Le 2 juin dernier vous avez élu le sujet “Plongée dans le centre de tri Athanor“. Pour y répondre, L’avertY a réalisé l’interview en direct sur Twitch de Lionel Coiffard, vice-président métropolitain “chargé de la prévention, de la collecte et de la valorisation des déchets“. Disponible en intégralité sur ce replay Youtube ci-dessous, nous vous proposons également une retranscription des moments les plus intéressants.
La rediffusion intégrale
Les moments à ne pas rater
- Vous êtes né dans les années 60, quelle a été l’évolution de votre pratique personnelle sur le recyclage au fil des décennies ? à 5:44 (ci-dessous)
Je dis souvent que j’ai vu l’évolution. Je suis d’origine drômoise et ardéchoise et quand j’étais petit, 7-10 ans, les déchets c’est un fond de vallée dans lequel les camions viennent vider, se remplit jusqu’à la rivière et le garde champêtre vient foutre le feu une fois par semaine. C’est ça la gestion des années 70-80. Donc aujourd’hui, je ne peux que être content de là où on en est parce que c’était catastrophique.
En même temps c’était des déchets d’ordures ménagères, essentiellement des déchets alimentaires. Il n’y avait pas d’emballages plastiques, pas trop de produits chimiques (lessives, etc). C’était la pratique ancestrale, qu’on trouve dans d’autres pays.
Il y a eu des périodes différentes entre ces années là et aujourd’hui.
Après cette étape de décharge sauvage, c’était le garde champêtre qui le faisait, on est passé à un ramassage de poubelles. On a dit “on peut plus faire ça en fond de vallée” et on va aller tout mettre dans des grandes carrières, dans des zones de décharges légales, organisées. C’est plutôt les années 80-90. À un moment donné, on a dit “on ne peut pas, on va jamais arriver à trouver les lieux” parce qu’entretemps on augmentait les emballages, les volumes. Donc est née la philosophie des incinérateurs. Au départ, un peu bricolés, avec des incinérateurs extrêmement dangereux, qui ne filtraient pas les fumées. On a probablement distribué du cancer autour de tous ces incinérateurs pendant une vingtaine d’années. Il y a eu des dioxines autour de ces incinérateurs.
On avait une multitude de petits incinérateurs parce que c’était plus pratique d’incinérer à proximité. Quelques filtres, on essayait de dissimuler les odeurs. C’est dans ces années là, l’incinérateur de l’agglomération a été construit en 1972, mais déjà avec des règles de sécurité et de dépollution qui étaient draconiennes pour l’époque par rapport aux vallées adjacentes.
Draconiennes à l’époque, mais aujourd’hui ?
Si on compare, c’était une catastrophe. On a pollué l’agglomération, très vraisemblablement. Maintenant, on a fait évoluer l’incinérateur très très régulièrement. Les normes ont bougé et donc je pense qu’aujourd’hui l’incinérateur pollue moins qu’une seule cheminée domestique chez un particulier. Mais ça coûte énormément d’argent. C’est pas juste un petit filtre qui enlève des poussières.
- Une fois triées, les balles (blocs compacts) partent dans d’autres usines, de recyclage qui ne sont pas très proches : en Haute-Loire pour le plastique, dans les Vosges pour le papier, le métal dans les Pyrénées… à 23:56
Il y a aussi une partie du papier qui va en Espagne. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’une fois qu’on a fait les grosses balles, qui sont plus ou moins lourdes. Ces balles essayent d’être le plus normé possible. Si on a une balle de papier blanc, [on fera des] ramettes de photocopies. Le centre de tri va arriver à trier ça pour le séparer du papier journal qui est imprimé en couleurs. Il y a cinq ou six sortes de plastiques différents, il faut toujours séparer les choses. En fonction, c’est un process de recyclage.
Le plastique va être retransformé, va être lavé, retransformé en petites billes. Par exemple une bouteille d’eau transparente, c’est recyclage à l’infini. Par contre la bouteille de Perrier qui est peinte en vert pour des raisons obscures, quelqu’un a dit quelque part dans une agence de com que la bouteille de Perrier devait être verte, et ben ça n’est pas recyclable à l’infini. Dès que c’est colorisé, ça devient marron et après personne ne veut acheter des bouteilles marrons.
