Sabrina a partagé un post sur Facebook où elle promet à son fils de 3 ans “qu’on se battrait ensemble pour faire connaître le trouble de l’oralité”. En contact avec L’avertY, elle a accepté que le média publie plus largement son témoignage. Un trouble peu connu qu’elle nous explique.
Étant bébé, notre fils Enzo ne mettait rien à la bouche. À la diversification, au moment où on donne des purées moins mixées, des petits boudoirs ou des petites pâtes fondantes dans la purée : il avait des haut-le-cœur, il y avait des pleurs, des cris, les repas étaient devenus sources de stress pour lui et pour nous, et il finissait par vomir. Il fallait que les purées soient bien lisses sinon, s’il y avait un petit bout mal mouliné, le repas s’arrêtait là. Il ne voulait que les mêmes yaourts ou compotes. Si on changeait de marque, il n’arrivait pas à les manger.
Le pédiatre nous a dit de continuer à mixer et proposer plus tard des morceaux, que ce n’était pas inquiétant. On nous a demandé d’attendre ses deux ans pour faire quelque chose et qu’il finirait bien par en manger un jour. Mais arrivé à deux ans, Enzo ne mangeait toujours pas de morceaux. Même un bonbon, des frites ou du chocolat ne lui faisaient pas envie. Il avait des haut-le-cœur, et même les yaourts qu’il prenait sans problème auparavant, il les refusait une fois sur deux.
Il ne voulait presque plus rien manger, notre inquiétude grandissait et des personnes, que parfois nous ne connaissions même pas, se permettaient de juger notre enfant et notre éducation : “pas assez d’autorité”, “il faut le forcer”, “il vous marche sur les pieds”, ou encore, “mais quel caprice”, “il vous fait du cinéma”, “moi si j’étais vous…”
Nous avons revu le pédiatre et nous avons insisté sur le fait qu’il fallait faire quelque chose, car il ne mangeait presque plus rien. Nous avions peur d’une hospitalisation au vu de son poids qui descendait. On nous a alors dit qu’un enfant ne se laissait pas mourir de faim, que cela était passager, mais par précaution on nous a orienté vers un orthophoniste pour un bilan.
Nous avons appelé énormément d’orthophonistes en expliquant notre cas. Beaucoup avaient 6 mois à 1 an d’attente, voir plus. Et nous sommes tombés sur une orthophoniste qui avait une place qui se libérait sous une semaine et demie. Elle a pris le temps de nous écouter, de nous rassurer. Elle nous a appris ce qu’aucun autre professionnel n’avait décelé avant : il souffre d’un trouble de l’oralité (syndrome de dysoralité sensorielle oral et tactile de stade 2 : hypersensibilité aux goûts, aux odeurs et textures, plus une difficulté pour toucher certaines matières).
Mettre un nom sur ce qu’il a, se sentir enfin compris et non jugé, nous a en quelque sorte permis de respirer à nouveau, même si on savait que cela n’allait pas être facile tous les jours. Elle nous a expliqué qu’il faudrait faire une séance par semaine. Lui faire 8 massages par jour à la maison dans la bouche pour le désensibiliser, en étant assidu. Et des exercices que l’on a découvert au fil des semaines.
Au fil des mois, on avait de belles avancées avec l’acceptation de certains aliments juste sur les lèvres, le bout de la langue en léchant. Il s’est remis à manger de la soupe puis de la purée. Le toucher des matières était plus facile pour lui. Parfois des fausses routes en essayant d’avaler, d’autres fois des gros progrès, puis des retours en arrière durs pour le moral. Mais notre orthophoniste était là pour aider Enzo, nous soutenir et nous remotiver.
Un ans et trois mois après, il a commencé à mâcher un peu et avaler son premier morceau. Un petit bout de pâte sablée cru, fait maison, qu’on avait cuisiné ensemble. C’était la première fois qu’il prenait plaisir à manger un morceau. On a continué sur le jeu, sans le forcer et en le faisant manger avec nous.
Aujourd’hui, Enzo est dans une phase où il découvre les petits morceaux comme le poulet, les pâtes, le fromage, grâce à des jeux mis en place pour lui faire découvrir… en même temps que ses purées. Les quantités de morceaux ne sont pas encore assez suffisantes pour le moment, et nous savons que cela peut mettre du temps avant qu’il ne mange vraiment comme nous. Mais chaque semaine, on essaye un aliment nouveau. Parfois cela passe, parfois non. Mais on le soutient et il réessaye plus tard. Il ne mange pas encore tous les morceaux car il faut d’abord qu’il les apprivoise en le sentant, en le portant à la bouche et lui proposer plusieurs fois. Mais il se bat tous les jours du haut de ses 3 ans et demi.
Grâce à notre orthophoniste (merci énormément Melody! 😊) et grâce aux massages et exercices, il a trouvé le goût de manger. C’est déjà un gros progrès, même si quand il est malade, comme pour un mal de gorge, cela le fait retourner en arrière. Il faut patienter le temps qu’il guérisse, surveiller son poids et recommencer petit à petit sans stresser (plus facile à dire qu’à faire, mais nous sommes bien soutenus par ses conseils).
C’est un long combat, mais on veut faire connaître ce syndrome de dysoralité sensorielle et faire réaliser à tout le monde que nos enfants présentant ce syndrome ne font pas de caprices, que nous ne sommes pas trop laxistes et que ce n’est pas une question d’autorité, car cela ne ferait qu’empirer les choses. Ce n’est pas qu’ils font du cinéma ou qu’ils ne veulent pas, mais bien qu’ils ne peuvent pas à cause de ce trouble.
J’aimerais que ce trouble méconnu ne reste plus dans l’ombre et pour cela je pense que les nounous, les crèches, les écoles, les médecins devraient tous en être au moins informés. Qu’il y ait plus d’orthophonistes formés, ainsi que d’autres professionnels de la santé, pour que les parents et enfants ne restent plus seuls et démunis face à cela. C’est ce pour quoi je vais continuer à me battre.
Sabrina De Nitto
Si vous souhaitez la contacter, Sabrina a créé en 2018 l’association “Redonne-moi un sens à mon goût”, pour aider les parents et enfants à faire connaître ce trouble de l’oralité.
Son groupe Facebook est ici.
Son mail de contact : trouble.oralite@gmail.com
Un site internet est en cours de développement.
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