Électeur es-tu là ?

“Les élections européennes” a été élu sujet du mois avec une courte voix d’avance, malgré un record de 104 participants (à 40% et 42 votes). Le moment idéal, quelques semaines avant le tour unique du 26 mai 2019. Pour s’ancrer dans l’actualité locale, L’avertY a décidé de se concentrer sur l’implication des militants dans cette campagne électorale, ainsi que les techniques déployées pour susciter l’intérêt des électeurs.

Si la campagne des élections européennes ne passionne pas les foules, cela n’empêche pas quelques irréductibles militants de continuer à mettre en valeur leurs idées politiques. Au cours du mois d’avril, des phrases comme “ah bon, il y a des élections ?” ne sont pas rares, ce qui donne une toute première mission, commune à tous : informer sur l’élection en elle-même (voir fiche pratique en fin d’article).

S’il est difficile d’établir un panorama précis des militants les plus engagés sur le terrain, on peut dire qu’ils sont actifs là où se trouvent leurs élus ou leur électorat. À titre d’exemple à droite, Debout La France envisageait une réunion à Voreppe avec son élue Florence Delpuech. Le Rassemblement National organisait un meeting à Voiron le 2 mai, où siège le conseiller municipal Alexandre Collin. À gauche, le nouveau parti Génération·s, piloté par Benoît Hamon, s’est réuni dans un bar de Grenoble en présence de l’élu grenoblois Paul Bron. Quand au Parti Communiste Français (PCF), il rassemblait ses maires et électeurs de l’agglomération, à Echirolles le 5 avril, en présence de la tête de liste Ian Brossat.

La technique du train, dite “vague verte”

Pour Europe Écologie-Les Verts (EELV), la cible idéale ce sont les personnes qui prennent le train. Ce jeudi 30 avril, une dizaine de militants se sont regroupés gare de Grenoble pour distribuer des journaux de campagne. L’action se déroule simultanément (dans la journée) dans plus de 200 gares de France. Soit “entre 100 000 et 150 000 journaux” à écouler. Pour Grenoble, Gières et Échirolles, un stock de 5000 journaux est prévu. Les journaux seront diffusés sans difficulté majeure entre 7h30 et 9h du matin. Un horaire stratégique permettant de toucher les personnes partant au travail, mais aussi aux adhérents de venir participer à l’opération “vague verte”.

À droite l’élu Pierre Mériaux, à gauche Jérôme passe un appel pour le boulot.

Le titre en jaune du journal gratuit “J’veux du bonheur !”, et le sous-titre “fin du monde, fin du mois, même combat”, rappelle sans équivoque le mouvement des gilets jaunes, en particulier le documentaire dédié du journaliste-député François Ruffin “J’veux du soleil !”.

Dans le groupe présent ce matin-là, on retrouve des militants rodés depuis des années. Ali milite depuis 6 ans, Jérôme depuis environ 10 ans, Béatrice depuis plus de 30 ans, Michel depuis 40 ans. Et puis il y a Diego, “je viens de déposer mes filles à l’école”, désireux de participer à ce type d’opération pour la première fois. Sympathisant sans être adhérent, ce sera aussi sa première participation à une élection française. Originaire du Chili, venu en France pour ses études, il a récemment obtenu la nationalité. Il est venu aider pour honorer ce nouveau droit de vote, mais aussi pour ses filles de 3 et 6 ans. Au Chili, il a connu l’impact du dérèglement climatique et les problèmes de déforestation et vit son implication de manière internationale, “on est tous liés”.

La technique du marché, en groupe d’action.

Ce mercredi 10 avril, quatre militants de La France Insoumise (LFI) distribuent des tracts sur le marché Saint-Bruno pour annoncer la réunion publique qui a lieu le soir même à Fontaine avec le candidat local Alain Dontaine (colistier n°56) et les nationaux Manuel Bompard (colistier n°2) et Anne-Sophie Pelletier (colistière n°5). Ce “groupe d’action” milite spécifiquement dans les quartiers Saint-Bruno, Estacade et Europole.

Laura distribue son dernier tract “le plus dur à donner”. À sa droite, Sébastien et Guillaume.

