Après avoir participé à la conférence de rédaction ouverte d’octobre de L’avertY, Valérie Bonetto a découvert qu’elle pouvait aussi partager ses textes dans le journal comme contributions citoyennes. Elle a choisi de nous parler de la librairie Arthaud qui lui tient à cœur. Une librairie qui a déjà fait réagir dans l’actualité lors de périodes financièrement compliquées.
La librairie Arthaud, Lireka, des projets indépendants
La librairie Arthaud a la particularité d’être indépendante à la différence de la Fnac ou Décitre sur Grenoble. Quand on entre dans le lieu préféré des grenoblois, on est frappé par les vestiges historiques du bâtiment, un hôtel particulier datant du XVème siècle. On peut gravir un grand escalier à gauche, ou contempler une grande façade qui surplombe les rayons à droite.
Les bureaux sont encore rudimentaires : les investissements qui n’avaient pas été faits avant la reprise du magasin sont en cours. Celle-ci a eu lieu il y a seulement un an. Marc Bordier me reçoit chaleureusement et en totale transparence. C’est un chef d’entreprise qui a pris des risques en investissant, après une certaine hésitation, son argent personnel dans l’aventure. Ceci a permis d’augmenter le capital consacré à l’augmentation des stocks donc du catalogue. Diplômé d’HEC et titulaire d’une maîtrise de lettres modernes, il a toujours exercé sa profession dans le domaine des livres. Ancien cadre d’Amazon où l’entrepreneur a travaillé pendant onze ans, il met au service d’Arthaud son expérience de la vente en ligne. En effet avec Emmanuelle Henry et associé avec Robin Mallein, il a aussi créé en septembre 2021, Lireka, une nouvelle plateforme. Lireka est la contraction de « lire » et « eurêka ». Ainsi ce sont trois professionnels très expérimentés qui sont à la tête de ce projet.
La spécificité de Lireka est la livraison gratuite dans le monde entier. « Amazon ne propose pas cette gratuité. Ceci est possible grâce à des partenariats avec des transporteurs, au fait de commander trois à quatre livres, et que le prix soit indiqué en devises locales ». Cependant le vote d’un projet de loi, imposant un montant minimum de livraison, est en cours. Mais on peut se demander comment Marc Bordier entend fidéliser les clients. « Nous comptons le faire en apportant une réponse rapide aux clients, en assurant la logistique et une excellence opérationnelle ». En effet la plateforme assure des délais de livraison courts en France, en Europe, aux États-Unis, au Canada et dans le reste du monde.
Sur le site Lireka, on peut trouver plus d’un million de livres en français, des propositions liées à l’actualité, des vidéos de l’auteur choisi et des commentaires de lecteurs de Babélio et leur notation. La plateforme a en effet ce site pour partenaire, qui compte six millions de personnes connectées dont un tiers à l’étranger. On peut y trouver un lien vers Lireka qui est en tête pour les ventes hors de France. Il y a déjà un bon trafic bien que sa date de création récente. D’ailleurs Marc Bordier, fier, me montre les connexions en temps réel notamment en provenance des États-Unis et d’Europe. « Nous nous faisons connaitre par des relations presse, des sites d’expatriés, et des communautés qui partagent sur les réseaux ». En fait cette plateforme vise les personnes qui habitent loin des centres-villes et surtout celles qui sont à l’étranger – 2 millions d’expatriés et 250 millions de francophones. Le site d’Arthaud s’adresse lui aux clients de la librairie à Grenoble. Quant aux réseaux, LinkedIn n’est pas approprié car il s’adresse aux professionnels. Par contre Facebook est déterminant comme Instagram. Ce dernier permet de bien communiquer sur les livres.
