Le 12 mars dernier, L’avertY a organisé à Grenoble un débat sur le thème “Quels contre-pouvoirs citoyens sur les décisions politiques, entre chaque élections ?”. Il s’inscrit dans le cadre du Grand Débat proposé par le gouvernement entre le 15 janvier et 15 mars. Un compte-rendu public a donc été rédigé, puis publié sur la plateforme dédiée. Le voici.
Date : mardi 12 mars 2019, de 18h45 à 20h45.
Thème : Démocratie et citoyenneté
Sous-thème proposé, suite à un vote en ligne : Quels contre-pouvoirs citoyens sur les décisions politiques entre chaque élections ?
Lieu : Café-restaurant Le Trankilou à Grenoble.
Organisation : le média local participatif L’avertY, avec Ludovic Chataing et Anne-Sophie Girard.
Une présentation pour rappeler le cadre du débat, et la démarche du média est faite par Ludovic Chataing. Puis Anne-Sophie Girard propose un déroulé du débat. Cinq personnes sont venues pour le débat. Il est acté que Anne-Sophie et Ludovic participeront aussi au débat en tant que citoyens pour porter le nombre de participants à sept personnes.
Ce compte-rendu est proposé à relecture par les personnes présentes qui ont laissé leur contact mail, avant que le rapporteur l’envoi sur la plateforme dédiée. Il est rappelé que chacun·e peut également contribuer aux questionnaires individuels.
La première étape consiste en la présentation des personnes présentes, comme elles le souhaitent. Avec la proposition d’expliquer pourquoi être venu au débat.
Isabelle : infirmière, 4 enfants. Elle précise n’être pas beaucoup mobilisée sur le sujet avec son rythme de travail. Elle se sent loin du Grand Débat.
Nathalie : séparée, 3 enfants. Elle s’intéresse à la qualité de vie au travail. Elle a beaucoup de choses à dire sur les sujets du Grand Débat. Elle trouve ça important et super que les gens puissent se réapproprier la parole. C’est un processus qui est lancé. Elle est originaire de Haute-Savoie, proche de la Suisse, où il y a un système de votation. “Je trouve ça fabuleux”.
Marc : Grenoblois. Très présent sur Twitter. Il aime les questions sur la démocratie.
Florian : astrophysicien. Il est venu pour la question précise sur les contre-pouvoirs et s’interroge comment peut-on faire pour renverser légalement le pouvoir en place.
Alain : papa célibataire, historien d’art. Il est engagé dans le cadre des allocataires du RSA, pour défendre les gens du RSA. Il a pratiqué des marches entre Grenoble et Paris, entre Grenoble et Bruxelles. Il aime le thème spécifique aux contre-pouvoirs.
Anne-Sophie : du Touvet. Il n’y a pas beaucoup de grand débat vers chez elle.
Ludovic : grenoblois, journaliste web qui développe le média L’avertY qui est participatif, tourné vers les citoyens. Le mot citoyen est le coeur de son projet. Ce serait dommage de ne pas tenter un débat et voir ce qu’on peut en tirer. S’approprier les outils qu’on nous donne. Jouer le jeu et voir où ça mène.
1. Première partie du débat proposée sous forme de post-it pour “poser une parole”
Les participants sont invités à répondre à la question sur les contre-pouvoirs dans trois catégories :
• ce qui marche
• ce qui ne marche pas bien
• des propositions
Pendant quelques minutes, chacun réfléchit individuellement, puis on réalise un tour de table où les idées sont présentées. Quelques propositions sont ajoutées en cours de tour de table, s’appuyant sur les réflexions des autres participants.
Dans ce qui marche comme contre-pouvoirs :
• les médias comme contre-pouvoirs (sont cités Médiapart, Le Canard Enchaîné, Konbini).
• la Cour des comptes.
• les navettes parlementaires.
• les manifestations, historiquement les manifestations ont obtenu des résultats sociaux.
