Centre de tri Athanor, comment ça marche ? L’interview de Lionel Coiffard

Le 2 juin dernier vous avez élu le sujet “Plongée dans le centre de tri Athanor“. Pour y répondre, L’avertY a réalisé l’interview en direct sur Twitch de Lionel Coiffard, vice-président métropolitain “chargé de la prévention, de la collecte et de la valorisation des déchets“. Disponible en intégralité sur ce replay Youtube ci-dessous, nous vous proposons également une retranscription des moments les plus intéressants.

La rediffusion intégrale

L’intégral dans les conditions du direct

Les moments à ne pas rater

  • Vous êtes né dans les années 60, quelle a été l’évolution de votre pratique personnelle sur le recyclage au fil des décennies ? à 5:44 (ci-dessous)

Je dis souvent que j’ai vu l’évolution. Je suis d’origine drômoise et ardéchoise et quand j’étais petit, 7-10 ans, les déchets c’est un fond de vallée dans lequel les camions viennent vider, se remplit jusqu’à la rivière et le garde champêtre vient foutre le feu une fois par semaine. C’est ça la gestion des années 70-80. Donc aujourd’hui, je ne peux que être content de là où on en est parce que c’était catastrophique.

En même temps c’était des déchets d’ordures ménagères, essentiellement des déchets alimentaires. Il n’y avait pas d’emballages plastiques, pas trop de produits chimiques (lessives, etc). C’était la pratique ancestrale, qu’on trouve dans d’autres pays.

Il y a eu des périodes différentes entre ces années là et aujourd’hui.

Après cette étape de décharge sauvage, c’était le garde champêtre qui le faisait, on est passé à un ramassage de poubelles. On a dit “on peut plus faire ça en fond de vallée” et on va aller tout mettre dans des grandes carrières, dans des zones de décharges légales, organisées. C’est plutôt les années 80-90. À un moment donné, on a dit “on ne peut pas, on va jamais arriver à trouver les lieux” parce qu’entretemps on augmentait les emballages, les volumes. Donc est née la philosophie des incinérateurs. Au départ, un peu bricolés, avec des incinérateurs extrêmement dangereux, qui ne filtraient pas les fumées. On a probablement distribué du cancer autour de tous ces incinérateurs pendant une vingtaine d’années. Il y a eu des dioxines autour de ces incinérateurs.

On avait une multitude de petits incinérateurs parce que c’était plus pratique d’incinérer à proximité. Quelques filtres, on essayait de dissimuler les odeurs. C’est dans ces années là, l’incinérateur de l’agglomération a été construit en 1972, mais déjà avec des règles de sécurité et de dépollution qui étaient draconiennes pour l’époque par rapport aux vallées adjacentes.

Draconiennes à l’époque, mais aujourd’hui ?

Si on compare, c’était une catastrophe. On a pollué l’agglomération, très vraisemblablement. Maintenant, on a fait évoluer l’incinérateur très très régulièrement. Les normes ont bougé et donc je pense qu’aujourd’hui l’incinérateur pollue moins qu’une seule cheminée domestique chez un particulier. Mais ça coûte énormément d’argent. C’est pas juste un petit filtre qui enlève des poussières.

Maquette du centre Athanor : incinérateur au fond, centre de tri devant, déchetterie entre les deux.
  • Une fois triées, les balles (blocs compacts) partent dans d’autres usines, de recyclage qui ne sont pas très proches : en Haute-Loire pour le plastique, dans les Vosges pour le papier, le métal dans les Pyrénées… à 23:56

Il y a aussi une partie du papier qui va en Espagne. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’une fois qu’on a fait les grosses balles, qui sont plus ou moins lourdes. Ces balles essayent d’être le plus normé possible. Si on a une balle de papier blanc, [on fera des] ramettes de photocopies. Le centre de tri va arriver à trier ça pour le séparer du papier journal qui est imprimé en couleurs. Il y a cinq ou six sortes de plastiques différents, il faut toujours séparer les choses. En fonction, c’est un process de recyclage.