L’élue à la région, Émilie Marche en fait partie. Elle explique qu’au marché “ça prend plus”, contrairement aux arrêts Alsace-Lorraine des trams A et E où les gens sont “speed”. Mieux que ça, les personnes s’arrêtent pour entamer une discussion. Ce qui fait conclure Laura, militante depuis 1 an et demi, que “le terrain permet de connaître le quotidien des individus”. La conversation entre Guillaume, 29 ans, et un passant l’illustre bien :

– “J’ai fait 178 trimestres, je travaille depuis 46 ans et je continue à travailler.”

– Guillaume : “[Le vote] c’est le seul truc qu’on a pour changer les choses”.

– “Même Mélenchon, il ne va rien changer.”

Militant pour LFI depuis une année, Guillaume n’en est pas à ses premières expériences. Il était auparavant militant pour EELV à Marseille, avant de rejoindre le parti de Jean-Luc Mélenchon. C’est le discours “verdi” du candidat à la présidentielle et le “délitement total des Verts” qui l’ont convaincu. Il avait pu exprimer toute sa déception sur France Inter en février 2016, face à Emmanuelle Cosse, ex-secrétaire EELV. Aujourd’hui, il identifie deux moyens d’actions : “les urnes ou la révolution”. Il passe ainsi du temps sur les réseaux sociaux, mais aussi sur d’autres luttes, comme celle des gilets jaunes. Fidèle à ses convictions, il a même récemment quitté son travail d’ingénieur en mécanique car “la boîte a changé son activité et ne fait que de l’armement”. Enfin, Sébastien a lui aussi quitté EELV pour LFI. Il était militant chez Les Verts depuis 1999. Pour sa part, c’est un manque de consultation des militants qui l’a fait partir même s’il garde “de bonnes relations au niveau local avec les autres militants EELV”.

La technique du rassemblement général, dite “meeting populaire”

Salle des fêtes d’Échirolles, vendredi 5 avril, tous les militants communistes sont invités dès 20h à participer à un “grand meeting populaire”. Un rassemblement qui fera salle comble, pour environ 400 personnes, afin d’écouter la tête de liste PCF Ian Brossat, mais aussi Lucie Martin, la jeune colistière locale qui vient d’avoir 19 ans.

À la tribune, le maire Renzo Sulli. Debout à droite, face aux militants, Ian Brossat.

Plus tôt, aux alentours de 18h, quelques militants se sont retrouvés autour d’une “table ronde” sur les services publics. Si Lucie Martin montre avec Ian Brossat, un visage jeune et neuf, ce n’est pas le cas de l’audience de cette mini-conférence. Les militants présents n’hésitent pas à prendre la parole longuement lors des questions du public et à s’interpeller par leur prénom, avec ce sentiment que tout le monde se connaît déjà depuis longtemps.

La moitié de la salle des fêtes est réaménagée par les militants, suite à la table ronde qui se termine.

Au cours de l’avancée de la soirée, les militants transforment la salle en enlevant certains panneaux et en ajoutant des chaises en fond de salle. Pendant que la conférence de presse a lieu en extérieur, la salle se remplit. Puis c’est au maire échirollois, Renzo Sulli, d’ouvrir le bal des prises de parole successives. Au premier rang, quelques élus dont le maire martinérois David Queiros. La salle est chauffée progressivement par le discours de Lucie Martin, puis des autres colistiers Michel Jallamion (non-encarté) et la sénatrice Cécile Cukierman. La tête de liste Ian Brossat reprend alors les rennes, et s’appuie sur l’actualité du moment : son premier grand débat télévisé a eu lieu la veille sur France 2.

Auditeur du meeting tenant le journal L’Humanité, intitulé “Marx, le coup de jeune”.

La venue de la tête de liste n’a pas été anodine pour les acteurs politiques grenoblois. Dans l’assistance, on aperçoit Yann Mongaburu, vice-président métropolitain aux déplacements et conseiller municipal délégué à Grenoble. Ludovic Bustos, maire de Poisat et vice-président métropolitain espaces publics et voirie, était aussi présent, mais sous sa casquette d’artiste dans le duo musical Ke Onda. Cette journée a été aussi l’occasion d’une rencontre avec le maire Éric Piolle.

