Missions dépollutions

L’avertY a suivi plusieurs actions citoyennes concernant la pollution de l’Isère suite au vote du sujet mensuel “Eaux troubles” (48% des suffrages le 1er septembre). Un reportage qui met en valeur de belles initiatives et qui donne à réfléchir sur la qualité des eaux de nos rivières. Comme ces citoyen·ne·s n’attendez pas pour passer à l’action en prenant un abonnement de soutien chez votre média participatif grenoblois. #Objectif100

Quel est le rapport entre un siège auto, une poussette, une machine à laver, un vélo, une mobylette et une clarinette ? Réponse : ce sont tous des macro-déchets aperçus dans ou au bord de l’Isère. Certains ont pu être extraits lors de l’opération nettoyage des berges organisée par l’Union de Quartier Île Verte, samedi 14 septembre. D’autres macro-déchets n’ont fait que passer devant les yeux des kayakistes, comme Benjamin, participant à l’opération ce jour-là. Sur la clarinette, il lance cette blague sur un ton doux-amer, “la clarinette n’était pas entière, sinon je l’aurais gardé pour en jouer. C’est l’objet le plus insolite que j’aie pu voir”. Il est venu prêter main forte avec deux autres personnes, tous membres du club Grenoble Alpes Canoë Kayak, ainsi que deux bateaux pour rapatrier les gros déchets par voie fluviale. Le “C2” peut embarquer deux personnes et permettre de récupérer des objets lourds. L’un dirige pendant que l’autre ramasse ce qu’il trouve.

Au même moment, sous le pont qui relie Grenoble à La Tronche, un groupe s’entête à sortir, avec beaucoup de difficulté, un siège auto embourbé dans la vase. Il faut s’y mettre à quatre, cinq ou six ! Les habitants creusent, ou font levier avec pelles et pioches. Une fois le “trésor” déterré, il rejoint le tas de gros déchets à côté de la piste cyclable où un triporteur prend le relais jusqu’à une grande benne. Celle-ci est fournie par la Métro pour l’occasion.

Étape 1 : on extrait le déchet de la vase.
Étape 2 : on rassemble les déchets au point relai, pour être emmenés en triporteur.
Étape 3 : stockage à la grande benne, avant la récupération par la Métro.

Plus tôt, un groupe rapportait avoir découvert une poussette embourbée à 80% et avait déclaré forfait pour cette fois-ci. “C’est la limite de l’action citoyenne, acquiesce Anne Tourmen, organisatrice de cette deuxième édition, on n’a pas de grue, on n’a pas de palan.” Habitante et élue à Saint-Martin-le-Vinoux, elle note cependant une progression avec l’édition de l’année dernière. “La bonne nouvelle c’est qu’il y a beaucoup moins de déchets sur le chemin de Halage, ça va dans le bon sens de prises de conscience du citoyen lambda.” Ce sont des plus petits déchets dits “du quotidien” : mégots, canettes, bouteilles. Preuve en est, le groupe qui est partie sur place a pu revenir plus rapidement pour nettoyer un autre secteur. Cette donnée couplée à la participation en hausse (une quarantaine de participant·e·s, contre trente en 2018) permet à Anne Tourmen d’être optimiste sur la suite, “je crois que là on travaille pour les générations futures. On a tous l’impression d’être utiles.

Les enfants sont aussi de la partie. Les parents en profitent pour faire une balade du samedi matin en prenant le temps de les sensibiliser à la pollution. Stéphanie, habitante du quartier Île Verte a fait le déplacement avec ses trois enfants de 5 ans, 3 ans et 1 an (en poussette). Pour elle, “c’est un projet éducatif intéressant pour que nos enfants deviennent plus sensibles au fait de ne pas polluer”. Au cours de l’interview, ses deux filles aînées sont à la recherche de petits objets avec des pinces en plastiques.

– “Maman, maman !”

– “T’as trouvé un mégot ?”

– “J’ai trouvé plein de mégots.”

– “Il faut que tu ailles voir quelqu’un qui a un sac poubelle.”

Cette opération citoyenne de “surveiller les berges chaque année est une très bonne chose”, explique Stéphanie, “ça va porter ses fruits à long terme”. Tout en précisant que “c’est un travail de fourmi” et que chaque acteur doit faire sa part. Le sentiment de citoyenneté prime : “c’est humain de donner un coup de main citoyen”.