Le plastique va être retransformé, va être lavé, retransformé en petites billes. Par exemple une bouteille d’eau transparente, c’est recyclage à l’infini. Par contre la bouteille de Perrier qui est peinte en vert pour des raisons obscures, quelqu’un a dit quelque part dans une agence de com que la bouteille de Perrier devait être verte, et ben ça n’est pas recyclable à l’infini. Dès que c’est colorisé, ça devient marron et après personne ne veut acheter des bouteilles marrons.

Donc à la limite si c’était marron, ça irait ?

Si tout le monde se disait que les bouteilles marrons sont fantastiques pour contenir de l’eau, ça poserait moins de problèmes. Dans la réalité, les bouteilles de type Perrier, colorisées, elles ne peuvent pas être transformées en bouteilles plastiques donc elles vont terminer en tuyaux PVC pour la plomberie. Ce sont des usines très différentes qui traitent tout ça. C’est pour ça qu’il n’y en a pas quinze en France. Sur certaines filières, il y a une seule usine qui fait ce genre de chose. Et je trouve que quand elle est en France, c’est déjà pas mal.

  • Question du chat par “ptit_mic” : Athanor alimente le réseau de chaleur, pouvez-vous en parler ? à 39:20

L’incinérateur, le notre à Grenoble, sert à chauffer 42 000 logements. C’est plutôt positif. C’est bien de faire ça. Y a des incinérateurs de déchets qui chauffent rien en France. Il y a 165 incinérateurs, il y a la moitié qui ne chauffe rien.

C’est à dire ?

Ils brûlent, ils brûlent et ils chauffent les oiseaux.

C’est pas raccordé à la Compagnie de chauffage.

Y a pas de Compagnie de chauffage, y a pas de réseau. Ils sont parfois à la campagne, donc y a pas de maisons à chauffer. Ils brûlent pour détruire. Le notre au moins brûle pour produire du chauffage et un peu d’électricité. Pour autant quand il brûle, il fait comme une cheminée, pour ceux qui ont cette habitude d’avoir une cheminée, il reste de la cendre. Et cette cendre c’est 20% de ce qui est brûlé. Quand on brûle 200 000 tonnes, en fait il reste 40 000 tonnes de cendres. Traduit en camions, c’est des cohortes de camions, de trains.

Cette cendre là c’est une poussière de cheminée, c’est la même chose que ce qu’on obtiendrait avec du bois, sauf qu’elle a été contaminée avec beaucoup de polluants, de plastiques, de produits dangereux, de produits de lessives, tout ce qu’on met dans nos poubelles.

Et qu’est-ce qu’elle devient cette cendre ?

Il faut la dépolluer. On est en train de parler de 30 000 à 40 000 tonnes par an de cette cendre. Ils ont inventé des jolis noms. On le fait maturer. Il y a des plateformes. On va le laisser rincer par la pluie, on récupère le jus de tout ça correctement. Le jus va être séché pour récupérer les produits dangereux. Une fois qu’elle a maturé cette cendre, elle va pouvoir servir en grande partie aux soubassements d’autoroute, de route, de parking. C’est un matériau pas cher, il est donné par les incinérateurs.

Mais moi en tant qu’élu écologiste, je vais ajouter sur le ton de la plaisanterie : et en plus, il ne faut plus faire d’autoroute. Il ne faut plus faire de route, il faut végétaliser les espaces, il ne faut pas goudronner les cours d’écoles, il ne faut pas goudronner les parkings. Donc on fabrique un produit dont il faut pas se servir.

Il n’y a pas d’autres usages actuellement…

C’est trop contaminé. Ce produit, cette cendre, on l’appelle le mâchefer. Dans l’histoire, le mâchefer c’est un sous-produit des mines de charbon. On savait faire avec ce sous-produit des maisons. Mais c’était un sous-produit neutre, inerte. Il n’avait pas de caractéristiques de pollution, comme ce qui peut sortir de l’incinérateur. Aujourd’hui, à part être sous une autoroute, à condition d’avoir été bien traité, dépollué, maturé, pendant quelques années avant, on ne sait rien en faire. Après on fait des tas et on cache les tas sous un volume de terre, on met quelques plantes dessus et on dit que c’est joli.

