📣 « Nous pensons que ce projet est complètement fou »

L’avertY a rencontré l’association Neyrpic autrement, lors d’une conférence de presse, afin de proposer aux membres d’exprimer leur point de vue citoyen sur le projet de centre commercial à Saint-Martin-d’Hères. C’est Elisabeth Letz qui s’est exprimé sur le sujet, elle milite contre le projet actuel depuis une décennie.

En février 2008 (mais ça avait déjà commencé avant), le promoteur Maurice Bansay de la société Apsys signe avec Territoires 38 (propriétaire de 4,5 ha sur le territoire de Saint-Martin-d’Hères) une promesse de vente, sous réserve de l’obtention du permis de construire son projet de centre commercial. Ce permis qui devra être purgé de tout recours.

Avec quelques autres, nous pensons que ce projet est complètement fou, n’a aucun intérêt pour les Martinérois et que les élus majoritaires sont irresponsables de défendre un tel projet. En effet, amener une telle clientèle supplémentaire sur l’avenue Péri, déjà saturée, augmenterait les difficultés de circulation et la pollution de l’air déjà forte à cet endroit. Et la marchandise de ces boutiques et restaurants viendrait probablement de Chine avec des transports insupportables pour la planète.

Qu’est-ce que signifie ce projet ? Que les élus ne considèrent les citoyens que comme des consommateurs ? Que pour eux le territoire de la commune a pour seule vocation de rapporter de l’argent ? Mais pour quoi faire ? Ils n’en savent rien, pas plus que ce qu’ils auraient pu faire d’autre de ce site qui était qualifié dans le SDAU, ancêtre du SCOT, d’espace stratégique à vocation innovation, ce qui était incompatible avec un centre commercial. Cela leur a été rappelé plusieurs fois par le Préfet.

Plus de 10 ans après, le premier permis de construire qui démolissait les bâtiments existants vient d’être purgé de tout recours. Le pourvoi en cassation ayant été rejeté par le Conseil d’Etat, la friche industrielle est toujours là. Et un deuxième permis de construire que la ville a donné au promoteur, après une enquête publique désastreuse, fait à nouveau l’objet de recours. La ville et le promoteur s’entêtent sur leur projet de centre commercial sans même se rendre compte que nous ne sommes plus dans les années 70… La ville de SMH est dirigée par des communistes depuis 75 ans, qui n’ont toujours pas réussi à faire un centre-ville et voudraient en obérer la dernière opportunité. Car un centre commercial entièrement bétonné et fermé sur lui-même ne fera jamais un centre-ville, pas plus que le “nouveau centre-ville” à côté duquel on a installé un Leclerc, pas plus que la ZAC centre qui ne compte que des logements, pas plus que la ZAC Brun…

Lorsque l’enquête publique a démarré, fin novembre 2017, la ville s’est bien gardée de le faire savoir aux habitants et je me demande vraiment pourquoi : s’ils sont si fiers de leur projet pourquoi le cachent-ils ? Au lieu de ça, ils ont apposé deux grands panneaux sur le site annonçant “ouverture en 2020” : depuis plus de 10 ans, l’ouverture est annoncée dans 3 ans. Le maire a ensuite annoncé la pose de la première pierre, alors que le promoteur n’a toujours pas acheté le terrain. Nous avions essayé de faire savoir l’existence de cette enquête publique à laquelle plus de 200 personnes ont donné un avis défavorable argumenté avec des propositions qui vont nous servir de base pour travailler à l’élaboration d’un projet alternatif, avec tous ceux qui sont concernés : habitants, associations, entrepreneurs, commerçants, universitaires, acteurs culturels, etc.

La situation évolue : en réponse à l’article où nous dénoncions le mensonge de cette annonce d’ouverture, voulant faire croire à tout le monde que les choses étaient enclenchées, le maire a fini par dire qu’il ferait tout ce qu’il pourrait avec le promoteur pour que le projet se fasse. Il n’est donc plus si sûr.