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Armelle est aussi venue en famille, avec Noah, 9 ans. Tronchoise, elle a l’habitude du Quai Jongkind et s’y promène depuis la naissance de son fils. Elle trouve que cette action est aussi “un moment à partager plutôt sympa” avec les autres Grenoblois, Meylanais et Vinoix. Quant à Noah, il est très enthousiaste pour cette opération.

“Hier, j’ai fait de la science, on a parlé du tri. Mon papa est très écolo, il ramasse les déchets dans la rue”. — Noah, 9 ans.

Un peu plus près de l’eau

Autre lieu, même rivière, Quai Perrière. L’inauguration du projet du budget participatif 2017 “Un pas vers l’eau” bat son plein. L’espace en contrebas de la route a été aménagé avec des mobiliers en bois pour permettre de s’allonger au bord de l’Isère et de profiter de la fraîcheur du lieu. Les barrières qui décourageaient à s’installer sur les gradins en pierre ne sont plus, et le tout-venant peut désormais se rapprocher de l’eau.

Début septembre, l’Isère est au plus bas. Plusieurs déchets sont visibles sur la plage de Grenoble, essentiellement des bouteilles en verre. Thierry Closquinet est là avec trois acolytes du club Aviron Grenoblois, Ondra, Arya et Justine. Tous s’apprêtent à faire une petite démonstration pour la fête. Mais avant ça, une opération nettoyage de la plage s’improvise. “Quand je vois ça, j’arrive pas à me retenir”, témoigne Thierry. Ramasser les déchets est devenu une habitude, “à vélo je ramasse des canettes tous les jours”. Il va même signaler à la mairie des espaces pollués, comme à la bastille. Sur ce cas-là, la mairie avait répondu par mail qu’il s’agissait d’un chemin privé, en dehors de leur champ d’action.

De gauche à droite : Ondra, Thierry et Arya du club Aviron Grenoblois.

En termes de solutions, il imagine des panneaux éducatifs pour sensibiliser les passants à ne pas jeter dans l’eau, mais bien dans les poubelles, présentes à quelques dizaines de mètres seulement. C’était d’ailleurs une dimension du projet “Un pas vers l’eau”, installer des poubelles pour éviter toute pollution. Lors de l’inauguration, quelques poubelles sont accrochées aux barrières mais encore éloignées des gradins en pierre. Hélène, une citoyenne à l’initiative du projet, avait imaginé des dessins de pas au sol pour guider plus facilement vers les poubelles. Les porteurs de projet n’ont pas su dire pourquoi ça n’avait finalement pas été mis en place.

Qui doit s’occuper des déchets dans l’eau ?

Ondra du club Aviron Grenoblois témoignait avoir vu deux carcasses de voiture entre le pont d’Oxford et celui du train à l’occasion d’un lâcher de barrage. Dans ces moments-là, l’eau baisse drastiquement un cours instant. Ces déchets qui dorment dans l’Isère ne peuvent être enlevés simplement par les citoyens. Certaines vidéos montrent tout de même des pêches à l’aimant qui permettent de ressortir des gros objets de l’eau.

En France, la législation passe par les SDAGE (Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux) qui permettent l’entretien des rivières. Il y en a dans chaque région, puis localement des SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et aussi des contrats de rivières. C’est la préfecture (l’État) qui établit les arrêtés pour chaque rivière. Pour mieux comprendre, voici une vidéo pédagogique sur la politique de l’eau en France.

Par ailleurs, la qualité des eaux des rivières est observée et évaluée. On observe ainsi un état écologique et un état chimique pour chaque masse d’eau. Sur les 44 masses d’eaux présentes dans un rayon de 20 km autour de Grenoble, 38 sont en bon état chimique en 2009 et 40 en 2015. Pour l’état écologique la tendance est presque stable, avec une légère dégradation pour cet échantillon. Cela s’observe par une dégradation progressive de la notation des masses d’eaux. Celles notées “très bon” (3 en 2009, 1 seule en 2015) deviennent “bon”, tandis qu’il y a plus de masses d’eaux notées “médiocre” (1 en 2009, 4 en 2015). La majorité des masses d’eaux sont tout de même en état écologique “bon” (23 en 2009, 24 en 2015), ce qui permet d’obtenir une proportion de masse d’eaux en bon état au dessus de la moyenne nationale (56,8 %, contre 44,8 % sur les 10 706 masses en France).