Rencontre assumée entre Éric Piolle et Ian Brossat, au bar de La Belle Électrique. Photo d’un lecteur de L’avertY.

La technique numérique, dite “réseaux sociaux”

Nouvelle salle, nouvelle ambiance. Samedi 27 avril, le café Jules Verne accueille une réunion publique du nouveau parti Génération·s de Benoît Hamon. Émancipé du parti socialiste depuis décembre 2017, le parti réunit des anciens militants socialistes, mais aussi des jeunes, smartphones au poing. Une équipe à l’aise avec les réseaux sociaux qui permettra d’alimenter Twitter tout au long des prises de parole des colistiers Zerrin Batanay, Paul Bron, Arash Saeidi et Jacques Terrenoire.

Mathilde (tout à droite) tweete avec les autres militants pendant la prise de parole des colistiers.

La technique est simple. Un compte propose une citation d’un candidat, puis les autres militants de la salle partagent le tweet (retweet) pour donner plus de visibilité au mouvement. Des mots-clés (hashtag) sont utilisés pour faciliter la diffusion ciblée. Leur campagne est rythmée par des semaines thématiques. Jusqu’ici, ont été abordés la jeunesse, le féminisme, l’économie et l’écologie. Pour chaque thème des visuels et une vidéo sont produits, et une action dite “coup de poing” engagée.

Jean-Paul fait partie des vieux militants. Il est actif dans le comité Grésivaudan de Génération·s. “On a quitté le PS parce que pas assez à gauche. On suit Benoît Hamon.” Ils étaient 9 militants à sauter le pas, pour aujourd’hui constituer un noyau dur de 20 personnes. D’après lui, le mouvement compterait entre 45 000 et 60 000 personnes, mais admet qu’il est “difficile de se compter” du fait de la non-obligation d’adhésion formelle. C’est d’ailleurs l’histoire de Mathilde, 20 ans, qui a commencé à “rencontrer des militants” et qui s’est engagée après un mois d’action en tant que sympathisante. Elle s’était pourtant jurée de ne jamais voter socialiste. Mais pour le candidat socialiste à la présidentielle, elle a fait exception. “J’ai toujours voulu m’engager. Voter, manifester, ça ne suffisait pas”, explique t-elle. Elle est aujourd’hui étudiante à Sciences Po, s’est engagée dans une association féministe et passe beaucoup de temps sur cette campagne des élections européennes. Simple militante pour la présidentielle, elle est aujourd’hui coordinatrice des jeunes militants en Isère. Ce qui mobilise plus d’énergie.

La technique mobile, dite “caravane nationale”

L’auriez-vous aperçu ce lundi 15 avril ? La “caravane des territoires” était de passage en Isère pour le parti Debout La France. Au cours de la campagne des élections européennes, le véhicule de 8 mètres de long fait étape dans les préfectures et sous-préfectures de toute la France. Ce jour-là, elle passait par La Tour-du-Pin et Bourgoin-Jallieu, pour finalement se garer le soir à Saint-Martin d’Hères. La caravane devait reprendre son action le lendemain en début de matinée, mais c’était sans compter l’actualité. Notre-Dame de Paris est en feu. Le parti décide de stopper sa campagne en réaction à l’événement, tout comme le Rassemblement National et En marche. L’étape martinéroise n’a donc pas eu lieu.

La caravane DLF à Saint-Martin d’Hères sur le parking de la Maison de la Pierre. Photo d’un militant.

Ludovic Blanco, militant DLF à Grenoble coordonne l’action du terrain en Isère. Cet étudiant en Master Histoire identifie une “petite cinquantaine de militants” actifs, et environ 200 adhérents en Isère, avec une répartition de 60% dans le Nord-Isère, où la droite est plus présente.

Mobiliser son électorat

Au jeu des prédictions de résultats, chaque liste se veut optimiste. Que ce soit chez les militants PCF, Génération·s ou EELV, on n’imagine pas faire moins bien que les sondages actuels. Mais derrière ces calculs optimistes se cache une réalité inévitable : il y aura plus de gens qui ne voteront pas que de gens qui voteront. En 2009, le record d’abstention sur cette élection s’établissait à 59,4%, puis a reflué légèrement en 2014, à 57,6%. Les sondages, lanternes politiques de nombreux partis, prédisent aujourd’hui un taux de participation similaire…

Ludovic Chataing, journaliste web pour L’avertY.