Et puis le lendemain, lors de la marche pour le climat et la justice sociale, le projet Neyrpic a été hué par plus de 10 000 personnes. Notre action commence à être connue en dehors de Saint-Martin-d’Hères et cela lui donne une autre dimension, celle de la zone de chalandise du centre commercial était de 600 000 habitants.

Elisabeth Letz, membre de l’association Neyrpic autrement et habitante de Saint-Martin-d’Hères depuis 33 ans.

L’avertY est un média participatif sur l’agglomération grenobloise. Chaque mois, il permet aux citoyens de prendre la parole sous la forme d’une contribution citoyenne, comme celle-ci. Vous aussi, prenez la parole pour ré-inventer l’information locale !

Garanties pour chaque publication :
– pas de modifications des textes sans accord de l’auteur, dans l’unique but de rendre l’information plus lisible et compréhensible pour tout le monde.
– publiée avec la même attention que les autres contributeurs.
– correction des fautes d’orthographe.
– aide à l’écriture possible.

Mail de contact : ludovic.chataing@laverty.fr

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[débat] Éduquer la jeunesse à la citoyenneté

Le 12 mars dernier, L’avertY a organisé à Grenoble un débat sur le thème “Quels contre-pouvoirs citoyens sur les décisions politiques, entre chaque élections ?”. Il s’inscrit dans le cadre du Grand Débat proposé par le gouvernement entre le 15 janvier et 15 mars. Un compte-rendu public a donc été rédigé, puis publié sur la plateforme dédiée. Le voici.

Production des idées sous forme de post-it.

Date : mardi 12 mars 2019, de 18h45 à 20h45.
Thème : Démocratie et citoyenneté
Sous-thème proposé, suite à un vote en ligne : Quels contre-pouvoirs citoyens sur les décisions politiques entre chaque élections ?
Lieu : Café-restaurant Le Trankilou à Grenoble.
Organisation : le média local participatif L’avertY, avec Ludovic Chataing et Anne-Sophie Girard.

Une présentation pour rappeler le cadre du débat, et la démarche du média est faite par Ludovic Chataing. Puis Anne-Sophie Girard propose un déroulé du débat. Cinq personnes sont venues pour le débat. Il est acté que Anne-Sophie et Ludovic participeront aussi au débat en tant que citoyens pour porter le nombre de participants à sept personnes.

Ce compte-rendu est proposé à relecture par les personnes présentes qui ont laissé leur contact mail, avant que le rapporteur l’envoi sur la plateforme dédiée. Il est rappelé que chacun·e peut également contribuer aux questionnaires individuels.

La première étape consiste en la présentation des personnes présentes, comme elles le souhaitent. Avec la proposition d’expliquer pourquoi être venu au débat.

Isabelle : infirmière, 4 enfants. Elle précise n’être pas beaucoup mobilisée sur le sujet avec son rythme de travail. Elle se sent loin du Grand Débat.

Nathalie : séparée, 3 enfants. Elle s’intéresse à la qualité de vie au travail. Elle a beaucoup de choses à dire sur les sujets du Grand Débat. Elle trouve ça important et super que les gens puissent se réapproprier la parole. C’est un processus qui est lancé. Elle est originaire de Haute-Savoie, proche de la Suisse, où il y a un système de votation. “Je trouve ça fabuleux”.

Marc : Grenoblois. Très présent sur Twitter. Il aime les questions sur la démocratie.

Florian : astrophysicien. Il est venu pour la question précise sur les contre-pouvoirs et s’interroge comment peut-on faire pour renverser légalement le pouvoir en place.

Alain : papa célibataire, historien d’art. Il est engagé dans le cadre des allocataires du RSA, pour défendre les gens du RSA. Il a pratiqué des marches entre Grenoble et Paris, entre Grenoble et Bruxelles. Il aime le thème spécifique aux contre-pouvoirs.

Anne-Sophie : du Touvet. Il n’y a pas beaucoup de grand débat vers chez elle.