Plus particulièrement, le Drac a réussi à obtenir un état chimique bon en 2015, mais pas l’Isère, qui fait partie des quelques masses d’eau encore en mauvais état chimique. Sur l’état écologique, il y a une bonne progression positive sur la période 2009–2015 (voir légende).

Légende : 1. Mauvais / 2. Médiocre / 3. Moyen / 4. Bon / 5. Très bon

Les macro-déchets dans les rivières restent tout de même “un problème au quotidien quand on navigue sur l’Isère avec des classes de jeunes” termine Benjamin (le découvreur de clarinette). Il ne note pas d’amélioration d’une année sur l’autre, même s’il concède que “les poubelles, on en trouve presque un peu moins en ce moment”. Les barres en métal peuvent aussi blesser ou endommager les embarcations lorsqu’elles sont bloquées dans la vase.

Le 21 septembre dernier a eu lieu la journée mondiale de nettoyage (World Clean Up) avec sept actions organisées sur l’agglomération. Des citoyennes et citoyens n’attendent pas pour agir et ramasser des déchets, alors laissons leur le mot de la fin.

“Venez nombreux l’année prochaine à nettoyer les berges de l’Isère.” — Stéphanie

“Qu’on se balade un jour le long de l’Isère sans avoir besoin de ramasser les déchets. On profitera juste de la nature” — Armelle

“Qu’on soit en famille pour bien partager l’écologie.” — Noah

“Souvent en tant que bon Français, on est assez rapides à râler. Toute la question c’est est-ce qu’on est actif ou est-ce qu’on râle ?” — Benjamin

“Une bonne initiative à faire plus souvent.” — Anne

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.

Liens intéressants pour aller plus loin :
le rapport très complet de l’ADEME sur les macro-déchets, écrit en 2012.
la cartographie d’Eau France pour consulter l’état des rivières de sa région.
l’article #AlertePollution de France Info sur les trottinettes électriques qui terminent à l’eau.


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Les routards du futur

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Installez-vous sur les berges de l’Isère à 17h et ouvrez bien les yeux. Le bal commence. Des centaines de travailleuses et travailleurs défilent sous votre nez. La plupart en vélo. Certain·e·s sortent du lot en trottinette, en skate, en gyroroue ou même en vélo couché. Que s’est-il passé pour en arriver là ? Pourquoi ces routards d’un autre genre délaissent-ils les grands classiques ? Posté stratégiquement à l’intersection d’un feu rouge, à la course-poursuite d’un passant, ou lors d’un rendez-vous collectif proposé en ligne, L’avertY a rencontré ces passionnés qui aiment rouler en ville autrement que par des transports en commun, vélos ou voitures.

De gauche à droite, Pierre-Maël, Florent, Sébastien et Laurine au rendez-vous proposé par L’avertY.

Moins de 5 km, du plaisir dans le déplacement.

Calixte, intercepté au carrefour Chavant, roulait tranquillement avec sa planche sur la piste Chronovélo du boulevard Agutte-Sembat, récemment inaugurée. Plus précisément, c’est un longboard, une planche longue quoi. Résident du centre-ville grenoblois, le jeune homme de 23 ans utilise ce matériel pour les petits trajets. Ce jour-là, il rendait visite à sa grand-mère. Se déplacer comme ça c’est “très sympa”, “on peut prendre le trottoir, les pistes cyclables, il n’y a pas de règles réellement”. Mais surtout, “on peut s’amuser à faire quelques virages. Ce genre de chose qu’on ne fait pas avec un vélo”. Ce bien connu deux roues n’est vu que comme un utilitaire par Calixte pour rallier un point A à un point B. “Là, je m’amuse tout en faisant mon trajet”, argumente t-il. Pierre-Maël ne dira pas le contraire. Lui aussi adepte du longboard, il vante les mérites de l’engin à quatre roues :

« On peut éviter des situations de danger, très rapidement. C’est transportable partout avec soi. Une fois acheté, c’est un matériel qui nécessite très peu d’entretien à part les roulements. » — Pierre-Maël, adepte du longboard.