Marc Bordier n’oublie pas pour autant la librairie physique et insiste sur la complémentarité des deux projets. « La librairie est un lieu culturel et convivial où l’on peut participer à des signatures avec des auteurs, par exemple, et discuter avec des libraires très dynamiques et à l’écoute des lecteurs ». Acheter en “présentiel” est un acte citoyen. La librairie qui se situe en plein centre-ville doit être un acteur qui crée du lien avec les associations, les partenaires et les grenoblois qui ont soutenu l’institution quand elle était menacée de fermeture en 2014. En effet les habitants avaient signé une pétition pour éviter la disparition de leur librairie. Arthaud a déjà établi des liens avec Terre vivante, le Dauphiné-Libéré et l’Université Grenoble Alpes. Une animation est nécessaire pour la faire vivre. « Au-delà des signatures qui mettent en valeur des auteurs locaux et nationaux, sont organisées aussi des expositions. Actuellement il y a un livre accompagné par des photos sur la Bosnie ». En effet la librairie dispose de la salle du Rabot au troisième étage et Marc Bordier envisage des possibilités de live sur Facebook qui retransmettrait les évènements. La réelle complémentarité entre la librairie physique et Lireka est à venir. Le projet d’animation est encore à développer. D’ailleurs, la directrice de la librairie, Claire Criscuolo, envisage de créer un café littéraire au mois de novembre. Ne faut-il pas faire plus ?
Quant aux perspectives, le marché du livre se porte bien après le confinement : il y a plus de clients à la réouverture. Et le chiffre d’affaires d’Arthaud est supérieur à la moyenne des librairies. Le recrutement redémarre. Un effort est fait sur les salaires des 30 employés qui ont tous été repris. Mais le président de la librairie et de Lireka s’interroge sur l’évolution future. L’embellie va-t-elle durer ? Actuellement, un déménagement de la logistique est prévu en janvier 2022 dans un entrepôt. Le nouveau magasin à côté de la papèterie sera une surprise ! Marc Bordier maintient le suspens.
Valérie Bonetto
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L’avertY a reçu cette note de la part de Georges Oudjaoudi, Martinérois et conseiller métropolitain, qui rend hommage à son concitoyen Jean-Yves Guéraud, décédé le 23 septembre 2021 à l’âge de 77 ans. Vous pouvez si vous le souhaitez ajouter votre hommage au sien sur cette page en envoyant votre texte à redaction@laverty.fr.
“Jean Yves a toujours été un Martinérois épris de sa ville et un passionné des transports en commun. Il était parmi les fondateurs de l’ADTC et a su avec compétence, passion, pugnacité et … efficacité contribuer au développement de nos transports sur l’agglomération grenobloise et à leur amélioration. Depuis plus de 30 ans il a accompagné aussi toutes les batailles pour l’émancipation de notre ville. Il était actif pendant la dernière campagne municipale et a été l’artisan de nos propositions concernant les mobilités.
Il était d’une grande humilité et ne laissait rien entrevoir de la maladie qui l’a frappée. Sans toi ce sera plus difficile, mais nous n’abandonnerons pas tes combats.”
Georges Oudjaoudi, conseiller municipal à Saint-Martin-d’Hères.
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Place Victor Hugo, devant l’entrée du Burger King, il est 19h30, un soir de semaine comme un autre. Une dizaine de coursiers attendent au coin de la rue, discutant entre eux, attendant le signal pour leur prochaine course. Plus loin, dans la rue Félix Poulat, Place Grenette, ou sur la rue désormais piétonne de la République, c’est la même scène. Certains sont assis directement sur leur vélo, d’autres sur un scooter, ou sur le perron d’un immeuble. Une situation inconfortable à la fois pour les livreurs et les habitants.
Depuis 2017, les plateformes de livraison fleurissent dans l’agglomération grenobloise. La crise sanitaire est venue appuyer cet essor, alors que les confinements successifs poussaient les restaurants à avoir recours à la livraison. Initialement issus de grandes chaînes, comme Deliveroo ou UberEats, certains livreurs ont fondé ou rejoint de plus petites entreprises, au cadre plus agréable. Pour autant, l’ubérisation de la société a encore le vent en poupe, car la promesse d’un emploi, même instable, attire encore les plus démunis. La municipalité d’Éric Piolle souhaite donc améliorer les conditions des livreurs, mais aussi « pour préserver la tranquillité des habitants ». Un projet en demi-teinte qui ne répond pas complètement aux besoins des coursiers.