Y a un mieux à trouver alors ?

Y a un mieux à trouver et le mieux c’est de brûler moins. Comme ça, il y a aura moins de cendres. Les cheminées à ciel ouvert c’est une catastrophe, avec un vieil insert fermé ça va un peu mieux, mais avec un modèle de poêle 7 étoiles, il n’y a pratiquement plus de cendres. Donc là, avec la nouvelle installation, on va se faire un incinérateur 7 étoiles avec de moins en moins de cendres qui optimise la combustion.

Les photos et vidéos de la visite du centre tri Athanor

Le moment du live vers la fin, imagé et commenté.

📣 « Nous baignons toutes et tous dans la culture du viol. »

En complément du mensuel “Balance ton bar : nouvelle vague de témoignages”🔗, L’avertY reproduit la lettre ouverte de “quatre des victimes connues de l’agresseur qui a sévit à la Bobine” en réponse au communiqué publié par le bar associatif sur son site, permettant de prolonger le débat sur la question des violences sexuelles et sexistes.

La Bobine bar et lieu de culture — du viol.

Lettre ouverte du 16/12/2021

Nous, victimes d’un agresseur ayant sévi à La Bobine durant des mois, souhaitons aujourd’hui écrire une lettre ouverte suite au communiqué de cet établissement concernant les agressions que La Bobine a couvert durant tout ce temps, ce dont ils se défendent aujourd’hui dans de nombreux médias.

Étant donné la violence de ce que nous avons vécu en essayant de les alerter,
depuis février 2021, ce communiqué est un moyen de transmettre notre parole sans qu’elle soit dénaturée. Nous voulons prévenir les personnes souhaitant interagir avec cet établissement de quoi sont capables ces institutions qui se prétendent “safe”, dès lors que l’on ose remettre cela en question. De manière générale, nous voulons que la situation qui nous a été imposée par La Bobine ne puisse plus se reproduire. Car aujourd’hui, malgré ce qu’en dit La Bobine dans son communiqué, tout laisse à croire que rien n’a changé dans leur manière de considérer les violences sexistes et sexuelles.

Dans son communiqué, l’association se déresponsabilise complètement des agressions qui ont été commises par son employé. Elle mentionne des “faits de violences sexistes et sexuelles qu’aurait commis l’un de [leur] salariés dans le cadre de sa vie privée”. Ce n’est pas “aurait commis”. Cet homme a bel et bien été condamné à un rappel à la loi pour des faits de harcèlement et violences conjugales. Au vu de la gravité des faits, l’association Serein·e·s a alerté la direction de La Bobine dès février 2021 de la dangerosité de cet employé sexiste et violent. La Bobine ne nous a pas cru alors, tout comme elle remet en question ce témoignage aujourd’hui dans son communiqué en utilisant le conditionnel pour parler des faits. Suite à cette première alerte, une “enquête” aurait été menée, terme bien mal choisi, de l’aveu même du salarié qui l’a faite.

Les quelques questions posées à certain·e·s employé·e·s n’ont servi à rien, si ce n’est à permettre de rompre l’anonymat de victimes, les humilier en laissant l’agresseur donner à tout le monde une version fausse et dénigrante des faits, et à révéler la nature de la relation entre certaines victimes et les personnes ayant pu porter leur témoignage. 
Cela nous a vraiment mises en danger et a envoyé un message clair à tout le monde : osez prendre la parole, vous aurez tort aux yeux de tous et toutes et on vous humiliera, comme on a humilié les autres. L’argument de la vie privée est également complètement malhonnête de leur part.