Sa pratique du longboard remonte à “13 ou 14 ans” en arrière. Pratique qui a commencé par l’intermédiaire de l’association Descendeurs Des Environs (DDE) qui se réunissait les mercredis soir à l’anneau de vitesse pour faire découvrir le longboard. Pierre-Maël gravitait autour de l’association à ce moment-là avec son BMX. L’un des membres avait une planche en trop depuis six mois dans son garage. La belle opportunité que voilà ! Après avoir franchi le cap de l’apprentissage et avoir roulé sa bosse sur le longboard, Pierre-Maël se titille, de ses propres aveux, à tenter d’ajouter un moteur électrique à une autre planche qu’il possède. Pour le confort, mais aussi pour faire plus de kilomètres avec.

Laurine en démonstration de shortboard à l’anneau de vitesse du parc Paul Mistral à Grenoble.

Pour Laurine, oubliez la longboard, voici la shortboard, “un skateboard qui date de 1977, l’époque où les skateurs allaient dans les piscines creuses”, raconte t-elle. Elle utilise ce modèle tout simplement “parce qu’on l’a trouvé à l’état neuf dans un hangar”, mais aussi pour son côté transportable, “il peut s’attacher à un sac à dos sans gêner”. Elle fait le même constat que Pierre-Maël sur l’entretien, “ça fait 7 ans que je l’ai, je n’ai jamais changé les roues”. Quand il pleut, elle applique tout de même du lubrifiant sur les roulements. Pour son trajet, elle préfère les pistes cyclables. “Le problème c’est le revêtement, il faut choisir son itinéraire”, explique t-elle. En comparaison, Pierre-Maël témoigne que “le longboard est plus souple pour être plus confortable, plus stable et ça amorti les défauts du bitume”. Avec les pavés grenoblois en shortboard “c’est marteau-piqueur pour les chevilles et les genoux”, lance t-il.

Quand on lui parle de skate électrique, Laurine tranche net.

« Le skate électrique, c’est le même problème que la trottinette, c’est extrêmement lourd, extrêmement cher, c’est des batteries. C’est pas du tout la flexibilité d’un petit skate qu’on peut sangler sur le sac à dos. En plus, il y a le plaisir de réguler sa vitesse avec son propre équilibre. Je ne suis pas du tout pour un système d’assistance. Je préfère plus manger moi que donner de l’énergie à la machine. » — Laurine, adepte du shortboard.

Mickaël aime aussi la solution portable, mais a préféré s’adonner aux rollers pour ses trajets domicile-travail, depuis qu’il est Grenoblois. Son modèle à scratchs lui permet de rajouter les roues à ses chaussures “en même pas 3 minutes” pour “[s’arrêter] sur un commerce ou autre”. Il aime “le côté agréable des pistes cyclables”, trouve ça “plus tranquille que se déplacer à vélo” et lui “permet d’avoir une liberté de mouvement qui est assez intéressante”. En cas de pluie, il prendra exceptionnellement le tram, mais son meilleur plan B est de marcher les 5 km qui le séparent de son travail.

« Au début on n’est pas forcément à l’aise, mais quand on est à l’aise c’est finalement agréable de se déplacer à rollers. » — Blandine, interviewée sur les berges de l’Isère.

Enfin, il y a Régis, croisé par hasard chez un fleuriste du quartier Alma Très-Cloître. Rappelé par téléphone faute de temps, il explique pratiquer la trottinette mais sans assistance électrique. Il l’utilise “depuis 3 ou 4 ans” sur des micro-trajets autour de son lieu de travail grenoblois. C’est une façon pour lui de réduire la durée de déplacements à pied, “c’est pratique et rapide”. Sur l’électrique, il n’en voit pas l’utilité pour l’instant. Habitant à Revel, il se déplace en voiture pour ses trajets domicile-travail.

De 5 à 20 km, la chemise sèche.

Florent a opté pour une trottinette électrique en novembre 2018. Stéphane, lui, a commencé sa pratique du véhicule sur les tout premiers modèles, il y a 4 ans. Tous les deux travaillent sur le campus universitaire de Saint-Martin-d’Hères. Chacun a fait son constat avant de se lancer. Pour Stéphane, un trajet aller de 5–6 km est “trop court pour justifier l’utilisation de la voiture”. Il a trouvé cette option électrique intéressante pour garder sa chemise et son pantalon au sec en arrivant au travail. C’est d’abord cet aspect pratique qui le convainc encore aujourd’hui, renforcé aussi par une sensibilité écologique, “la trottinette me permet de combler ce court trajet de façon un peu plus vert”. Pour ses autres trajets, il prend aussi la trottinette.