Des conditions de travail qui se dégradent d’année en année
Qui sont donc les coursiers à vélo ? On constate que la livraison instantanée est aujourd’hui, à Grenoble comme ailleurs, une activité très masculine. Cependant, une évolution sociologique s’est produite, en quatre ans d’existence du service sur la région grenobloise. À l’origine, les livraisons étaient souvent réalisées par des étudiants ou des personnes travaillant à temps partiel. Comme Nicolas*, rencontré devant la Maison du tourisme. « Je suis étudiant, et j’ai commencé à travailler comme coursier il y a trois-quatre ans, pour payer mes études », nous confie-t-il. Il travaille « à la fois chez UberEats et Deliveroo ». Pour lui, « c’est obligatoire de faire les deux, sinon aujourd’hui ce n’est plus rentable financièrement, on n’a pas assez de commandes ». D’autant plus en juin, car « c’est toujours mort, la livraison l’été ».
Depuis 2018, les études montrent, en France, une « augmentation forte du poids des livreurs professionnels », n’ayant pas d’autre activité. Des jeunes « peu qualifiés », souvent issus des quartiers défavorisés, payés à la course. « Une population jeune et très précaire, parfois mineure et étrangère, qui ne reste généralement pas longtemps sur l’application. » Beaucoup d’entre eux, rencontrés dans les rues de Grenoble, ne souhaitent pas se confier, ou déclarent carrément ne pas parler français.
Le nombre de coursiers a drastiquement augmenté dans sa globalité. En conséquence, aujourd’hui, selon Tiphaine Maillaud, livreuse à Grenoble et cofondatrice de Sicklo, « chez Deliveroo ou Uber, avant, c’était 5 euros la course minimum, maintenant c’est 2 euros la course ». Jérôme Pimot, cofondateur du CLAP (Collectif des Livreurs Autonomes de Plateformes) et de Coopcycle, déclare que la situation est similaire à Paris : « De mon temps, en 2014, j’étais payé 7 euros 50 ! ». La loi de l’offre et la demande ; avec une surabondance de livreurs, les grandes plateformes peuvent baisser les salaires de ceux-ci.
« Quand elles s’installent dans une ville, les plateformes font des concessions. Elles payent bien les livreurs, font des livraisons gratuites pour les nouveaux clients… et petit à petit, elles prennent des marges. », selon Tiphaine Maillaud. Et pourtant, le système attire. Elle-même travaillait chez Deliveroo, « on était dehors, c’était la facilité, la liberté ». Le revers de la médaille, c’est que ces micro-entrepreneurs n’ont « aucun droit ». Et aujourd’hui, en plus du salaire très bas, beaucoup d’entre eux attendent pendant des heures en vain. « Être mal payés et attendre les commandes, c’est affreux », déplore l’entrepreneuse.
Sicklo, la livraison à vélo made in Grenoble
C’est ainsi qu’a été fondée Sicklo, une entreprise grenobloise établie rue Saint-Laurent. « On était sept livreurs à vélo issus des grosses plateformes », confie Tiphaine Maillaud. « Nous nous sommes tous rencontrés sur Grenoble, on travaillait chez Deliveroo, Just Eat ; et comme on était tous micro-entrepreneurs, nous n’avions pas de droits. » Dénonçant la situation, ceux-ci ont souhaité « répondre à cet enjeu social », et, en conséquence, « ont choisi un modèle salarié ».
Ce service de cyclo-logistique, lancé en 2019, s’adresse aux particuliers comme aux commerces. S’ils s’occupent principalement de la restauration, ils ont également des partenariats avec des commerçants comme Nous le savons. Mais aussi avec une AMAP, ainsi qu’avec la ville de Grenoble : « on récupère et on pose des panneaux de signalisation ! », déclare la cofondatrice. Leur engagement ? « Un service de qualité : on garantit la protection sociale, on fournit les sacs, les protections pour la météo, et on répare les vélos des coursiers. » À ces fins, ils ont d’ailleurs ouvert « un atelier de réparation cycle », non loin de leurs locaux, rue Saint-Laurent. S’ils espèrent, à terme, pouvoir fournir les vélos aux coursiers, ils préparent aujourd’hui les vélos personnels de leurs employés, et possèdent quelques vélos cargos.
Un investissement récent : en 2020, avec la crise de la Covid-19, les livraisons ont explosé sur l’agglomération grenobloise. « On a commencé en 2019 à sept bénévoles », explique Tiphaine Maillaud.
« À partir de mars 2020, on a eu énormément de demandes. On a pu, nous les fondateurs, se salarier. En septembre, nous étions à temps plein puis, on a embauché des coursiers. » — Tiphaine Maillaud, cofondatrice de Sicklo.