Assesseur·e·s, petites mains de l’élection

“Être acteur et pas consommateur.” C’est ce qui animera Françoise à participer au scrutin du 26 mai en tant qu’assesseure de bureau de vote. Cette citoyenne grenobloise, engagée sur tous les fronts, a accepté de participer à l’interview vidéo de L’avertY. Elle nous parle de son parcours citoyen, de l’abstention et donne ses idées pour redonner envie aux électeurs de participer aux votes.


Les élections européennes (fiche pratique)
Date de l’élection en France : 26 mai 2019
Type d’élection : un seul tour,
à la proportionnelle.
Nombre d’eurodéputés dans l’Union Européenne : 751
Nombre d’eurodéputés à élire en France : 79
en théorie, en réalité ce sera 74 si le Brexit n’a pas lieu avant l’élection.
Score minimum pour avoir des élus : 5%
Score minimum pour être remboursé des frais de campagne : 3%
Nouveauté par rapport à 2014 : une seule circonscription nationale à la place des 8 régions.
Nombre de listes présentées : 33 (
un record)

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À la recherche d’un bout de terre

Le sujet “L’agriculture en ville” a été élu à 56% le 2 février 2019 lors du vote mensultimédia de L’avertY. N’oubliez pas que le média ne vit qu’à travers vos dons sur la plate-forme de financements participatifs Tipeee.

Trouver un bout de terre cultivable en bas des immeubles, ce n’est pas si simple. À Grenoble et dans l’agglomération, les envies de produire sa propre alimentation ne manquent pas. À commencer par les jardins collectifs, disséminés ici et là. Le Verger Essen’Ciel en fait partie. Il est situé dans une zone urbaine, le quartier Vallier-Catane. Né en 2013, ce jardin est supervisé par un noyau dur de 10 à 12 participants très actifs. Marc y contribue, plus modestement, depuis trois, quatre ans maintenant. Habitant à l’époque dans le quartier, “j’ai remarqué ça” un an ou deux après avoir déménagé. “Au début je venais pour jeter mes déchets au compost”, raconte-t-il. Originaire de Saint-Marcellin, retrouver le contact avec un bout de jardin lui tenait à cœur.

Au sein de cet espace vert, il a pu s’essayer au jardinage en ville en réalisant des semis, des tailles d’arbustes, ou encore de l’entretien. Plus que ça, il y découvre un espace de rencontre dans le quartier. Il croise régulièrement des personnes qui vont récupérer du compost, mais aussi des mamies, ou encore les promeneurs de chien. Il n’y a d’ailleurs pas d’organisation précise pour les horaires, “chacun vient quand il peut”. Bien connecté à son environnement urbain, le jardin bénéficie d’aides extérieures avec les dons de feuilles mortes des services de la Ville de Grenoble, ou le marc de café d’un établissement voisin, afin d’améliorer la qualité de la terre.

Sur la production en elle-même, Marc tient à préciser en toute franchise, “on ne se fait pas notre panier de légumes chaque semaine. On récolte peu, c’est surtout un espace d’expériences.” Parfois, des salades sont piquées par d’autres personnes extérieures au jardin, mais il ne leur en tient pas rigueur. Cependant Marc reste émerveillé devant la productivité du jardin, où les courges “poussent à fond en deux mois”. Pour lui “ça pousse bien parce que les jardiniers sont à fond”. Malgré son déménagement dans un autre quartier de Grenoble, il continue de participer au Verger Essen’Ciel.

Planter un arbre, tout un art ?

En plus de l’espace potager, le jardin du quartier Vallier-Catane accueille des arbres fruitiers, encore jeunes, plantés en 2014. Un autre rythme d’agriculture qui demande quelques connaissances spécifiques. En atteste l’approche prudente des citoyens d’Eybens, réunis le 6 février par l’association “Les Croqueurs de pommes”, dans les locaux de la mairie. Philippe Jamet, Coublevitain, a déroulé un diaporama très complet, deux heures durant, auprès d’un groupe d’intéressé·e·s dans l’objectif de planter des arbres à l’Espace nature de la ville. Cette parcelle collective permet depuis plus d’un an l’animation de projets citoyens collectifs autour de la nature et de la biodiversité. On y retrouve déjà une mare et un potager partagé. Cet espace de 8000 m² situé au Pré au Crêt sera par ailleurs entretenu par une quinzaine de personnes en situation de handicap, grâce à l’association dédiée Arist.