Ludovic : grenoblois, journaliste web qui développe le média L’avertY qui est participatif, tourné vers les citoyens. Le mot citoyen est le coeur de son projet. Ce serait dommage de ne pas tenter un débat et voir ce qu’on peut en tirer. S’approprier les outils qu’on nous donne. Jouer le jeu et voir où ça mène.

1. Première partie du débat proposée sous forme de post-it pour “poser une parole”

Les participants sont invités à répondre à la question sur les contre-pouvoirs dans trois catégories :

• ce qui marche
• ce qui ne marche pas bien
• des propositions

Pendant quelques minutes, chacun réfléchit individuellement, puis on réalise un tour de table où les idées sont présentées. Quelques propositions sont ajoutées en cours de tour de table, s’appuyant sur les réflexions des autres participants.

Dans ce qui marche comme contre-pouvoirs :
• les médias comme contre-pouvoirs (sont cités Médiapart, Le Canard Enchaîné, Konbini).
• la Cour des comptes.
• les navettes parlementaires.
• les manifestations, historiquement les manifestations ont obtenu des résultats sociaux.
• les réseaux sociaux.
• “Il existe localement des choses, mais qui y participe ? Quels rôles ?”
• le lobbying citoyen dans des associations engagées.

Dans ce qui ne marche pas bien comme contre-pouvoirs :
• les référendums, il n’y a plus de référendum depuis le non-respect du résultat du référendum de 2005.
• les manifestations, l’impression que ça ne sert à rien. Que ça ne bouge pas suite aux manifestations, avec pour exemple la loi travail sous Hollande.
• un ras-le-bol du parisianisme et de la connivence entre médias et politiques. Quelque chose qui échappe aux régions.
• les oppositions politiques systématiques, parce que c’est un autre parti. N’est plus d’actualité.
• les professionnels de la politique. Exemple de Manuel Valls, qui part chercher du travail où il y en a.
• “les commissions dans mon petit village”.
• les votes régionaux ou locaux quand on vote pour une équipe. Il ne se passe pas ce pourquoi on a voté. “Voter pour le moins pire, ne me convient pas”.
• tout remettre à plat parce qu’on change de bord politique.
• les pétitions en ligne, même 2 millions de voix n’apportent pas de réponse. Problème d’efficacité.

Les propositions de contre-pouvoirs :
• que les politiques ne puissent appliquer que ce que le programme a prévu.
• des rencontres régulières entre élus et citoyens, une culture du débat.
• un espace de discussions moins formel entre citoyens et élus. Exemple de la team buvette, un groupe de citoyens qui interpelle et discute “sans langue de bois” avec les élus dans des bars.
• l’apprentissage de la parole à l’école et du débat.
• l’apprentissage de l’altérité, respect de l’autre et des différences. Exemple d’un prof qui parlait mal à un élève, qui s’est refermé sur lui-même. Sortir du conflit systématique.
• installer une nouvelle constitution.
• que les politiques rendent des comptes en cours de mandat.
• localement, créer des boîtes à idées (villages, villes).
• un conseil citoyen, qui obtient un vrai pouvoir entre l’Assemblée Nationale et le Sénat.
• un journal des bonnes nouvelles.
• prendre en compte le vote blanc, avec instauration d’un quorum pour élire quelqu’un.

À ces propositions, il faut signaler la posture de Alain qui ne souhaite pas faire de propositions, mais souhaite écouter. Il explique ne plus avoir les moyens de se poser des questions. Il note le désintérêt massif des allocataires du RSA pour participer à la vie politique. Sur 7000 personnes au RSA sur la métropole grenobloise, seulement trois viennent au forum dédié. Il se sent marginalisé “on ne peut plus discuter, on ne peut plus réfléchir”. Les problématiques des allocataires sont “très terrestres”. Il évoque une personne au RSA qui s’est immolée par le feu, une maman de 28 ans qui s’est défenestrée.