• les réseaux sociaux.
• “Il existe localement des choses, mais qui y participe ? Quels rôles ?”
• le lobbying citoyen dans des associations engagées.
Dans ce qui ne marche pas bien comme contre-pouvoirs :
• les référendums, il n’y a plus de référendum depuis le non-respect du résultat du référendum de 2005.
• les manifestations, l’impression que ça ne sert à rien. Que ça ne bouge pas suite aux manifestations, avec pour exemple la loi travail sous Hollande.
• un ras-le-bol du parisianisme et de la connivence entre médias et politiques. Quelque chose qui échappe aux régions.
• les oppositions politiques systématiques, parce que c’est un autre parti. N’est plus d’actualité.
• les professionnels de la politique. Exemple de Manuel Valls, qui part chercher du travail où il y en a.
• “les commissions dans mon petit village”.
• les votes régionaux ou locaux quand on vote pour une équipe. Il ne se passe pas ce pourquoi on a voté. “Voter pour le moins pire, ne me convient pas”.
• tout remettre à plat parce qu’on change de bord politique.
• les pétitions en ligne, même 2 millions de voix n’apportent pas de réponse. Problème d’efficacité.
Les propositions de contre-pouvoirs :
• que les politiques ne puissent appliquer que ce que le programme a prévu.
• des rencontres régulières entre élus et citoyens, une culture du débat.
• un espace de discussions moins formel entre citoyens et élus. Exemple de la team buvette, un groupe de citoyens qui interpelle et discute “sans langue de bois” avec les élus dans des bars.
• l’apprentissage de la parole à l’école et du débat.
• l’apprentissage de l’altérité, respect de l’autre et des différences. Exemple d’un prof qui parlait mal à un élève, qui s’est refermé sur lui-même. Sortir du conflit systématique.
• installer une nouvelle constitution.
• que les politiques rendent des comptes en cours de mandat.
• localement, créer des boîtes à idées (villages, villes).
• un conseil citoyen, qui obtient un vrai pouvoir entre l’Assemblée Nationale et le Sénat.
• un journal des bonnes nouvelles.
• prendre en compte le vote blanc, avec instauration d’un quorum pour élire quelqu’un.
À ces propositions, il faut signaler la posture de Alain qui ne souhaite pas faire de propositions, mais souhaite écouter. Il explique ne plus avoir les moyens de se poser des questions. Il note le désintérêt massif des allocataires du RSA pour participer à la vie politique. Sur 7000 personnes au RSA sur la métropole grenobloise, seulement trois viennent au forum dédié. Il se sent marginalisé “on ne peut plus discuter, on ne peut plus réfléchir”. Les problématiques des allocataires sont “très terrestres”. Il évoque une personne au RSA qui s’est immolée par le feu, une maman de 28 ans qui s’est défenestrée.
Malgré cette posture, quelques propositions sont formulées par Anne-Sophie, vis-à-vis de son discours :
• Résoudre des problématiques concrètes du quotidien.
• Être acteurs, pouvoir prendre des initiatives au quotidien.
Ces propositions ne lui conviennent pas.
Une nouvelle proposition est formulée par Ludovic, et acceptée par Alain, sur la base de ce qu’il a dit :
• Arrêter de traiter la précarité uniquement avec les précaires.
Idées développées
Au cours des discussions du groupe, sont abordées les réflexions suivantes :
• La possibilité d’être un citoyen relai dans son quartier. Marc explique qu’il peut aborder le maire de Grenoble sur le terrain pour lui rapporter certains faits dont il a connaissance, mais qu’il ne peut pas être officiellement intégré dans un processus citoyen plus global. Il considère que son action permet de ne pas abandonner certains publics.
• La situation sociale est perçue comme dramatique, intenable pour Alain. Il raconte l’exemple d’une femme qui préfère “la prostitution occasionnelle plutôt que de demander le RSA”.