Aujourd’hui, ils sont « 20 salariés, avec 10 équivalents temps plein ». Pourtant, il y a eu « une très claire baisse d’activité à la semaine de réouverture, en fin de confinement », et « l’été, la livraison est beaucoup plus faible ». Ils ne travaillent d’ailleurs plus sept jours sur sept : payer au tarif du dimanche « les salariés qui n’étaient pas fondateurs » était impossible financièrement, « et beaucoup de restaurants ne travaillent pas le dimanche ».
L’entreprise locale Sicklo a pu compter sur l’aide de Coopcycle, un réseau qui regroupe les coopératives spécialisées dans la cyclo-logistique, et soutenu par Ynove, Gaia, et la métropole grenobloise. Mais pas directement par la ville. Pour autant, ils sont satisfaits de travailler dans une ville où les infrastructures dédiées au vélo sont « de qualité ».
Un local pour les coursiers ?
Sicklo possède déjà ses propres locaux ; la toute récente initiative de la mairie grenobloise, consistant à proposer un local de repos aux coursiers à vélo, ne les concerne pas directement. « Je trouve que c’est quand même une belle initiative », tempère Tiphaine Maillaud. « Chez nous, les coursiers peuvent venir se reposer, boire un café. Chez Uber ou Deliveroo, ils n’ont rien. » Et déclare qu’à terme, il serait intéressant que la mairie crée « un réel espace de cyclo-logistique ». Qui regrouperait les différentes structures, et leur offrirait « un lieu stratégique pour travailler dans un pôle, rendre la chose facile et visible .»
Nous avons interviewé à ce sujet Maxence Alloto, sixième adjoint à la mairie de Grenoble. Chargé des Commerces, de l’Économie locale et de la Vitalité de proximité, il s’occupe également du projet de local.
L’idée est née du retour « de quelques livreurs », mais également « des habitants, qui se plaignent ». Dans les rues piétonnes, « des gens qui devraient être à vélo et les traversent plutôt à scooter, en roulant vite, créent de l’insécurité ». De même, les regroupements dans des espaces publics, non couverts, créent à la fois de « mauvaises conditions de travail », et des « problématiques de nuisances ».
Cependant, les modalités et conditions d’accès au local n’ont « pas encore été définies », selon l’élu, et il n’y a pas encore de calendrier pour la réalisation du projet. La municipalité cherche actuellement un lieu qui conviendrait, en termes de taille, de localisation… Ce sera un « lieu d’accueil, d’hospitalité, pour des gens qui auraient besoin d’un temps de repos ». Et de souligner que « deux villes en France ont déjà planché là-dessus, Nancy et Paris ».
Seulement, pour l’instant, les retours des livreurs eux-mêmes sur ce sujet paraissent limités. « Il n’y a pas encore véritablement de syndicat ou d’autre mouvement qui pourrait faire remonter les informations », déclare Maxence Alloto. L’intérêt des coursiers eux-mêmes pour la création de ce local reste donc à démontrer. Selon lui, les réactions proviennent de « certains livreurs qu’on peut rencontrer ou voir, ou des commerçants qui utilisent ce type de livraison ».
Jérôme Pimot déclare quant à lui « ne pas être réellement pour cette option, qui n’est pas très utile ». Selon lui, « à Paris, il y aura un local porté par des élus communistes ». Cependant, « il y a une expérience qui a été faite à Nancy, les livreurs ne vont pas dans ces endroits-là ».
Pour l’ancien livreur devenu une référence dans l’univers de la livraison rapide, « aller se poser dans une salle, se déséquiper… ce sont des choses qu’on n’est pas amenés à faire ». Préférant attendre la course au pied du restaurant et être réactifs, les livreurs n’ont pas de temps à perdre avec le café. Le cofondateur du CLAP déclare qu’ils avaient demandé à « avoir un local » en 2018, « quand on n’était pas des masses de gens dans la rue ». Mais, selon lui, « maintenant, c’est trop tard pour ce genre d’initiative ». Qui serait, à son sens, « un message politique ». Il en conclut que « les livreurs ne veulent pas des abris, ils ont besoin de revalorisation, d’augmentation tarifaire ».