Malgré cette posture, quelques propositions sont formulées par Anne-Sophie, vis-à-vis de son discours :

• Résoudre des problématiques concrètes du quotidien.
• Être acteurs, pouvoir prendre des initiatives au quotidien.

Ces propositions ne lui conviennent pas.

Une nouvelle proposition est formulée par Ludovic, et acceptée par Alain, sur la base de ce qu’il a dit :

• Arrêter de traiter la précarité uniquement avec les précaires.

Idées développées
Au cours des discussions du groupe, sont abordées les réflexions suivantes :

• La possibilité d’être un citoyen relai dans son quartier. Marc explique qu’il peut aborder le maire de Grenoble sur le terrain pour lui rapporter certains faits dont il a connaissance, mais qu’il ne peut pas être officiellement intégré dans un processus citoyen plus global. Il considère que son action permet de ne pas abandonner certains publics.

• La situation sociale est perçue comme dramatique, intenable pour Alain. Il raconte l’exemple d’une femme qui préfère “la prostitution occasionnelle plutôt que de demander le RSA”.

• La question de la participation au Grand Débat est abordée. L’intérêt d’y participer ou non. Selon le nombre de participants au débat, ou selon la modalité de débat, il n’y a pas la même possibilité d’expression des participants.

• L’éventualité d’annuler un vote en cas de faible participation (quorum). L’aspect économique est l’argument souvent opposé à cette possibilité. Le vote en ligne est énoncé.

• Lors des élections, seul le chiffre sur la participation est autorisé à être diffusé. Couplé au fait qu’il n’y ait pas de représentation des votes blancs et/ou nuls, cela peut inciter les personnes à ne pas voter plutôt que voter blanc.

• Les manifestations sont perçues à la fois comme contre-pouvoirs possibles, et à la fois inefficaces. Sur la loi travail, Ludovic ajoute qu’elle a été modifiée au cours des mois de mobilisation sous Hollande. Que selon le pouvoir en place, ce n’est pas la même réaction, possibilité d’influence, et que les propositions politiques sont souvent testées dans les médias avant d’être présentées aux parlementaires, afin de voir la réaction passive ou active des citoyens sur le sujet.

2. Deuxième et dernière partie du débat proposée sous forme de carte heuristique

L’idée de cette deuxième partie et de choisir une des propositions pour l’approfondir. Après hésitations entre le référendum d’initiative citoyenne et l’éducation des enfants, c’est finalement cette dernière qui est choisie.

Carte heuristique rédigée par Anne-Sophie d’après les interventions du groupe.

Éduquer la jeunesse à la citoyenneté” est le titre choisi. Voici un résumé littéral, sur la base de cette carte.

A. L’âge d’éducation à la citoyenneté ?

Jusqu’à quand faut-il apprendre ? Est-ce qu’on doit focaliser cet apprentissage jusqu’à ce que les jeunes deviennent actifs ? Jusqu’à quel âge est-on considéré comme jeune ? Remarque de l’importance que toutes les classes d’âges s’approprient en même temps cette question de l’éducation à la jeunesse.

B. Les moyens donnés.

Il est acté en groupe qu’il faut se donner les moyens pour réussir une éducation à la citoyenneté. On parle d’expérimentations pédagogiques. L’école est perçue comme un lieu pour apprendre les codes, les techniques, mais dans l’optique d’apprentissage à la citoyenneté, aller plus loin que les connaissances théoriques qu’on peut avoir en éducation civique. Il faut de la pratique, avec de “vraies” personnes, en présentiel. Le conseil municipal des enfants est évoqué, mais semble être une expérience différente selon la commune.

C. Solutions proposées détaillées.

Pour éduquer à la citoyenneté, cela passe par l’apprentissage de l’esprit critique, l’apprentissage du débat, avoir le droit d’être en désaccord.

