement des SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et aussi des contrats de rivières. C’est la préfecture (l’État) qui établit les arrêtés pour chaque rivière. Pour mieux comprendre, voici une vidéo pédagogique sur la politique de l’eau en France.
Par ailleurs, la qualité des eaux des rivières est observée et évaluée. On observe ainsi un état écologique et un état chimique pour chaque masse d’eau. Sur les 44 masses d’eaux présentes dans un rayon de 20 km autour de Grenoble, 38 sont en bon état chimique en 2009 et 40 en 2015. Pour l’état écologique la tendance est presque stable, avec une légère dégradation pour cet échantillon. Cela s’observe par une dégradation progressive de la notation des masses d’eaux. Celles notées “très bon” (3 en 2009, 1 seule en 2015) deviennent “bon”, tandis qu’il y a plus de masses d’eaux notées “médiocre” (1 en 2009, 4 en 2015). La majorité des masses d’eaux sont tout de même en état écologique “bon” (23 en 2009, 24 en 2015), ce qui permet d’obtenir une proportion de masse d’eaux en bon état au dessus de la moyenne nationale (56,8 %, contre 44,8 % sur les 10 706 masses en France).
Plus particulièrement, le Drac a réussi à obtenir un état chimique bon en 2015, mais pas l’Isère, qui fait partie des quelques masses d’eau encore en mauvais état chimique. Sur l’état écologique, il y a une bonne progression positive sur la période 2009–2015 (voir légende).
Les macro-déchets dans les rivières restent tout de même “un problème au quotidien quand on navigue sur l’Isère avec des classes de jeunes” termine Benjamin (le découvreur de clarinette). Il ne note pas d’amélioration d’une année sur l’autre, même s’il concède que “les poubelles, on en trouve presque un peu moins en ce moment”. Les barres en métal peuvent aussi blesser ou endommager les embarcations lorsqu’elles sont bloquées dans la vase.
Le 21 septembre dernier a eu lieu la journée mondiale de nettoyage (World Clean Up) avec sept actions organisées sur l’agglomération. Des citoyennes et citoyens n’attendent pas pour agir et ramasser des déchets, alors laissons leur le mot de la fin.
“Venez nombreux l’année prochaine à nettoyer les berges de l’Isère.” — Stéphanie
“Qu’on se balade un jour le long de l’Isère sans avoir besoin de ramasser les déchets. On profitera juste de la nature” — Armelle
“Qu’on soit en famille pour bien partager l’écologie.” — Noah
“Souvent en tant que bon Français, on est assez rapides à râler. Toute la question c’est est-ce qu’on est actif ou est-ce qu’on râle ?” — Benjamin
“Une bonne initiative à faire plus souvent.” — Anne
Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.
Liens intéressants pour aller plus loin :
– le rapport très complet de l’ADEME sur les macro-déchets, écrit en 2012.
– la cartographie d’Eau France pour consulter l’état des rivières de sa région.
– l’article #AlertePollution de France Info sur les trottinettes électriques qui terminent à l’eau.
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