Nous avons dû leur expliquer que l’état d’ébriété dans lequel il était à La Bobine ou en rentrant de La Bobine décuplait son agressivité (violences conjugales une fois rentré, menaces envers une de ses victimes proférées sur la terrasse…).

Nous avons dû leur expliquer que l’impunité et la protection dont il bénéficiait à La Bobine le faisait se sentir légitime à porter atteinte à l’intégrité physique des femmes (utilisation de son badge de travail pour aller bousculer une de ses victimes au cours du Festival Bob’Out). Tout cela est clairement en lien avec La Bobine. Qu’attendent les responsables ? Un viol au milieu du dancefloor ?

Pourtant La Bobine connait les mécanismes de la culture du viol et sait très bien que les viols et les agressions sexuelles ne sont pas perpétrés par d’illustres inconnus marginaux, ou parce que les victimes l’avaient bien cherché, mais que ce sont des actes commis par nos entourages, parce qu’on alimente un climat ou les violeurs sont excusés et les victimes blâmées. La Bobine le sait très bien, parce qu’elle organise un cycle “Dégenrer la musique”, avec un petit jeu de mot sur l’affiche qui montre que là-bas, on n’a pas peur de “déranger”, de militer. Il y a des articles dans le journal de La Bobine sur l’égalité des genres, des réunions collectives sur le sujet, La Bobine est partie prenante des Assises de la nuit organisées par la Ville de Grenoble, ou encore La Bobine avait organisé un évènement consacré à la culture du viol en milieux festifs, intitulé “La fête, une zone grise ? Violences, Consentement, Prévention” pour mettre en lumière la stratégie des agresseurs.

Les évènements que La Bobine organise laissent penser qu’ils connaissent les stratégies des agresseurs et donc qu’ils ont choisi de les reproduire sur les victimes qui ont témoigné. 
Si La Bobine a laissé un agresseur en poste, ce n’était pas parce que la loi les empêchait de le licencier. Si La Bobine a laissé un agresseur en poste ce n’est pas parce qu’elle n’a pas conscience de “l’urgence à former ses équipes”. La Bobine a préféré protéger avant tout l’association et son image, et pérenniser son fonctionnement, peu importe qu’il soit défaillant et mette des
personnes en danger.

Ce qui est grave et choquant, c’est de lire que ce qui les perturbe ce sont les “accusations” des victimes, et non pas la présence d’un agresseur dans leur équipe.

La Bobine a seulement réagi quand, fatiguées de leur mépris et de nous faire agresser par leur employé là-bas, nous avons posté des messages sur les réseaux sociaux.

En guise de réaction, la Bobine a essayé de nous intimider en disant à des partenaires professionnels qu’on les harcelait, en nous culpabilisant de les mettre dans une situation difficile. La Bobine a essayé de nous épuiser, en nous baladant de rendez-vous en rendez-vous, nous faisant répéter jusqu’à 6 fois les mêmes témoignages, nous demandant d’être leur soutien émotionnel, nous demandant du travail gratuit (comme de mener une enquête pour elles et eux). La Bobine a maintenu le climat de peur qu’elle avait instauré. Vous voulez alerter sur la dangerosité d’un employé sexiste ? Vous vous exposez à l’humiliation, à l’épuisement, aux représailles de l’agresseur aussi via son employeur.

Combien de femmes se sont tues pour se protéger du rouleau compresseur patriarcal bien huilé de cette institution culturelle ? Combien de fois La Bobine s’est-elle rendue coupable de non-assistance à personne en danger ?

Pour éviter que ces questions ne se posent, La Bobine s’est empressée de saturer l’espace médiatique qui a commencé à se créer autour de la parole des victimes, concernant les violences sexistes et sexuelles dans les milieux festifs.

Articles, interviews, communiqué… Ces dernières semaines, La Bobine a diffusé partout la liste de tout ce qu’elle mettait en place de bien sur son lieu de travail (qui sont en fait des obligations légales), pour envoyer des signaux rassurants à ses financeurs et ses publics.