Cet apprentissage de la citoyenneté pourrait être fait entre pairs (entre élèves), avec la condition de sortir de ses cercles de vie habituels, de sortir de sa zone de confort. Faire rencontrer des lycéens de villes ou quartiers différents serait intéressant. De mélanger les horizons, se confronter à d’autres univers, d’autres façons de penser, pour apprendre à vivre ensemble. Cette idée est possible à condition de poser un cadre qui le permet, d’avoir des lieux de rencontre, des partenariats entre lycées / collèges (différentes classes donc).

L’autre idée est d’amener les personnes à faire partie d’associations. Le service civique est évoqué. Cela permet de se poser des questions sur la société, de s’ouvrir à l’autre (altérité).

Conclusions / retours des participants :

Un tour de table est effectué pour donner son sentiment sur cet exercice. Dans l’ensemble, les participants étaient satisfaits de l’exercice. Le sentiment d’avoir trouvé une idée en commun sans clivage interroge, mais par expérience d’un participant les débats se déroulent généralement dans le respect des autres. Globalement, se retrouver d’horizons différents et pouvoir partager et débattre est déjà perçu comme une vraie richesse.

Compte-rendu rédigé par Ludovic Chataing

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📣 « Se sentir enfin compris et non jugé »

Sabrina a partagé un post sur Facebook où elle promet à son fils de 3 ans “qu’on se battrait ensemble pour faire connaître le trouble de l’oralité”. En contact avec L’avertY, elle a accepté que le média publie plus largement son témoignage. Un trouble peu connu qu’elle nous explique.

Étant bébé, notre fils Enzo ne mettait rien à la bouche. À la diversification, au moment où on donne des purées moins mixées, des petits boudoirs ou des petites pâtes fondantes dans la purée : il avait des haut-le-cœur, il y avait des pleurs, des cris, les repas étaient devenus sources de stress pour lui et pour nous, et il finissait par vomir. Il fallait que les purées soient bien lisses sinon, s’il y avait un petit bout mal mouliné, le repas s’arrêtait là. Il ne voulait que les mêmes yaourts ou compotes. Si on changeait de marque, il n’arrivait pas à les manger.

Le pédiatre nous a dit de continuer à mixer et proposer plus tard des morceaux, que ce n’était pas inquiétant. On nous a demandé d’attendre ses deux ans pour faire quelque chose et qu’il finirait bien par en manger un jour. Mais arrivé à deux ans, Enzo ne mangeait toujours pas de morceaux. Même un bonbon, des frites ou du chocolat ne lui faisaient pas envie. Il avait des haut-le-cœur, et même les yaourts qu’il prenait sans problème auparavant, il les refusait une fois sur deux.

Il ne voulait presque plus rien manger, notre inquiétude grandissait et des personnes, que parfois nous ne connaissions même pas, se permettaient de juger notre enfant et notre éducation : “pas assez d’autorité”, “il faut le forcer”, “il vous marche sur les pieds”, ou encore, “mais quel caprice”, “il vous fait du cinéma”, “moi si j’étais vous…”

Nous avons revu le pédiatre et nous avons insisté sur le fait qu’il fallait faire quelque chose, car il ne mangeait presque plus rien. Nous avions peur d’une hospitalisation au vu de son poids qui descendait. On nous a alors dit qu’un enfant ne se laissait pas mourir de faim, que cela était passager, mais par précaution on nous a orienté vers un orthophoniste pour un bilan.

Nous avons appelé énormément d’orthophonistes en expliquant notre cas. Beaucoup avaient 6 mois à 1 an d’attente, voir plus. Et nous sommes tombés sur une orthophoniste qui avait une place qui se libérait sous une semaine et demie. Elle a pris le temps de nous écouter, de nous rassurer. Elle nous a appris ce qu’aucun autre professionnel n’avait décelé avant : il souffre d’un trouble de l’oralité (syndrome de dysoralité sensorielle oral et tactile de stade 2 : hypersensibilité aux goûts, aux odeurs et textures, plus une difficulté pour toucher certaines matières).