« Je fais du bénévolat dans le centre-ville, l’utilisation de la voiture est complètement aberrante pour les petits trajets comme ça. » — Stéphane, adepte de la trottinette électrique.

Mickaël en rollers, Calixte en longboard et Stéphane en trottinette électrique.

Florent, informaticien, avait pensé prendre un vélo au début. Il a étudié le pour et le contre. Son souvenir de vélo volé d’il y a quelques années l’a conforté à choisir une solution transportable, sans besoin de cadenassage (lire aussi le mensuel de L’avertY “Vols de vélo à Grenoble, une fatalité ?”). Un argument également mis en avant par les planchistes précités. Il s’est penché sur l’offre des transports en commun mais c’est “trop cher pour ce que c’est” et trop lent pour lui. Le tarif plein mensuel est à 57,80€ par mois.

Le modèle qu’il possède est de fabrication chinoise et coûte l’équivalent d’une console qui vient de sortir, 330€. Stéphane se rappelle avoir acheté son modèle de l’époque pour 450€. Si Florent trouve que l’outil est “très efficace dans un rayon de 10 km”, il en tire un bilan mitigé. “J’ai crevé un pneu sur la trottinette et je n’ai pas réussi à le changer”. Il a finalement toqué à une boutique de réparation pour vélo à Championnet. Le magasin a déjà reçu quelques trottinettes électriques. “C’est pas donné”, le changement de pneu avant a coûté 30€. Pendant cette interruption de deux mois, Florent a repris le vélo malgré sa réticence de départ. “Avec le recul et l’expérience, je privilégierais plus le vélo entre trois et quinze kilomètres”, tout en ayant en tête d’amortir le coût de la trottinette, pourquoi pas dans le cas d’un changement de trajet domicile-travail.

Sur la durée de vie du véhicule, Stéphane fait le constat “d’une perte de puissance assez importante” de sa batterie. Résultat, il a laissé un deuxième chargeur sur son lieu de travail pour recharger en pleine puissance à chaque trajet, aller ou retour. De plus, son modèle n’a pas été pensé pour changer la batterie, “c’est plus cher de remplacer la pile que de changer de trottinette”. Il y a aussi les freins pas très sécurisants “qui ne sont pas un argument de vente” auprès de ses collègues, et les pneus pleins qui entraînent plus facilement la glissade que les nouvelles roues avec chambres à air.

Plus de 20 km, sans avoir mal aux fesses.

En restant attentif sur le défilé de vélos des quais de l’Isère, vous y trouverez Christian, adepte du vélo couché. Des vélos pas si rares puisqu’il existe des magasins spécialisés en France, dont un à Crolles. Des vélos qui coûtent chers car fabriqués sur demande, à la pièce. L’entrée de gamme est à 1000€. Un prix qui ne l’a pas rebuté : “par rapport à une voiture, il est amorti en quelques mois”. Le gros avantage de ce type de vélo c’est le nombre de kilomètres qu’on peut parcourir sereinement.

« On a vraiment un coefficient de pénétration dans l’air qui est plus intéressant. On fournit moins d’efforts qu’avec un vélo normal. On est couché donc on a un meilleur développement musculaire. Et puis surtout, on n’a pas mal aux dos ou aux fesses, on peut faire des kilomètres sans souffrir. » — Christian, adepte du vélo couché.

Notez le sourire de Christian dans le rétroviseur de son vélo couché.

Le vélo n’est pas électrique et demande un certain temps d’acclimatation. Christian estime qu’il faut une semaine pour ré-apprendre à pédaler, trois mois pour se sentir à l’aise et un an pour oublier qu’on roule avec un engin original. Le point faible du vélo-couché, c’est pour tourner. “Pour traverser la ville, ce n’est pas très pratique, ça tourne moins bien”, témoigne t-il. Les rétroviseurs permettent aussi de mieux “savoir ce qu’il se passe autour de soi”, “on peut moins tourner le cou”. Alors, est-ce que ça vaut le coup (et le coût) ? Christian reste mystérieux, “il faut l’essayer pour savoir”.