Interrogé devant le Burger King, Moussa* déclare que pour lui, « c’est une bonne idée ». Et témoigne : « Comme maintenant, quand il n’y a pas de travail, on est obligés de rester sur le vélo… là, on pourrait au moins s’asseoir ! ». Cela fait longtemps qu’il travaille chez Deliveroo, et il ajoute que désormais « il y a des restaurants à qui ça ne plaît pas qu’on s’arrête devant chez eux ». Un témoignage supplémentaire de la difficulté grandissante du travail de coursier.
Selon Maxence Alloto, la ville souhaite que les grandes structures de livraison s’impliquent dans la création du local, mais également dans la revalorisation du statut de leurs coursiers. « On invite ces structures à très rapidement trouver des solutions pour nous accompagner dans ces démarches-là et trouver des conditions acceptables », déclare-t-il. Selon lui, les élus grenoblois mais également « dans toute la France » sont « sur la même longueur d’onde », et « se mobilisent ». Ils projettent éventuellement « d’écrire collectivement à ces structures pour la sécurisation, la propreté environnementale, mais aussi les rémunérations ».
Quid des scooters ?
La livraison motorisée est également une question clivante. Maxence Alloto, dans la ligne politique portée par la municipalité d’Éric Piolle, a indiqué demander aux plateformes qu’elles « veillent à ne pas avoir de gens en scooter ».
D’autant que la livraison motorisée est régie par la loi : elle nécessite une formation préalable, la « capacité de transport », que la plupart des coursiers ne possèdent pas. Cependant, l’étude précédemment citée a démontré que l’optimisation du temps de travail est rendue difficile par la gestion algorithmique, propre aux grandes plateformes (Sicklo, par exemple, emploie un dispatcheur humain). Ce qui force les livreurs à être connectés en permanence, accepter un maximum de courses, et réduire leur temps de transport. Le plus simple étant de prendre le scooter, voire la voiture pour des courses en conditions climatiques difficiles.
À Grenoble, où, selon l’élu, « le public est sensible aux modes de transport doux », le bât blesse encore plus. Les structures comme Sicklo ou Vélocité, pour qui le deux-roues non motorisé est un credo, soutiennent cette position. « On veut livrer uniquement à vélo ; le scooter, ça n’a pas de sens sur un territoire comme Grenoble qui est assez pollué ! » Vélocité, qui existe depuis 2006, également fondé à Grenoble, transporte des plis et colis. « Chez nous, on a des CDIs et des mutuelles », déclare l’un de leurs coursiers, par opposition aux plateformes Internet. Pour cette entreprise traditionnelle, « le vélo représente une solution efficace et durable »car il est « bien plus adapté que les véhicules à moteur qui subissent les embouteillages quotidiens ».
Jérôme Pimot, qui travaille sur Paris, a une autre vision des choses : « Coopcycle sont très branchés livraison à vélo, mais il faudrait proposer des coopératives sur engins motorisés. Les livreurs en sont là. Certains doivent être motorisés, particulièrement quand ils couvrent une zone de chalandise très vaste, ou travaillent dans des conditions climatiques difficiles. »
« Je connais un peu Grenoble », ajoute-t-il. « Pour aller à Échirolles, ou plus loin dans l’agglo, il est quand même plus pratique d’utiliser des moyens motorisés. » Et si les livraisons s’étendaient à la Métro toute entière, il est aisé d’imaginer le développement de ces pratiques.
Les grandes plateformes conservent pour l’instant leur suprématie, du fait de leur propension à contourner la loi sur les véhicules motorisés, leurs tarifs bas et leur meilleure diffusion. Là où Sicklo communique par bouche-à-oreille et dépose des flyers, Deliveroo et UberEats ont une stratégie marketing agressive. La qualité des restaurants qu’ils desservent n’est pas la même : les plateformes ne choisissent pas leurs partenaires. Sicklo, à l’inverse, travaille, à l’origine, avec des restaurants « qu’ils connaissent », et qui souhaitent souvent passer par leurs services pour des raisons d’éthique de travail. Le développement national et international des coopératives de cyclo-logistique, ainsi que le fort soutien de la ville de Grenoble au vélo, pourrait lentement changer la donne dans l’agglomération grenobloise. Ce qui pose la question du devenir professionnel des récents coursiers, peu qualifiés et au fort turnover, qui pourraient avoir des difficultés à retrouver un emploi aussi peu regardant.
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