La conception du verger n’en est qu’à ses débuts. C’est pourquoi l’association “Les Croqueurs de pommes” a donné quelques petits conseils, notamment sur l’espacement à respecter entre chaque arbres, sur les zones d’accès, ou sur l’anticipation de la hauteur d’un arbre à taille adulte. On a pu apprendre notamment que “les abricotiers ne poussent pas bien ici”, ou au contraire qu’on peut désormais planter des oliviers dans la région. Les habitants présents sont bien conscients qu’on ne peut pas faire tout et n’importe quoi. Patrick est venu parce que ses arbres “achetés chez Botanic crèvent régulièrement”. Pour Laurent, il a été convaincu par les premières expérimentations de l’Espace nature et a “envie d’apprendre et de participer”. Pour Hélène, “l’idée de verger me plaît bien”, tout simplement.

Comme on peut l’observer pour les jardins potagers collectifs, Les croqueurs de pommes concluent qu’un verger nécessite “une structure, que les gens se réunissent comme dans une association” pour pouvoir maintenir l’action dans la durée. Les arbres dits “haute-tige” peuvent ne pas produire de fruits avant 10 ans. Pour le moment, l’implantation des arbres sur l’Espace nature est fixée pour la fin d’année 2019. La mairie est garante de la coordination et de l’animation de ces rencontres citoyennes, représentée ce soir-là par Muriel Aldebert, responsable du Pôle citoyenneté à la ville d’Eybens, et par l’élu Henry Reverdy, conseiller municipal délégué aux Espaces verts. De l’autre côté de l’agglomération, un autre verger est en cours de formation à Saint-Égrève, dans le quartier Rochepleine. Muriel Aldebert imagine déjà une rencontre entre les deux projets, au cours de l’année.

Parcelles individuelles

Toujours dans l’agglomération, on découvre des jardins proches de l’autoroute à Échirolles ou à Pont-de-Claix. Appelons-le Charles, il possède sa propre parcelle de terre à jardiner depuis son déménagement il y a deux ans dans le quartier de La Viscose à Échirolles. Des haricots verts, de l’ail, des tomates, et “peut-être même des oignons” seront plantés cette année. Si ses parents originaires de Champ-sur-Drac lui ont permis de se projeter sur un jardin, il a appris à cultiver ses légumes “petit à petit”, avec les anciens des autres jardins environnants.

Pour lui “la terre n’est pas idéale”, mais le passionné passe beaucoup de temps sur son terrain. Parfois “ça pousse, mais ça dépend des années”. Une fois, il a essayé de planter des patates, il n’en a récupéré que deux parmi tous ses plants. Une autre fois ce sont les pucerons qui ont détruit ses aulx. Et pas question d’utiliser des produits pour les tuer, car “ça tue également la plante”. Mais quand Charles sort quelques légumes de terre, la satisfaction est là, “je sais ce que je mange”. Plus qu’un jardin pour se nourrir, c’est une occupation pour le moral. “L’hiver je m’emmerde”, témoigne-t-il, mais le reste de l’année et grâce à son jardin, l’homme de 66 ans a la sensation d’en avoir seulement 30.

Ali Bayram commence tout juste à retourner la terre à Échirolles ce mois de février.

Avec son voisin Ali Bayram, ils sont les deux plus actifs à venir labourer en ce mois de février. Les autres voisins ne montrent pas le bout de leur nez avant mars ou avril. Les conditions d’utilisation de l’eau ne sont pas pour autant idéales. Ils récupèrent la pluie dans des bidons bleus, ou sinon font des aller-retours jusqu’à un point d’eau proche avec une charrette. Malheureusement, Charles se l’est faite voler il y a quelques jours. Il suppose que ce sont quelques gamins du quartier qui l’ont piquée. Il espère la retrouver dans le quartier bientôt.