Bien au-delà de Grenoble, le vélo cargo ultime.

Attention, le meilleur est pour la fin ! Dans la catégorie vélo transformé, celui de Sébastien met la barre très haut. Ce vélo cargo permet de transporter 160 kg de charges tout en permettant de rentrer dans un sac de 120 cm par 90 cm, pour le transport en train. L’arrière du véhicule lui permet de transporter toute la famille. Tout d’abord ses enfants de 6 et 12 ans, mais aussi sa mère de 75 ans pour la déposer à la gare. “Au début elle serrait les fesses, mais aujourd’hui c’est normal ça ne l’inquiète plus du tout.” Un deuxième guidon permet de se sécuriser. On dirait du chalage de luxe, les pieds posés sur des barres fixées, le tout sur la roue arrière. Cette configuration-là lui a permis de réaliser un trajet de vacances en région parisienne, puis dans la foulée en Bretagne à Croisic, en alternant trajet en train et à vélo.

Au tout début, Sébastien cherchait des solutions pour arriver à transporter à la fois son enfant qui venait de naître et à la fois faire ses courses pour une semaine, le tout sans utiliser de voiture. La solution se présenta par hasard lors d’un trajet à vélo.

« J’ai eu un éclair, j’ai croisé quelqu’un qui avait ce type de vélo. Je l’ai alpagué, je l’ai rattrapé à fond la caisse à vélo, dans la rue. C’était à l’estacade. Je lui ai posé deux, trois questions. » — Sébastien, adepte du vélo cargo.

Références prises, il a importé son premier vélo cargo trois mois plus tard des États-Unis pour 800€, avec 120€ de taxe d’importation. Son deuxième déclic sur les vélos cargos a eu lieu lorsqu’il s’est retrouvé à devoir faire des travaux d’isolation alors que sa femme était partie avec la voiture pour trois jours. À l’aide de sangles et quelques improvisations, il a pu charger son vélo de plaques d’isolation. Depuis, il a transporté des troncs, des déchets verts, des palettes en bois. Il peut dépanner des cyclistes en remorquant la roue avant, tout comme le fait une dépanneuse. Le prototype actuel de Sébastien est le résultat de plus de 10 ans de passion pour le vélo. Très heureux de faire du vélo tous les jours, il a “une forme en pétard”.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


Si tu as tout lu jusqu’ici, c’est que cet article t’a vraiment plu ! L’avertY ne fait aucune demande de subvention et ne donne aucune publicité. Ceci pour garantir la qualité de l’information. D’autres ont déjà franchi le cap de l’abonnement, pourquoi pas toi ? La page Tipeee est là pour ça : bit.ly/donlaverty.

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La prévention sur le fil

Le 1er juin 2019, le résultat du vote mensuel tombe et donne une répartition inédite des votes. Parmi les trois sujets, “les éducateurs de rue” tire son épingle du jeu avec 36% des votes. Une chance pour l’éducation spécialisée en prévention de faire mieux connaître son action sur l’agglomération grenobloise.

Marie-Noëlle Toia, cheffe de service depuis 8 ans à l’Apase de Fontaine préfère dire “éducateur de rue”, mais “ça dépend de l’interlocuteur”. Dans le jargon politique ce sera plutôt “éducateur spécialisé dans la prévention”. L’Apase (Association pour la Promotion de l’Action Socio-Éducative) est une des principales structures de l’Isère qui va permettre à des jeunes de 11 à 21 ans “en voie de marginalisation” de se raccrocher à la société, au système éducatif et professionnel, ceci par la création de liens, directement là où sont les jeunes. De “l’aller-vers”, dans la rue, d’où le nom de métier plutôt simple à comprendre d’éducateur de rue.

À la rencontre de groupes

Un travail présentiel, de terrain, la plupart du temps en binôme, que Caroline Chantier et Rémy Barthélémy exercent depuis respectivement 5 ans et 1 an sur Fontaine. La majeure partie du temps, ce sont des groupes que les deux professionnels vont rencontrer. “C’est rare qu’il y ait un jeune, posé, seul”, précise Caroline Chantier. La démarche classique consiste alors à se présenter, “bonjour, on travaille pour l’Apase”, de serrer la main et d’entamer la conversation. Il n’y a pas de réponses types toutes faites car les éducateurs travaillent sur la libre adhésion, au cas par cas.

