Depuis mardi 17 mars à 12h, les déplacements des Français·es sont drastiquement limités sur tout le territoire en raison de la pandémie de coronavirus (Covid-19). L’avertY a décidé de changer son rythme et de publier des chroniques régulières pour vous raconter comment la société se transforme, petit à petit, à l’échelle locale. Vous êtes toutes et tous invité·e·s à témoigner de vos vies en envoyant un texte, un son, une vidéo à ludovic.chataing@laverty.fr. Vos témoignages seront compilés dans une prochaine chronique.
Depuis un peu plus d’une semaine, les Grenoblois·es sortent à la fenêtre ou au balcon pour applaudir à 20h les personnels soignants. Un rituel que L’avertY a pu observer en restant chez soi, respectant au mieux les consignes de sécurité. Nous sommes ainsi dans le centre-ville, en bordure du quartier Championnet. Depuis le deuxième jour du confinement un couple voisin a installé sur son balcon une banderole faite maison : “Courage ! Bravo aux soignants”.
Greg, 38 ans, et sa copine se sont dits que “ce serait sympa de faire un petit clin d’œil aux voisins pour leur souhaiter bon courage et aux soignants pour les remercier”. Le balcon en quatrième étage fait face à un petit parc privé, ce qui rend le message bien visible. “On a découpé des lettres dans des magazines et on les a collé sur des courriers recyclés”, explique Greg. Si vous observez bien la photo ci-dessus, vous verrez quelques lettres découpées en forme de cœur.
« On est tous les soirs à 20h à la fenêtre. On est de plus en plus nombreux, c’est sympa. On voit des enfants, des parents, des plus âgés. C’est important de montrer notre solidarité. Je suis infirmier alors j’espère que quand on sortira de cette crise, les gens seront toujours au rendez-vous pour défendre les hôpitaux et demander plus de moyens à l’État. » — Greg, 38 ans.
En tant qu’infirmier à la clinique mutualiste, Greg continue de travailler et fait partie de ces personnels soignants. Alors, est-ce que ça donne de la motivation d’applaudir ? “C’est en effet réconfortant de se sentir soutenu même si ma première motivation reste d’apporter des soins à ceux qui sont dans le besoin.”
Sur le grand immeuble de 10 étages visible depuis le balcon de Greg, des voisins participent aussi aux applaudissements à 20h. L’avertY a pu en contacter quelques uns par téléphone. Andréa est Italien. Ce père de 42 ans vit à Grenoble depuis 10 ans. Au début, il n’était pas au courant de cette action. Mais depuis, il applaudit avec son fils de 3 ans, qui semble bien plus motivé. Il pense à l’Italie qui a subi des coupes budgétaires ces dernières années et il propose d’aller plus loin que de simples applaudissements : “Je crois que les gens devraient aussi envoyer des mails, qu’ils fassent des lettres aux élus pour arrêter les coupes budgétaires”. Que ce soit dans les domaines de la santé, de la recherche ou de la culture. Il pense aussi que la crise climatique “sera bien bien pire”.
Philippe vit avec sa femme et ses deux fils. Il a 45 ans. Il est au courant de l’action depuis le premier jour du confinement (mardi 17 mars) via son groupe WhatsApp. Au début ce n’était pas si facile de se lancer, “les gens se donnent le mot, mais il faut bien que quelqu’un commence”. Comme il n’est pas à un étage élevé, il note l’ampleur de la participation au bruit plutôt qu’au nombre de personnes.
« C’est pour remercier les gens qui sont sur le pont, les soignants. Nous on est peinard, on est aux abris. On a la chance de pouvoir travailler chez nous, donc on ne sort quasiment jamais. Ça permet de faire signe aux gens qui sont exposés. » — Philippe, 45 ans.
Il ne sait pas combien de temps ça va durer, mais continuera tant qu’il n’est pas tout seul. Il a su que des personnes jouaient aussi de la musique à ces heures-là, mais n’est pas encore prêt pour sortir sa guitare au balcon.
Sylvie participe tous les soirs aux applaudissements. Elle a 65 ans et vit seule. Elle était au courant grâce aux messages reçus par Internet et sur son téléphone. Et puis par mimétisme, elle est sortie au balcon pour participer. Elle note de plus en plus de monde au cours de cette première semaine. Depuis son étage élevé, elle a pu voir que certains mettaient aussi de la musique ou des lumières du côté d’Alsace-Lorraine. Certains ont sorti les guirlandes de Noël pour les allumer à l’occasion.
« Je le fais en solidarité. J’espère que ça fait du bien aux personnels soignants qui regardent ça à la télé ou sur Internet. J’ai filmé pour ma famille qui est à droite, à gauche, souvent à la campagne. Ils n’ont pas ce genre de manifestation. » — Sylvie, 65 ans.
Ces applaudissements durent depuis une semaine, Sylvie espère que “ces manifestations vont durer jusqu’à la fin”. Chaque jour ce sont quelques minutes d’applaudissements qui se transmettent de voisins en voisins. Ce rituel contaminera t-il plus de monde que le coronavirus ? Peu avant 20h ce soir, tendez l’oreille depuis votre balcon ou fenêtre, et si besoin, brisez le silence pour découvrir si vos voisins sont toujours là, solidaires.
Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.
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