Elle a utilisé les mêmes canaux que les victimes avaient emprunté pour les invisibiliser. Tout en ne modérant pas les commentaires sous leur communiqué, laissant leurs propres employés continuer le harcèlement et l’intimidation instauré. Comble de leur inconsidération à notre égard, alors que la Bobine nous avait promis qu’on rédigerait ce communiqué ensemble, que nous allions “co-construire la suite” en guise de réparation des 10 derniers mois, elle a choisi de parler de notre chair et de notre dignité à notre place, deux jours avant la journée internationale contre les violences faites aux femmes.

“Nous savons qu’elles n’ont d’autre choix que de crier pour se faire entendre” peut-on lire dans leur communiqué. Quelle indécence, combien d’agressions aurait-on pu éviter si vous nous aviez écoutées ? Que savez-vous des luttes féministes, à part les instrumentaliser ? Ne réitérez pas votre soutien aux victimes. Vous n’en avez, à notre connaissance, jamais été d’aucun, et n’avez, au vu de votre communiqué, pas les moyens de l’être.

Nous baignons toutes et tous dans la culture du viol. Nous l’entretenons parfois contre notre gré. Nous ne sommes personne pour enjoindre ce qui doit être fait collectivement à ce sujet. Ce qui est certain, c’est qu’il incombe à chacun et à chacune de prendre ses responsabilités face à cela.
Eva, Clémentine, Marine et Lola (prénoms modifiés), quatre des victimes connues de l’agresseur qui a sévit à la Bobine

Ce communiqué est soutenu par :
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Balance ton bar Grenoble
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Balance ton bar : nouvelle vague de témoignages

Sujet élu le 2 décembre avec 63% des votes | rejoindre les 89 abonné·e·s

Quatre ans après l’effervescence des hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc🔗 sur Twitter, c’est au tour de comptes “Balance ton bar” de fleurir sur Instagram. Ce mouvement apparu mi-octobre à Bruxelles🔗 souhaite libérer la parole en publiant des témoignages anonymes de femmes victimes de viols et agressions sexuelles, spécifiquement dans le monde de la nuit. Cette initiative a trouvé un écho localement avec la création d’une nouvelle page “Balance ton bar Grenoble”, obligeant les gérant·e·s à réfléchir à de meilleurs accompagnements de leur clientèle féminine.

Illustration Alice Quistrebert pour L’avertY.

Qu’ils soient récents ou datant de plusieurs années, la trentaine de témoignages locaux font froid dans le dos. Diffusés sous couvert d’anonymat, ils racontent grâce à une succession de panneaux le déroulé d’une soirée anormale, avec le nom du lieu bien visible en titre. Incriminant parfois les videurs, parfois les serveurs, les récits détaillés des victimes font état de leurs vomissements, trous noirs inhabituels, laissant penser à la prise de drogue à leur insu. Principal suspect, l’acide gammahydroxybutyrique, drogue de synthèse🔗 plus connue sous l’appellation GHB. Difficile à différencier d’un état d’ébriété avancé et rapidement dissoute par l’organisme, son injection est invisible dans des verres d’alcool. Elle peut être mortelle à haute dose.

Cliquez sur l’image pour lire la suite du témoignage sur Instagram © Balance_ton_bar_grenoble

Une autre femme raconte sa soirée démarrée au bar pour finalement se retrouver nue dans l’appartement d’un inconnu🔗 à Grenoble après un trou noir. Malgré un dépôt de plainte par la suite, on lui répond que l’enquête est abandonnée et qu’il « va falloir arrêter de courir à la police dès que vous rentrez avec un garçon qui vous plaît pas, sinon on ne va pas s’en sortir nous ».