Parfois le contact est simple, car l’Apase est déjà bien connue des jeunes. C’est le travail sur plusieurs années qui a forgé une réputation positive aux éducateurs de Fontaine. “Tout commence quand le groupe a vu qu’on allait vers eux”, développe Rémy Barthélémy. Les éducateurs sont vite identifiés, repérés, car “ce n’est pas tout le temps que les adultes viennent leur adresser la parole comme ça”. Parfois le contact est plus glacial, “est-ce qu’on vous dérange ?”. Dans ce cas la discussion est écourtée pour être retentée à un autre moment. Le travail en binôme est essentiel pour aborder les groupes. En témoigne Rémy Barthélémy, “seul on subit plus les “je le sens, je le sens pas”, tout seul je n’aurais peut-être pas la foi d’y aller”.

Ces premiers contacts permettent ensuite aux jeunes de partager des problèmes qu’ils rencontrent et de se faire aider par l’Apase. Les éducateurs peuvent aussi détecter des problèmes personnels par “l’observation et l’intuition” et faire des propositions. Cela passe par des prises de rendez-vous à l’Apase, par des propositions de projets en groupe, de sorties, de loisirs, mais aussi de participation à des chantiers pour gagner un peu d’argent. Grâce aux binômes, les éducateurs peuvent avoir des conversations différenciées, “ça permet de te décaler, d’avoir des moments privilégiés avec certains”, explique Caroline Chantier.

Les chantiers éducatifs lancés par la suite permettent de travailler le savoir-être et le savoir-faire des jeunes sur plusieurs jours, et jusqu’à deux semaines. Les missions peuvent être du travail de peinture, en espace vert, en cuisine. Caroline Chantier accompagnait récemment un groupe de cinq filles entre 16 et 18 ans à la fête de quartier pour vendre des merguez, et permettre leur départ en vacances avec l’argent récolté. Un moment où l’accompagnement se révèle simple, mais indispensable : montrer comment s’organiser, faire le feu, aider à la caisse pour la vente.

“Je leur dis : on ne va pas faire pour vous, on va faire avec vous.” — Caroline Chantier, éducatrice de rue à Fontaine.

Tisser des liens

On n’est pas des médiateurs, on n’est pas des policiers”, explique la cheffe de service Marie-Noëlle Toia. L’équipe “médiation prévention” de Fontaine sera, elle, sur des missions de prévention de conflits avec le voisinage, sur la sécurité dans l’espace public. Cette équipe-là ne s’adresse pas qu’aux jeunes et ne propose pas forcément de solutions éducatives pour les jeunes. “Le but [des éducateurs de rue] est de créer du lien avant tout”, précise Rémy Barthélémy. Le métier d’éducateur de rue reste particulier, il ne correspond pas à des heures fixes chaque semaine, mais à un “mandat de territoire”. Selon le diagnostic établit, les éducateurs vont devoir assister à des événements de leur territoire, parfois tardifs. Un cinéma en plein air peut nécessiter une présence d’éducateurs de rue de 22h à minuit, par exemple. Ce ne sera pas des horaires de nuit pour autant.

“Plus on décale, plus on peut être face à des groupes qui sont déjà alcoolisés ou qui ont déjà pris des produits. Ce n’est pas forcément confortable. L’idée c’est d’être dans l’éducatif, il faut que les jeunes soient en capacité d’entendre ce qu’on va leur dire.” — Marie-Noëlle Toia, cheffe de service à l’Apase Fontaine.

Marqué localement par un transfert de compétences

En 2017, les compétences de la prévention spécialisée sont transférées du Département de l’Isère à Grenoble-Alpes Métropole, sur son territoire. Un transfert pas si anodin que ça, qui a entériné une baisse d’effectifs à Fontaine, passant de 4 à 3 ETP (équivalent temps plein). Les jeunes de 21 à 25 ans ne sont plus suivis par l’Apase également. Le Département avait même abaissé le seuil d’accompagnement à 18 ans, avant qu’il ne soit remonté à 21.