• La question de la participation au Grand Débat est abordée. L’intérêt d’y participer ou non. Selon le nombre de participants au débat, ou selon la modalité de débat, il n’y a pas la même possibilité d’expression des participants.
• L’éventualité d’annuler un vote en cas de faible participation (quorum). L’aspect économique est l’argument souvent opposé à cette possibilité. Le vote en ligne est énoncé.
• Lors des élections, seul le chiffre sur la participation est autorisé à être diffusé. Couplé au fait qu’il n’y ait pas de représentation des votes blancs et/ou nuls, cela peut inciter les personnes à ne pas voter plutôt que voter blanc.
• Les manifestations sont perçues à la fois comme contre-pouvoirs possibles, et à la fois inefficaces. Sur la loi travail, Ludovic ajoute qu’elle a été modifiée au cours des mois de mobilisation sous Hollande. Que selon le pouvoir en place, ce n’est pas la même réaction, possibilité d’influence, et que les propositions politiques sont souvent testées dans les médias avant d’être présentées aux parlementaires, afin de voir la réaction passive ou active des citoyens sur le sujet.
2. Deuxième et dernière partie du débat proposée sous forme de carte heuristique
L’idée de cette deuxième partie et de choisir une des propositions pour l’approfondir. Après hésitations entre le référendum d’initiative citoyenne et l’éducation des enfants, c’est finalement cette dernière qui est choisie.
“Éduquer la jeunesse à la citoyenneté” est le titre choisi. Voici un résumé littéral, sur la base de cette carte.
A. L’âge d’éducation à la citoyenneté ?
Jusqu’à quand faut-il apprendre ? Est-ce qu’on doit focaliser cet apprentissage jusqu’à ce que les jeunes deviennent actifs ? Jusqu’à quel âge est-on considéré comme jeune ? Remarque de l’importance que toutes les classes d’âges s’approprient en même temps cette question de l’éducation à la jeunesse.
B. Les moyens donnés.
Il est acté en groupe qu’il faut se donner les moyens pour réussir une éducation à la citoyenneté. On parle d’expérimentations pédagogiques. L’école est perçue comme un lieu pour apprendre les codes, les techniques, mais dans l’optique d’apprentissage à la citoyenneté, aller plus loin que les connaissances théoriques qu’on peut avoir en éducation civique. Il faut de la pratique, avec de “vraies” personnes, en présentiel. Le conseil municipal des enfants est évoqué, mais semble être une expérience différente selon la commune.
C. Solutions proposées détaillées.
Pour éduquer à la citoyenneté, cela passe par l’apprentissage de l’esprit critique, l’apprentissage du débat, avoir le droit d’être en désaccord.
Cet apprentissage de la citoyenneté pourrait être fait entre pairs (entre élèves), avec la condition de sortir de ses cercles de vie habituels, de sortir de sa zone de confort. Faire rencontrer des lycéens de villes ou quartiers différents serait intéressant. De mélanger les horizons, se confronter à d’autres univers, d’autres façons de penser, pour apprendre à vivre ensemble. Cette idée est possible à condition de poser un cadre qui le permet, d’avoir des lieux de rencontre, des partenariats entre lycées / collèges (différentes classes donc).
L’autre idée est d’amener les personnes à faire partie d’associations. Le service civique est évoqué. Cela permet de se poser des questions sur la société, de s’ouvrir à l’autre (altérité).
Conclusions / retours des participants :
Un tour de table est effectué pour donner son sentiment sur cet exercice. Dans l’ensemble, les participants étaient satisfaits de l’exercice. Le sentiment d’avoir trouvé une idée en commun sans clivage interroge, mais par expérience d’un participant les débats se déroulent généralement dans le respect des autres. Globalement, se retrouver d’horizons différents et pouvoir partager et débattre est déjà perçu comme une vraie richesse.
Compte-rendu rédigé par Ludovic Chataing