Depuis ce mardi 17 mars à 12h, les déplacements des Français·es sont drastiquement limités sur tout le territoire en raison de la pandémie de coronavirus (Covid-19). Mobilisé jusqu’ici pour les élections municipales, L’avertY a décidé de changer son rythme et de publier des chroniques régulières pour vous raconter comment la société se transforme, petit à petit, à l’échelle locale. Un travail sur le terrain qui fera office de témoignage de cet événement historique.
Il est un peu avant midi devant la gare de Grenoble. Midi, l’heure butoir à partir de laquelle chaque déplacement doit être désormais justifié. Le hall d’entrée principal de la gare n’est pas très rempli. La boutique de journaux commence à fermer dès 11h30. Un homme aux cheveux blancs s’approche de la machine qui note la satisfaction des clients et appuie vigoureusement sur le bouton-smiley “pas content”. Les trains circulent normalement. Un agent de la SNCF attend le TER de Lyon, seul en bout de quai, assis sur un banc, l’air pensif. Il porte un gilet orange et un masque de protection. Il ne souhaite pas discuter et il me renvoie vers ses supérieurs.
Pas d’affolements particuliers ici. Les passagers descendent du TER. Clotilde en fait partie, elle s’installe sur la place rénovée, chauffée par un beau soleil de mars. Elle est partie ce matin de Marseille pour rejoindre ses parents à Saint-Nazaire-les-Eymes. Une décision de rapatriement dans son cercle familial qui s’est faite la veille au soir. En Master 2 d’École de commerce, elle a pu écourter son alternance. Même si elle pense que “ça ne sert à rien de céder à la panique”, elle ne se voyait pas passer toute la durée du confinement à Marseille. Le foyer familial semble plus confortable. Deux de ses frères ont pris la même option rapatriement, l’un de Valence et l’autre de Lyon.
Quelques mètres plus loin, Manon et Sullivan sont assis avec leurs affaires. Ils ne se connaissent pas mais sont tous les deux saisonniers. Les stations de ski ont dû fermer dès samedi soir après les annonces gouvernementales. Manon rentre à Royan, du côté de Bordeaux. Elle travaillait pour un village vacances aux Deux Alpes. L’entreprise a proposé des ruptures conventionnelles aux salarié·e·s, mais elle a choisi d’être en chômage technique, comme le permet la loi. Pas inquiète du tout, elle attend un bus qui part dans une bonne heure.
Il faut dire que les actualités anxiogènes n’ont pas vraiment amputé le moral des saisonniers. Manon témoigne d’une première saison “grave cool”, où même le rapatriement collectif de la station “était détente”. Elle parle d’une forme de déconnexion des actualités récentes. Même ressenti pour Sullivan qui a encore en tête “une ambiance assez festive” à la station de Vaujany. Aide-cuisinier, il a ressenti la baisse de fréquentation du lieu. Il pensait avoir plus de temps devant lui pour nettoyer et rendre son appartement avant de retourner dans la maison familiale à Saint-Clet (prononcez “clette”, comme raclette) où l’attendent ses deux frères jumeaux de 24 ans (lui, en a 25). Il précise que ses parents sont décédés. Pour ne pas se retrouver coincé, il a déboursé 120 € de taxi dans la matinée pour descendre à Grenoble. Deux autres bretons saisonniers doivent le récupérer en covoiturage pour compléter le voyage. Pour la suite, il espère pouvoir démarrer son autre travail saisonnier d’aide-cuisinier début avril, sur l’île de Bréhat, qui vit principalement du tourisme.
Face à cette urgence sanitaire, les citoyen·ne·s s’attendent à un confinement long et ne voudraient pas être trop éloigné·e·s de leur lieu d’attache familial, quitte à débourser un peu plus pour se rapatrier.
Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.
⏩ Jour 2
Les contributions citoyennes sur le confinement :
📣 « Si l’enfer c’est l’époque vous n’êtes que Pluton et non Jupiter »
📣 « En cinq jours les enfants ne sont sortis qu’une fois »
📣 « C’est peut-être comme ça que se met en place un système totalitaire »
📣 « Ma crainte de faire passer le virus à la personne âgée de 85 ans »
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