L’avertY a décidé de choisir au hasard une personne parmi les 1108 élu·e·s municipaux de la métropole grenobloise (49 communes), afin de s’exprimer sur un sujet local de son choix. Tiré au sort par une internaute, Daniel Bessiron, 5ème adjoint* de la ville d’Échirolles a bien voulu participer. Également élu à la métropole et au département, il a choisi de mettre en rapport les efforts financiers demandés par l’État aux collectivités, avec les investissements pour la transition écologique et énergétique de la ville et de la métropole.
*Adjoint au développement durable, aux déplacements, à l’environnement, à la transition énergétique, à l’eau, aux énergies, aux ondes électromagnétiques et aux risques majeurs.
Le contexte national imposé aux politiques publiques des collectivités.
Cette année, le budget de la ville d’Échirolles s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2018–2022 et du nouveau pacte de confiance fixé par le gouvernement. Il associe l’ensemble des collectivités territoriales au redressement des finances publiques à hauteur de 13 milliards d’euros sur le quinquennat.
Non concernés directement par les mesures qui s’imposent aux plus grandes collectivités, nous risquons toutefois de subir des baisses au niveau des aides apportées par ces structures (340 à l’échelle nationale, régions, départements, métropoles, communes…). En contrepartie, les dispositions de la nouvelle loi de finances nous obligent à améliorer « notre capacité de désendettement » sur 13 ans sans prendre en considération, dans les ratios, les cessions d’actifs, même si, depuis 2011, nous avons fait des efforts conséquents.
« De nombreuses collectivités connaissent des difficultés et sont au bord de l’agonie »
Les collectivités locales souffrent depuis plusieurs années avec les baisses multiples de dotations (qui ont commencé sous MM Sarkozy et Hollande) et de nombreuses collectivités connaissent des difficultés et sont au bord de l’agonie. La crise déclenchée durant l’été 2007 sur le marché des dérivés de crédit a eu pour cause première le retournement du marché des emprunts immobiliers aux États-Unis, en Europe et en France. Transformée l’année suivante en crise financière majeure, affectant tout particulièrement les banques. D’où une dépression économique qui a obligé les pouvoirs publics, en 2009 puis 2010, à venir en aide aux entreprises et aux ménages.
Si cet engrenage des précédentes paniques financières et la taille des pertes en font une des plus violente de l’histoire (de 2008 à 2015 soit 5 000 milliards de dollars) cette crise n’a pourtant pas provoqué une véritable remise en cause du principe d’organisation des activités financières banquières et des méthodes inacceptables du système libéral.
« Il est plus simple de faire subir aux plus modestes »
L’Europe et l’État français, au lieu de s’acharner sur les collectivités locales qui sont le dernier rempart de proximité pour les habitant·e·s de nos communes, devraient plutôt s’attaquer aux causes majeures qui sont la gangrène de notre société : l’évasion fiscale et la fraude fiscale, favorisées parfois par les acteurs de la finance. Mais dans une société qui prône le libéralisme, il est plus simple de faire subir aux plus modestes, au lieu de s’attaquer aux puissants de la finance qui continuent à nous appauvrir sans complexe et en toute hypocrisie.
Autre exemple, la suppression progressive de la taxe d’habitation au-dessous d’un certain niveau de revenus, car même si l’État s’engage à compenser la perte des recettes pour les collectivités, cette compensation sera déterminée par les taux et dégrèvements appliqués en 2017. Cela rendra difficile toute évolution dans ce domaine alors que nous sommes plus en attente d’une véritable réforme de la fiscalité locale. Il y a un vrai enjeu pour plus d’équité dans ce domaine.
« Il faut continuer à investir dans l’indispensable transition écologique et énergétique »
Par l’évolution des règles comptables, l’État nous demande de revoir en 2018 le calcul de nos épargnes ainsi que nos capacités d’autofinancement et de désendettement. Pour nous, ville d’Échirolles, les engagements budgétaires sont essentiels quand on connaît le rôle d’une ville dans le quotidien de ses habitant·e·s pour l’emploi local, pour la transition écologique, pour les déplacements, pour l’aménagement urbain, l’éducation, le social, sans oublier la vie associative locale. La priorité est donnée aux équipements de proximité, à la transition énergétique ou aux opérations de rénovations urbaines. Il faut continuer à investir dans l’indispensable transition écologique et énergétique. Celle-ci est porteuse de réduction d’émissions de gaz à effet de serre mais aussi d’économies de fonctionnement, un véritable rempart face à la précarité énergétique et un soutien à l’activité économique locale. D’où notre engagement au Plan Air Énergie Climat de la ville et de la Métropole, le label Cit’ergie ou la convention des maires.
Cet effort doit aussi porter sur les énergies renouvelables. Car le marché de l’électricité subit des évolutions tarifaires continues. Il faut donc tendre vers notre indépendance énergétique et poursuivre l’installation de panneaux photovoltaïques chaque fois que possible sur les toits de nos bâtiments municipaux. Maintenir le cap sur la question de la qualité et l’origine de l’alimentation, en particulier pour la restauration collective des écoles, des crèches et des seniors. Privilégier le bio et les circuits courts permet de soutenir l’activité économique de notre territoire tout en préservant des écosystèmes agricoles.
Ne soyons pas dupes, cette recentralisation de la fiscalité locale a un seul but : mettre à mal l’autonomie des collectivités. L’État replace ainsi l’ensemble des collectivités locales sous son joug, pouvant faire directement pression sur les budgets locaux. La finalité objective de cette austérité revient à stériliser le pouvoir politique local. À force d’être contraints financièrement, l’État entend bien obliger les communes à se replier sur leurs seuls domaines de compétences obligatoires, comme il a réussi à le faire pour les régions et les départements au travers de la loi NOTRe promulguée en 2015. Alors que de nombreuses responsabilités ont été transférées sans les moyens financiers nécessaires (carte d’identité, passeport, PACS, etc.), les collectivités sont prises dans des injonctions contradictoires.
En plus d’être privés de notre autonomie financière, l’État veut même nous confronter à une incertitude quant au devenir de l’action publique ! Il faut nous inscrire en lien avec les différents mouvements de protestation et proposer des alternatives progressistes pour protéger l’avenir des territoires et des institutions qui les servent.
Daniel Bessiron
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