Donc à la limite si c’était marron, ça irait ?
Si tout le monde se disait que les bouteilles marrons sont fantastiques pour contenir de l’eau, ça poserait moins de problèmes. Dans la réalité, les bouteilles de type Perrier, colorisées, elles ne peuvent pas être transformées en bouteilles plastiques donc elles vont terminer en tuyaux PVC pour la plomberie. Ce sont des usines très différentes qui traitent tout ça. C’est pour ça qu’il n’y en a pas quinze en France. Sur certaines filières, il y a une seule usine qui fait ce genre de chose. Et je trouve que quand elle est en France, c’est déjà pas mal.
- Question du chat par “ptit_mic” : Athanor alimente le réseau de chaleur, pouvez-vous en parler ? à 39:20
L’incinérateur, le notre à Grenoble, sert à chauffer 42 000 logements. C’est plutôt positif. C’est bien de faire ça. Y a des incinérateurs de déchets qui chauffent rien en France. Il y a 165 incinérateurs, il y a la moitié qui ne chauffe rien.
C’est à dire ?
Ils brûlent, ils brûlent et ils chauffent les oiseaux.
C’est pas raccordé à la Compagnie de chauffage.
Y a pas de Compagnie de chauffage, y a pas de réseau. Ils sont parfois à la campagne, donc y a pas de maisons à chauffer. Ils brûlent pour détruire. Le notre au moins brûle pour produire du chauffage et un peu d’électricité. Pour autant quand il brûle, il fait comme une cheminée, pour ceux qui ont cette habitude d’avoir une cheminée, il reste de la cendre. Et cette cendre c’est 20% de ce qui est brûlé. Quand on brûle 200 000 tonnes, en fait il reste 40 000 tonnes de cendres. Traduit en camions, c’est des cohortes de camions, de trains.
Cette cendre là c’est une poussière de cheminée, c’est la même chose que ce qu’on obtiendrait avec du bois, sauf qu’elle a été contaminée avec beaucoup de polluants, de plastiques, de produits dangereux, de produits de lessives, tout ce qu’on met dans nos poubelles.
Et qu’est-ce qu’elle devient cette cendre ?
Il faut la dépolluer. On est en train de parler de 30 000 à 40 000 tonnes par an de cette cendre. Ils ont inventé des jolis noms. On le fait maturer. Il y a des plateformes. On va le laisser rincer par la pluie, on récupère le jus de tout ça correctement. Le jus va être séché pour récupérer les produits dangereux. Une fois qu’elle a maturé cette cendre, elle va pouvoir servir en grande partie aux soubassements d’autoroute, de route, de parking. C’est un matériau pas cher, il est donné par les incinérateurs.
Mais moi en tant qu’élu écologiste, je vais ajouter sur le ton de la plaisanterie : et en plus, il ne faut plus faire d’autoroute. Il ne faut plus faire de route, il faut végétaliser les espaces, il ne faut pas goudronner les cours d’écoles, il ne faut pas goudronner les parkings. Donc on fabrique un produit dont il faut pas se servir.
Il n’y a pas d’autres usages actuellement…
C’est trop contaminé. Ce produit, cette cendre, on l’appelle le mâchefer. Dans l’histoire, le mâchefer c’est un sous-produit des mines de charbon. On savait faire avec ce sous-produit des maisons. Mais c’était un sous-produit neutre, inerte. Il n’avait pas de caractéristiques de pollution, comme ce qui peut sortir de l’incinérateur. Aujourd’hui, à part être sous une autoroute, à condition d’avoir été bien traité, dépollué, maturé, pendant quelques années avant, on ne sait rien en faire. Après on fait des tas et on cache les tas sous un volume de terre, on met quelques plantes dessus et on dit que c’est joli.
Y a un mieux à trouver alors ?
Y a un mieux à trouver et le mieux c’est de brûler moins. Comme ça, il y a aura moins de cendres. Les cheminées à ciel ouvert c’est une catastrophe, avec un vieil insert fermé ça va un peu mieux, mais avec un modèle de poêle 7 étoiles, il n’y a pratiquement plus de cendres. Donc là, avec la nouvelle installation, on va se faire un incinérateur 7 étoiles avec de moins en moins de cendres qui optimise la combustion.
Les photos et vidéos de la visite du centre tri Athanor