Sur Facebook, Maxime a partagé la publication de Help SDF Grenoble sur l’opération calendrier de l’avent inversé. Contacté par L’avertY, il a bien voulu raconter pourquoi il s’y est mis, et quelle était sa démarche personnelle.
La première fois que j’ai entendu cette idée de calendrier inversé, j’ai trouvé cette idée géniale ! Évidemment, on peut se dire que c’est une autre action sociale comme les centaines d’autres qu’il est possible de faire à tout instant, mais celle-ci m’a particulièrement touché.
Je me suis tout de suite imaginé offrir le cadeau à quelqu’un dans le besoin, et voir simplement le plaisir s’épanouir sur son visage. Se figurer cette femme ou cet homme, qui n’a sans doute pas beaucoup de temps à consacrer au bonheur, me regardant avec stupeur et joie mêlée, m’a convaincu que ce modeste engagement social était nécessaire et me convenait.
Il fallait donc que j’essaye. J’ai donc acheté des produits qui me font moi-même plaisir, comme des chocolats, des bonbons, de bonnes bières, des livres de science-fiction… Je me suis aussi renseigné sur les produits de première nécessité dont les personnes sans-abris ont le plus besoin : produits de toilettes, vêtements chauds, premiers soins, et aussi les nourritures privilégiées, par les associations en lien, pour leur facilité de conservation et de consommation.
J’ai demandé autour de moi qui pouvait m’aider, qui avait des dons à faire, etc. Cela me paraissait être une tâche ardue au début, mais sans vraiment planifier, j’ai constitué 3 cadeaux très facilement, sous forme de gros cartons avec tout plein de petites choses à l’intérieur.
Quand on est prospère, on est parfois (souvent) déconnecté de la réalité, à tel point qu’on n’arrive plus à identifier ce qui est un produit de luxe de ce qui est réellement nécessaire.
Au total, j’ai dépensé la première fois 50 euros pour faire ces calendriers inversés. Je me suis demandé si je n’en faisais pas trop. Si je n’aurais pas pu utiliser cet argent pour autre chose, faire un autre cadeau à ma famille. À Noël, tout le monde trouve son budget trop juste… Peuh, quelle honte ! Alors que je vais au bar en dépenser autant tous les mois ?! Alors que les personnes de ma famille n’ont aucun besoin de cadeau supplémentaire, si ce n’est un peu d’attention de ma part ?!… Depuis, je consacre a minima ces moyens pour offrir un cadeau de ce type pour les fêtes de fin d’année.
Enfin, ayant vu que cette action était réellement bénéfique, j’ai été convaincu qu’il était nécessaire de continuer, mais aussi de faire connaitre et encourager cette démarche somme toute accessible pour mon entourage, auprès de mes amis, collègues… Cette action ne va peut-être pas résoudre les problèmes de ces personnes, mais elle leur offre la possibilité d’appartenir à ce moment particulier des fêtes de fin d’année, où la plupart des gens font des exceptions dans leur quotidien.
Mais ce n’est que lorsqu’on m’a demandé de témoigner à ce sujet que je me suis réellement posé la question : pourquoi est-ce que “moi” je faisais “ça” ? Après avoir réfléchi plus sérieusement à ce sujet, j’en suis venu à en déterminer deux principales raisons.
Bien évidemment, la principale raison, déjà exposée ci-dessus, est la portée humaine de cet acte qui fait plaisir aux deux partis concernés. J’espère bien évidemment faire « chaud au cœur » à quelqu’un, accomplir une bonne action, et par la même, espérer et essayer de rendre le monde meilleur qu’il ne l’est, à un niveau certes tout petit, mais au moins à un niveau.
Et puis finalement, une deuxième raison m’est apparue, dont on en a bien tous conscience, mais qu’on ne rationalise quasiment jamais de peur certainement de paraitre imbu de soi-même. C’est une raison égoïste. Mais il me semble qu’elle a également un but d’ordre social. Je m’explique. Faire une bonne « action », un geste pour autrui, sans espérer de contrepartie permet d’avoir de l’estime de soi, de se sentir bien et en accord avec sa personnalité. Mais en même temps cet acte à une plus grande portée que la satisfaction de soi. En tout cas pour moi. En fait, faire ce geste me permet effectivement d’être en accord avec ce que je pense, mon discours, mes opinions… Réunir des produits de première nécessité et de la nourriture, de les porter et les donner à quelques personnes est une activité qui ne me prends pas de temps trop long, limite mes interactions avec des gens, etc…
Et je me dis « si moi je ne peux pas faire ça, alors que tous les paramètres sont réunis dans ma vie, alors que cette action est assez facile pour moi, comment dans ces conditions, je peux demander aux autres de penser comme ça, de faire eux-mêmes de bonnes actions qui sont en leurs capacités ? Notamment les plus riches, que j’aimerais voir renoncer à un peu de richesse pour en faire partager le maximum, sans que cela rogne le moins du monde leur train de vie. Qui suis-je alors si je ne peux pas faire cette petite action, complètement neutre pour moi et qui peut faire autant plaisir, et peut-être aider quelqu’un ? »
Ne pas tomber dans cette situation paradoxale est primordial pour moi (en tout cas essayer !). Et si par cette action, je peux continuer à tenir un discours prônant l’amour, la paix, la générosité, le partage… sans discrimination, méfiance, avarice : et si nous sommes assez nombreux à faire de même, alors, peut-être, nous rendrons un jour le monde meilleur.
J’ai évidemment bien à l’esprit que ce n’est pas en offrant des chocolats et des bonnets que la société sera révolutionnée et que nous vivrons dans le monde utopique auquel j’aspire. Mais cela me semble encore plus extravagant de prétendre à une justice sociale, à l’apaisement des conflits de toutes origines et de toute ampleur sans d’abord prendre conscience que rien ne se fera sans petites avancées personnelles.
Maxime
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