Les témoignages publiés sur le compte grenoblois concernent principalement des lieux dansants mais aussi des bars plus classiques où les client·e·s viennent simplement boire un verre. Tous n’impliquent pas des violences sexuelles ou des viols. On peut lire le témoignage d’une ancienne employée du Tonneau de Diogène qui s’est faite agresser par son manager, et qui a par la suite perdu son emploi. Il y a aussi au bar Le Champollion des observations faites par une mère de 40 ans au sujet d’un employé qui « fait boire plus que de raisons de très jeunes filles ». Ou encore au bar brasserie Chez Maksim où le barman demande à la cliente de lui « lécher la joue » pour être servie avant de l’insulter de salope devant les clients face à son refus.

Illustration Alice Quistrebert pour L’avertY.

L’anonymat pour libérer la parole

Contactée par la rédaction, l’administratrice de la page Instagram qualifie les personnes qui témoignent de « survivantes ». Elle explique que les témoignages ne sont pas forcément vérifiés : « Mon rôle n’est pas d’être une enquêtrice, donc je ne trie pas vraiment, je vais simplement anonymiser mais je n’estime pas si tel ou tel témoignage vaut la peine d’être publié ou non. Beaucoup de témoignages n’étaient pas en rapport avec Balance ton bar qui a une visée assez claire, cela concerne les violences faites aux personnes dans le milieu de la nuit notamment avec les soumissions chimiques dans des établissements définis. Malheureusement on ne peut pas publier ce qui s’est passé dans telle rue, en rentrant du bar ; il existe d’autres plateformes pour cela et c’est tant mieux. »

L’administratrice anonyme s’est également confiée au média Place Gre’net🔗. Se définissant comme une « militante féministe » elle indique avoir « voulu surfer sur ce mouvement venu de Bruxelles, car, ici aussi, il y avait une forte demande de pouvoir témoigner ».

Cliquez sur l’image pour lire la suite du témoignage sur Instagram © Balance_ton_bar_grenoble

Côté gérant, l’anonymat est aussi de mise pour témoigner sur ce sujet sensible. Comme pour ce témoignage où cette fois-ci il n’y avait pas de GHB, preuve à l’appui : « Une jeune fille est venue nous trouver pensant avoir été droguée dans notre bar. Par chance nos caméras la filment toute la soirée. Elle et ses amis ont bu sept bouteilles d’alcool fort et il s’avère qu’elle a bu dix-sept verres. Elle s’est retrouvée à l’hôpital et a cru avoir été droguée. Si cette personne n’était pas venue nous voir, cela aurait créé des catastrophes sur les réseaux sociaux. »

Les réactions des gérant·e·s

Explicitement accusés d’être complices de ce qui se passe dans leur établissement, des responsables ont tenté de répondre au mouvement, parfois maladroitement. La boîte de nuit Lamartine, proche de la place Victor Hugo a répondu directement en commentaire🔗 sur Instagram suite à plusieurs témoignages, sans convaincre. La Bobine, bar associatif également cité pour un serveur “sexiste et violent”🔗 resté en poste plusieurs mois après les faits, a décidé de répondre par un communiqué de presse le 23 novembre sur son site🔗. S’en est suivi une réponse collective de “quatre des victimes connues de l’agresseur” dans une lettre ouverte mi-décembre, que L’avertY republie en intégralité dans une contribution citoyenne à lire ici🔗.

Pour Irena Chelihi, gérante du Barberousse de Grenoble depuis environ 5 ans, il n’y a pas de fatalité face à ces témoignages. Elle souhaite travailler avec le mouvement Balance ton bar.

« Je ne veux pas, comme c’est la tendance actuellement, qu’on oppose les bars et le mouvement féministe. Je travaille au Barberousse depuis une quinzaine d’années, je suis une féministe convaincue. Je me suis imposée dans un milieu très masculin et les réflexions sexistes tombent tous les jours, je sais ce que c’est. » — Irena Chelihi, gérante du Barberousse Grenoble.