La dimension politique pèse aussi sur le métier d’éducateurs de rue. La décision de répondre à une interview média est soumis à une forte hiérarchie. Un éducateur de rue de l’Apase expliquait qu’un précédent article d’un autre journal ayant mal traité le sujet l’obligeait à passer désormais par sa hiérarchie avant de pouvoir répondre, et que très clairement il ne voulait pas prendre le risque de mettre son travail en jeu en bravant cette consigne. Si Rémy Barthélémy était déjà prêt à répondre aux interviews de L’avertY, ce n’était pas le cas de Caroline Chantier, qui explique n’avoir pas eu vraiment le choix, tout en se prêtant finalement à l’exercice.

Notre métier est globalement toujours sur un fil, assez complexe dans sa mise en œuvre. Le social est de plus en plus soumis à du retour sur l’investissement. Derrière, on veut un résultat. Ce qui est toujours compliqué puisqu’on est sur de l’humain. C’est compliqué de parler de résultats quand on parle de trajectoires de vies.” — Rémy Barthélémy, éducateur de rue à Fontaine.

Alors que la gestion des missions se veut métropolitaine, certaines communes ajoutent des budgets supplémentaires. C’est le cas de Veurey avec un temps de 7 heures par semaine, géré par l’Apase. “Ce sont des choix politiques, certains préfèrent financer un service loisirs ou jeunesse sur la commune”, développe Marie-Noëlle Toia. Un mi-temps est directement financé par la ville de Seyssinet également. Eybens fait aussi partie des villes de la Métropole à ajouter du financement sur cette mission d’éducation spécialisée, par l’intermédiaire du Codase. Pour consolider l’intérêt des élus métropolitains sur cette mission, un film a été réalisé avec des témoignages de chaque acteur (jeunes et éducateurs).

Missions éducatives avec les parents

Dans le quartier Teisseire à Grenoble, les éducateurs de rue du Codase (Comité Dauphinois d’Action Socio-Éducative) sont régulièrement présents auprès des parents. C’était le cas lundi 24 juin lors d’une conférence-débat à la Maison des Habitants (MDH) Teisseire-Malherbe. Olivier Anas et Jenny Salvatge, éducateurs sur le quartier, ont participé à la conférence animée par le psychologue Clément Ségissement, avec une dizaine de parents.

Réunion à la Maison des Habitants Teisseire-Malherbe avec Clément Ségissement (assis sur la table).

Une conférence qui a permis aux parents d’exposer des cas pratiques et avoir un avis professionnel sur les meilleurs comportements à adopter en tant que parent. Un père de famille expliquait avoir “pété un plomb”, avant de se ressaisir. Il ne pouvait plus supporter le comportement de son fils de 17 ans. Il lui a demandé de partir. Lui a donné 50 euros et lui a dit qu’il pouvait revenir quand il n’avait plus d’argent, mais qu’il ne voulait plus le voir chez lui. À ceci, le psychologue Clément Ségissement a été rassurant : “vous n’avez jamais lâché, puisque vous restez le financeur”. La situation s’est par la suite améliorée. “Ils font des choix, vous continuez à être là”, ajoute Jenny Salvatge, et désacralise son rôle “nous, on n’a pas de baguette magique. S’ils se plantent, je ne serais pas atteinte par ça. Je prends du recul.” Lors du petit pot qui suivi, ce même père de famille faisait l’éloge de l’action du Codase : “il faut qu’on en parle plus, il faudrait le même pour les parents”.

Les missions éducatives dans la rue et dans les familles peuvent se compléter. Clément Ségissement ajoutait que “le rôle de parent est joué par beaucoup de gens”. Le rôle d’un grand frère ou sœur dans la famille peut intervenir parfois. Une personne habituée du quartier témoignait avoir déjà joué un rôle pour calmer des jeunes du quartier. Sans aucune mission d’éducateur de rue, il allait ensuite en parler avec les parents concernés. “Une personne ressource” qui ne sera pas soumis au même respect de l’anonymat et secret professionnel que les éducateurs de rue.

Ce qu’on vend, c’est la confiance qu’on peut nous faire”, termine Rémy Barthélémy. Un travail d’éducateur de rue qui s’expérimente aussi sur les réseaux sociaux, là où se trouvent les jeunes, avec quelques agents qui passent 5 heures par semaine sur ce nouveau terrain virtuel. Y aura t-il un jour plus d’éducateurs en ligne que sur le terrain ?

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


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