Mettre un nom sur ce qu’il a, se sentir enfin compris et non jugé, nous a en quelque sorte permis de respirer à nouveau, même si on savait que cela n’allait pas être facile tous les jours. Elle nous a expliqué qu’il faudrait faire une séance par semaine. Lui faire 8 massages par jour à la maison dans la bouche pour le désensibiliser, en étant assidu. Et des exercices que l’on a découvert au fil des semaines.

Au fil des mois, on avait de belles avancées avec l’acceptation de certains aliments juste sur les lèvres, le bout de la langue en léchant. Il s’est remis à manger de la soupe puis de la purée. Le toucher des matières était plus facile pour lui. Parfois des fausses routes en essayant d’avaler, d’autres fois des gros progrès, puis des retours en arrière durs pour le moral. Mais notre orthophoniste était là pour aider Enzo, nous soutenir et nous remotiver.

Un ans et trois mois après, il a commencé à mâcher un peu et avaler son premier morceau. Un petit bout de pâte sablée cru, fait maison, qu’on avait cuisiné ensemble. C’était la première fois qu’il prenait plaisir à manger un morceau. On a continué sur le jeu, sans le forcer et en le faisant manger avec nous.

Aujourd’hui, Enzo est dans une phase où il découvre les petits morceaux comme le poulet, les pâtes, le fromage, grâce à des jeux mis en place pour lui faire découvrir… en même temps que ses purées. Les quantités de morceaux ne sont pas encore assez suffisantes pour le moment, et nous savons que cela peut mettre du temps avant qu’il ne mange vraiment comme nous. Mais chaque semaine, on essaye un aliment nouveau. Parfois cela passe, parfois non. Mais on le soutient et il réessaye plus tard. Il ne mange pas encore tous les morceaux car il faut d’abord qu’il les apprivoise en le sentant, en le portant à la bouche et lui proposer plusieurs fois. Mais il se bat tous les jours du haut de ses 3 ans et demi.

Grâce à notre orthophoniste (merci énormément Melody! 😊) et grâce aux massages et exercices, il a trouvé le goût de manger. C’est déjà un gros progrès, même si quand il est malade, comme pour un mal de gorge, cela le fait retourner en arrière. Il faut patienter le temps qu’il guérisse, surveiller son poids et recommencer petit à petit sans stresser (plus facile à dire qu’à faire, mais nous sommes bien soutenus par ses conseils).

C’est un long combat, mais on veut faire connaître ce syndrome de dysoralité sensorielle et faire réaliser à tout le monde que nos enfants présentant ce syndrome ne font pas de caprices, que nous ne sommes pas trop laxistes et que ce n’est pas une question d’autorité, car cela ne ferait qu’empirer les choses. Ce n’est pas qu’ils font du cinéma ou qu’ils ne veulent pas, mais bien qu’ils ne peuvent pas à cause de ce trouble.

J’aimerais que ce trouble méconnu ne reste plus dans l’ombre et pour cela je pense que les nounous, les crèches, les écoles, les médecins devraient tous en être au moins informés. Qu’il y ait plus d’orthophonistes formés, ainsi que d’autres professionnels de la santé, pour que les parents et enfants ne restent plus seuls et démunis face à cela. C’est ce pour quoi je vais continuer à me battre.

Sabrina De Nitto

Si vous souhaitez la contacter, Sabrina a créé en 2018 l’association “Redonne-moi un sens à mon goût”, pour aider les parents et enfants à faire connaître ce trouble de l’oralité. 
Son groupe Facebook est ici
Son mail de contact : trouble.oralite@gmail.com
Un site internet est en cours de développement.

L’avertY est un média participatif sur l’agglomération grenobloise. Chaque mois, il permet aux citoyens de prendre la parole sous la forme d’une contribution citoyenne, comme celle-ci. Vous aussi, prenez la parole pour ré-inventer l’information locale !

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Mail de contact : ludovic.chataing@laverty.fr

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