« Mais ce mouvement ne peut pas tout se permettre sous prétexte de vouloir faire avancer les choses », nuance-t-elle. « Derrière, il y a des professionnels avec un permis d’exploitation. Dans notre bar, nous avons 9 caméras sur 37m², nos videurs les guettent, moi également. J’ai, depuis ce mouvement, mis en place une campagne de communication, acheté des protections de verres. Cependant, les clients nous affirment se sentir en sécurité chez nous. Depuis dix ans la politique menée ici est la même : zéro tolérance sur les drogues, un ramassage des verres toutes les dix minutes par les serveurs, qui vérifient au passage si tout le monde va bien. »

Cliquez sur l’image pour lire la suite du témoignage sur Instagram © Balance_ton_bar_grenoble

La Bobine propose aussi désormais des protège-verres et s’inscrit aux Assises de la nuit 2022, organisées par la Ville de Grenoble en réponse à Balance ton bar (voir en fin d’article). L’association a également fait appel à une accompagnatrice de violences sexuelles et sexistes (VSS) afin que le personnel soit formé sur les VSS et qu’une parole se libère entre employé·e·s et bénévoles après les accusations formulées.

Faire face après le choc des révélations

Irena Chelihi avoue cependant avoir été abasourdie par les témoignages. Elle s’est rapprochée d’associations luttant contre les violences sexistes et sexuelles afin de travailler main dans la main : « Je veux créer quelque chose de positif à partir de ce mouvement. Je souhaiterais par exemple regrouper, dans un collectif, les membres de la nuit grenobloise et les associations. Il ne faut pas qu’il y ait d’opposition mais un travail commun. » Elle ajoute : « Ce que nous cherchons dans nos établissements c’est cultiver la convivialité, le partage, la proximité. Nous souhaitons que nos clients passent un bon moment mais nous ne vivons pas dans un monde de bisounours c’est pourquoi la prise de conscience doit être globale. »

Un autre gérant d’un établissement épinglé (qui souhaite rester anonyme) se dit “choqué, voire horrifié” suite à la lecture des témoignages de Balance ton bar Grenoble. “Tu entends toujours des trucs, même avant que je bosse en bar, mais tu as du mal à y croire. Et en fait si, ça existe.” Il aurait souhaité “pouvoir s’excuser” auprès des victimes, “au nom de l’établissement”. “Mal renseigné”, il a ensuite contacté la mairie pour en savoir plus sur le GHB et ses effets.

Cliquez sur l’image pour lire la suite du témoignage sur Instagram © Balance_ton_bar_grenoble

La réaction de la ville de Grenoble

Pour répondre à ce mouvement, la Ville de Grenoble a réagi par communiqué mi-novembre et a décidé de renforcer son volet dédié aux femmes dans son programme des “Assises de la nuit” prévues ce premier trimestre 2022, bientôt renommées “Grenoble la nuit”, « afin de bâtir, avec les associations, les usagers et usagères, les réponses adaptées à la vie nocturne. » La phase de diagnostic a été lancée avec « les associations🔗, collectifs féministes et organisateurs de soirée ». Elle sera suivie d’une restitution auprès du public à laquelle seront conviés plus largement les grenoblois·es afin d’établir un “plan de la nuit”. Cette date de restitution n’est pas encore programmée.

Jusqu’ici, des associations sollicitées par la ville de Grenoble proposaient durant la dernière édition de “l’Été Oh ! Parc” des ateliers d’autodéfense dédiés aux femmes. Et depuis 2021, « les policières et policiers municipaux suivent, à leur demande, un cursus supplémentaire » en lien avec les violences sexuelles et sexistes « en plus du socle de formation obligatoire » afin d’accompagner au mieux les victimes.

Le maire, Éric Piolle, a également interpellé dans une lettre ouverte le chef de l’État pour aller plus loin sur ces questions, formulant constats et propositions🔗. Sans attendre que ce thème soit pris à bras le corps par les politiques nationales, les réseaux sociaux continuent d’accueillir et de porter la parole libérée de milliers d’anonymes.

Reportage réalisé par la rédaction de L’avertY
Illustrations Alice Quistrebert

La rédaction de L’avertY au premier trimestre de la saison 2021-2022.

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