Après avoir mis en lumière la librairie emblématique de Grenoble, Valérie Bonetto signe une nouvelle contribution sur un livre de Baptiste Morizot qui l’a inspiré. Elle nous livre ses réflexions suite à cette lecture, autour de la philosophie de Spinoza mais aussi sur le conflit entre éleveurs et partisans du loup.
J’ai écouté Baptiste Morizot, philosophe, sur France culture. Séduite par cet entretien, j’ai décidé d’acheter son livre « Manières d’être vivant ». Cette radio influence souvent mes lectures.
Je l’ai vu dans une belle vitrine, de la petite librairie « La dérive », située place Sainte-Claire à Grenoble. Je suis entrée dans le magasin et la vendeuse est allée me chercher délicatement ce seul exemplaire.
Je dévore les livres et j’allais faire de celui-ci une bouchée. Pourtant, je me suis impatientée des longues descriptions du pistage des loups dans le Vercors. Et par contre je me suis passionnée pour un chapitre plus philosophique et j’ai pris des notes comme à mon habitude.
Son argumentation m’est apparue comme révélatrice. La morale classique occidentale est fondée sur un dualisme qui oppose raison et passions. Et la raison est sensée devoir dominer les passions assimilées à de l’animalité. Les animaux quant à eux, sont réduits à de la bassesse. Ils sont donc méprisés.
Ce qui a été encore plus surprenant, c’est le développement suivant sur la philosophie de Spinoza. Pour une fois ce théoricien m’apparut comme compréhensible. Cette argumentation a pu m’aider de façon concrète. Il est dit en effet, que les passions voire les addictions ne sont pas mauvaises en soi. Mais il faut écarter celles qui ne vont pas vers la vie. Par ailleurs une autre passion peut facilement détourner de celle qui est mortifère. Spinoza confirme aussi mon expérience. À savoir que la volonté n’est pas toute puissante. Elle n’existe pas en soi. Elle est plutôt le résultat de la disposition et de la construction concrète d’un cadre favorable à son émergence. Ce cadre peut être fait d’habitudes choisies, de rencontres bienveillantes…
En fait en relisant ce livre, pour justement écrire cet article, je me suis rendu compte que je n’avais été marquée que par un chapitre. À la relecture, j’ai été plus sensible à la poésie, de l’évocation du pistage des loups et des mystères de leur hurlement. L’auteur est un original qui allie expérience concrète et réflexion, poésie et philosophie.
Membre de la fédération nationale de l’environnement Isère, j’ai aussi présenté ce livre. Et j’ai suggéré lors d’une réunion de s’en inspirer. En effet B. Morizot propose de sortir de la confrontation stérile entre éleveurs de mouton et partisans du loup. Ceci pourrait se faire grâce à des médiateurs. Il parle alors de diplomatie interespèces. J’ai proposé de l’appliquer à la chasse qui était le sujet du jour. Cela a été une fin de non recevoir. « La FNE est radicalement anti-chasse et les chasseurs sont un lobby ».
Valérie Bonetto
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Selon une enquête réalisée à Genève en 2016🔗, les équipements sportifs et les pratiques sportives subventionnées sont majoritairement préemptés par les hommes. Nous avons voulu vérifier si tel était le cas à Grenoble.
En ce mercredi après-midi de novembre où souffle un vent glacial, peu de monde au skatepark de la Caserne de Bonne : une, deux, trois, quatre, cinq, six planches à peine roulent sur le béton des structures. Pour compter les trottinettes, une seule main suffit : elles sont trois. Quant au nombre de filles qui sont dessus, les poings peuvent rester au chaud dans les poches : zéro. Aucune. Un exemple caricatural ? Peut-être bien. Marginal ? Peut-être pas. Le même décompte une demi-heure plus tard donnera le même résultat. De même que sur le terrain de basket à proximité. Ou au skatepark de la Bifurk ce même jour.
Conscient du manque de mixité, l’association du Skatepark de Grenoble implantée à la Bifurk a ainsi instauré la gratuité des sessions pour les filles, tandis que celles-ci coûtent 5 euros chacune pour les garçons. « Elles doivent quand même être adhérentes et payer dix euros à l’année », précise Yoan Delassus, éducateur sportif, interrogé quelques jours plus tard par téléphone. « Nous avons mis ça en place il y a quelques années, car sur mille adhérents, il n’y avait qu’une vingtaine de filles.Y a aussi plusieurs autres actions comme par exemple des créneaux réservés le dimanche. »
Aujourd’hui, les adhérentes représentent 10 à 15% des membres de l’association. Comme Louella Cuvelier, skateuse de 15 ans : « Je fais du skate depuis toute petite. Ce que j’adore dans ce sport, c’est sa vision de la vie, assez différente. Par exemple, quand les gens voient un trottoir, nous on voit un “gap”. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas souvent des filles », reconnaît-elle. « Ce serait cool qu’il y en ait plus. Elles ont souvent peur de se lancer. Le skate, c’est un défi que tu te lances à toi-même. Peut-être parce qu’elles se sentent inférieures. Ou parce qu’elles voient qu’il n’y a que des garçons. » Sont-elles mal accueillies ? « Non franchement, c’est tout le contraire. Quand je suis passé en contest🔗 le mois dernier, j’étais un peu fatiguée et je n’arrivais à rien. Et malgré ça, y avait tout le monde qui m’encourageait. »
Des créneaux réservés aux femmes
