Après quoi on court, jour 4

Depuis mardi 17 mars à 12h, les déplacements des Français·es sont drastiquement limités sur tout le territoire en raison de la pandémie de coronavirus (Covid-19). L’avertY a décidé de changer son rythme et de publier des chroniques régulières pour vous raconter comment la société se transforme, petit à petit, à l’échelle locale. Vous êtes toutes et tous invité·e·s à témoigner de vos vies en envoyant un texte, un son, une vidéo à ludovic.chataing@laverty.fr. Vos témoignages seront compilés dans une prochaine chronique.

Entre les personnes qui font leur course, celles qui vont travailler, celles qui n’ont pas de logement, celles qui sortent le chien et celles qui font du sport, les rues grenobloises accueillent un passage minimum sans être totalement vides. La France n’est pas à l’arrêt total. Si les contrôles policiers sont encore peu fréquents, il n’est pas rare d’obtenir des témoignages de contrôles pour les voitures et vélos. Des policiers en voitures ou motos quadrillent fortement le centre-ville, mettant une petite pression à ceux qui se sauraient illégitimes, avec une amende potentielle de 135€.

Côté pratique sportive, les grenoblois ne démordent pas. Il y a la sortie quotidienne de Brigitte et François, habitants de la rue Général Mangin. Celle-ci est thérapeutique : 30 minutes par jour pour Brigitte, pour cause de rééducation du genou. François, son mari, l’accompagne. Bien qu’ils partagent le même foyer, le couple marche avec un petit écart entre eux. Plus par rapport aux regards des autres. Jusqu’ici leur petit tour passait par le parc Georges Pompidou, mais la préfecture a pris pour décision de fermer aujourd’hui tous les parcs et jardins “sur l’intégralité du département de l’Isère jusqu’au 31 mars 2020”. Les policiers municipaux leurs ont signifié cette nouvelle information 10 minutes plus tôt, sans dresser de contravention. Ayant vue sur le parc, le couple avait déjà noté quelques abus de personnes qui s’asseyaient sur un banc. À ce jour, seule une petite pancarte “Restez chez vous” l’indique.

“Votre équipement public est fermé jusqu’à nouvel odre”, à l’entrée du parc Georges Pompidou.

Il y a aussi la sortie quotidienne d’Alexis, avec Salomé*, deux ans. La maman doit continuer de travailler. Il s’occupe de la petite pendant ce temps. Ils sont accompagnés cette fois par Maïssa. Les quatre vivent en colocation à quelques centaines de mètres de là. Pour lui, c’est important de faire une “mini-sortie” avec Salomé* une fois par jour, “pour sa bonne santé”. Même s’il ne sait pas exactement ce qu’il est recommandé dans son cas. Il ne va plus au parc Georges Pompidou également, suite à l’interdiction. Le long de la piste chronovélo est un lieu adapté pour lui, avec de l’herbe, éloigné des immeubles où Salomé aurait tendance à toucher des barres en métal ou poignées.

Le sport dans le sang

Il y a aussi la sortie quotidienne de Lisa, cette fois avec sa fille Kate. Toutes les deux s’apprêtent à courir tout autour du parc, sur une boucle bien définie. Pour Lisa, ce serait “brutal de s’arrêter totalement” de faire du sport. Elle en fait tous les jours depuis des années. Son sport de prédilection : la natation. Chez elle, “on ne peut pas faire de cardio”. Le jardin est trop petit pour ça. Elle n’a pas non plus de vélo d’appartement. Inquiète, elle se demande “jusqu’à quand on va pouvoir faire ça”, et “combien de temps va durer” le confinement. Ne pas savoir ce qu’il va se passer est pesant pour elle, mais veut respecter au maximum les consignes, “on ne veut pas aggraver les choses”.

De plus, elle continue de télétravailler comme elle avait l’habitude avant le confinement. Cette fois-ci avec ses trois enfants à la maison, dont le plus jeune, Dorian, qui est en CP. Une fille au pair est restée confinée avec la famille, mais pas le mari. Celui-ci est en réalité bloqué aux États-Unis à Houston. La famille continue d’échanger à distance, mais le pays subit désormais lui aussi la propagation du virus, ce qui ajoute aux inquiétudes de Lisa.

Il y aussi la sortie quotidienne de Clément et Elsa, en couple. Tous les deux sont branchés sport. Elsa est prof d’EPS dans un collège à Fontaine, et Clément a fait quelques remplacements sur un poste similaire. Mardi, au premier jour du confinement, ils s’étaient déplacés à Quaix-en-Chartreuse pour y faire du vélo. Ils se sont rendus compte que l’activité sportive devait se faire à proximité. À moins que le témoignage de contrôles routiers à La Mûre par le père de Clément les ait dissuadé. Ils ont ainsi opté pour une activité slackline et jonglage avec massues à 50 mètres de chez eux. Pas vraiment un parc, ils ont choisi ce lieu en estimant la fréquentation, et le risque de contamination, faible.

Peut-on faire de la slackline devant ses voisins sans susciter de tensions ?

Cette initiative en bas d’immeuble ne plaît pas à une jeune voisine qui vient discuter, “vous mettez le seum à tout le monde.” En maîtrisant sa colère, elle explique son point de vue et pense que d’autres personnes pourraient avoir envie de les rejoindre, tout en ne montrant pas le bon exemple. Cette voisine préfère faire 30 minutes de marche autour du quartier. Un tour invisible aux yeux des voisins. Clément lui répond avoir “étudié la chose” et ne démord pas, sa sortie est légitime. La voisine repart en prenant le temps de dire “bon courage”. Quelques minutes avant, Clément certifiait : “Dans la vie, je respecte les règles. C’est important de les respecter.” Avec malgré tout cet aveu, “il fait super beau, c’est ça le plus dur”. Le couple habite en rez-de-chaussée et n’a pas de balcon comme chez leurs voisins.

Reprochera t-on à chacun·e de faire du sport pour décompresser, s’aérer l’esprit, dans les prochains jours ? Les martèlements du “Restez chez vous” sonnent aujourd’hui plus comme un commandement qu’un article de loi.

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.

*le prénom a été modifié.

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Les contributions citoyennes sur le confinement :
📣 « Si l’enfer c’est l’époque vous n’êtes que Pluton et non Jupiter »
📣 « En cinq jours les enfants ne sont sortis qu’une fois »
📣 « C’est peut-être comme ça que se met en place un système totalitaire »
📣 « Ma crainte de faire passer le virus à la personne âgée de 85 ans »


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