Le manque de mixité dans le sport et sur les équipements sportifs n’est pas l’apanage du skate : l’enquête réalisée à Genève en 2016 montre que les équipements sportifs sont majoritairement investis par les hommes et que ceux-ci préemptent aussi les activités subventionnées🔗. Pour lutter contre ce constat général, des actions sont menées par la Ville de Grenoble notamment au travers de son service Sport et quartiers. Celui-ci organisait le mercredi 17 novembre dans le Parc Georges Pompidou, à quelques centaines de mètres de la Bifurk, pour “mercredi c’est sport”, des ateliers pour les MJC avec ballons, raquettes, ring gonflable et gants de boxe… Chaque semaine, un parc différent de la ville voit ainsi passer entre une cinquantaine et une centaine d’enfants. « Ici, c’est 50–50 », analyse Cécile, animatrice en charge de la boxe, un sport qui compte pourtant 71% de licenciés hommes🔗. « Il y a autant de garçons que de filles. Tous les sports que nous proposons sont mixtes. »
Si l’initiative auprès des plus jeunes est louable, la pratique a toutefois tendance à se masculiniser avec l’âge🔗. « C’est vrai qu’après, dans les quartiers, il y a plus de gars, surtout pour le foot », constate son collègue Mahrez. « Y a quand même quelques filles. Mais il faut que ce soient des tueuses pour oser aller jouer avec les garçons. » Là encore, les pouvoirs publics peuvent influer : avec des créneaux 100% féminins, par exemple. « Franchement, il y a pas mal de choses aujourd’hui pour les filles dans les quartiers », poursuit Mahrez. « Elles peuvent se faire 3–4 sessions par semaine, entre le foot, la muscu, le cardio🔗. Avant, quand j’étais plus jeune, il n’y avait pas tout ça. » Autre initiative marquante : l’équipe municipale de foot féminin créée en 2015, “une première en France” selon le site de la Ville🔗.
La volonté politique de faire progresser la pratique féminine est ainsi affichée au plus haut. « Nous voulons arriver à toucher plus de femmes pour qu’elles pratiquent des activités physiques », assure Céline Mennetrier, adjointe déléguée aux Sports de la Ville de Grenoble. « Car les femmes, même celles qui travaillent, consacrent plus de temps aux tâches ménagères que les hommes, et moins de temps pour faire du sport. » Les derniers chiffres de l’Insee (datant de 2010🔗) sont à ce titre éloquents : malgré une très légère réduction des différences depuis 1999, 3h30 sont consacrées par jour au travaux domestiques pour seulement 7 minutes de sport côté féminin contre respectivement 2h et 14 minutes, côté masculin.
Pour rééquilibrer la balance, la municipalité a fait notamment le choix de réserver certains créneaux aux femmes exclusivement. « Hommes et femmes ne sont pas sur un pied d’égalité », défend Chloé Le Bret, conseillère municipale déléguée à l’égalité des droits. « Si on veut arriver à la mixité, alors on est obligé de faire un peu d’exclusif pour pouvoir arriver à de l’inclusif. En faisant en sorte que les femmes se saisissent de ces créneaux, on va permettre d’avoir une pratique en mixité. »
« Les femmes sont absentes des terrains pour des questions d’horaires, de contraintes, mais aussi parce que c’est toujours hyper dur pour une femme d’aller dans des espaces sportifs. Parce qu’il y a le regard de l’autre, le regard masculin. C’est pourquoi nous avons fait le choix pour l’instant de cette exclusivité. […] Le sport est un outil d’émancipation, un outil collectif qui va aussi permettre de se retrouver entre femmes. » — Chloé Le Bret, conseillère municipale déléguée à l’égalité des droits.
D’autres dispositifs sont également mis en place dans ce sens : comme la pratique “maman enfant” qui offre la possibilité aux mères de faire du sport sans avoir le souci de la garde de leur(s) bambin(s). Ou tout simplement des horaires étendus pour la pratique sportive avec, par exemple, des piscines municipales ouvrant à partir de 7h et jusqu’à 21h40.
Promouvoir les modèles féminins dans le sport
En outre, les acteurs du monde sportif local sont mis à contribution : renouvelées le 12 juillet dernier🔗, les conventions signées avec les clubs professionnels (Brûleurs de loups, Grenoble foot 38 et le FC Grenoble rugby) incluent la promotion des pratiques féminines à la fois dans les activités sportives mais aussi dans l’encadrement administratif. Les subventions accordées aux structures peuvent aussi être un levier puissant.
« Pour les clubs amateurs, la subvention est accordée à 30% au projet et à 70% sur des critères mathématiques, dont la part de pratique féminine », indique Céline Mennetrier. « Cela doit devenir pour tous un objectif », abonde Chloé Le Bret. « Le changement de mentalité vient doucement, et clairement, nous pouvons jouer dessus. » D’où la volonté aussi de promouvoir les sports “alternatifs” comme l’Ultimate🔗, sorte de gagne-terrain avec un frisbee qui se joue en équipe et de manière mixte.
Enfin, la pratique passe par une médiatisation des modèles féminins de sportives. La halle de tennis de Grenoble🔗 qui n’avait pas de nom jusqu’à présent devrait ainsi prendre prochainement celui d’Alice Milliat, pionnière du sport au féminin🔗. Et de nouveaux événements sportifs internationaux, comme le match France-Italie en rugby le 27 mars, dans le cadre du tournoi des six nations🔗, devraient se jouer au stade des Alpes. Rappelons qu’en 2019, il avait accueilli cinq matchs de la coupe du monde féminine de football, dont un quart de finale. « Ça avait clairement eu un effet dans la pratique ! », se souvient Mahrez au service Sport et quartiers.
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