Un peu plus loin au sud, à Pont-de-Claix, on peut découvrir des jardins familiaux entre la résidence Les Elfes et le Canal des 120 Toises. J’y rencontre Ludovic Abrard, 91 ans et toujours présent sur sa parcelle. Malgré son âge, il continue de cultiver persils, céleris, courgettes ou courges. Sur l’efficacité de son terrain, il explique que ça se passe bien en général, “sauf l’année passée, ça a été dur, avec beaucoup de parasites”. À quelques centaines de mètres, Slimane Essid n’est plus tout jeune non plus. Avec sa parcelle de 50 m², il cultive des fèves, petits pois, piments, courges, tomates et aussi des fraises. “On se prête des plantes entre nous”, explique-t-il à propos des relations entre voisins. Comme pour Charles, il plante pour le plaisir et occupe ainsi sa retraite. Lors de notre rencontre, son ami Mihoib Muhrey était là pour l’aider à retourner la terre. Il trouve aussi du plaisir à cultiver et avait pris cette habitude en Tunisie. Cet autre Pontois n’a pas encore de parcelle à jardiner. L’attente est longue pour obtenir son lot de terre, entre 3 et 5 ans d’après ses estimations, et seulement “si quelqu’un part”. Il faut préciser que l’exploitation de bout de terre ne coûte que 45€ à Slimane, pour l’année entière.

Au premier plan Slimane, accompagné par Mihoib, dans sa parcelle de Pont-de-Claix.

Des expérimentations aériennes

Dans le domaine de l’agriculture en ville, une association fait parler d’elle à Grenoble. Celle au nom explicite “Cultivons nos toits”. Précédemment association étudiante, dès 2011, elle s’est professionnalisée en 2016 grâce à des subventions privées, puis publiques de Grenoble-Alpes Métropole et de la région Rhône-Alpes en 2017–2018. Les figures de proue de l’association actuelle sont dans l’ordre d’arrivée Lucas Courgeon (2014), César Lechémia (2015) et Mickaël Bourgeois (fin 2016–2017). Tous les trois peuvent aujourd’hui vivre de cette activité.

Plusieurs projets sont à compter à leur actif. Le plus visible a été celui de La Casemate. Le toit du bâtiment leur a été confié pour 30 m² d’abord en avril 2016, avant de passer à 300 m² de terrain cultivable, cinq mois plus tard. L’association a eu le temps de démontrer qu’il était possible de cultiver des comestibles sur un toit, ouvrant l’imaginaire des possibles. Une année plus tard, le jardin est la victime collatérale de l’incendie visant le FabLab de La Casemate. Les accès n’étant plus sécurisés et l’étanchéité du toit à refaire, l’association a dû purement et simplement abandonner son activité sur ce lieu.

Plus historique, l’association avait également installé un jardin partagé à Vif. Il a été arrêté courant 2018 face à la baisse de motivation des bénévoles sur place. Il n’y avait pas d’animateur privilégié pour ces 400 à 500 m² de jardin, dont 50 m² sous serre. Cependant, les énergies ne manquent pas pour “répliquer le projet de La Casemate”. Un gros projet doit voir le jour en septembre 2020, celui du “Bar Radis”. César Lechémia développe en détails dans l’interview vidéo ci-dessous accordée à L’avertY.

Conscient des attentes du public, il explique spontanément l’impact des polluants dans l’air sur les légumes. En se basant sur une étude de AgroParisTech, il estime qu’avec les pesticides en campagne, les légumes peuvent être “très largement pollués”. Tandis que pour les cultures sur toits, “on a pu sélectionner notre substrat absolument pas contaminé”.

«On sélectionne une terre et du compost urbain en général qu’on mélange pour la culture des plantes. C’est un sol vivant, avec des insectes aussi. Notre terre est de meilleure qualité que des sols qu’on retrouve en campagne» – César Lechémia, salarié à Cultivons nos toits.

Même en agriculture traditionnelle biologique, il estime qu’il peut y avoir plus facilement des contaminations, par les rivières ou les sols. Pour lui, la pollution du sol est plus important pour les légumes en racines, tandis que la pollution de l’air va être importante pour les légumes feuilles. “Ce qui va se déposer principalement, ce sont des micro-particules qui ont tendances à ne pas monter au dessus de 10–12 mètres.” L’agriculture urbaine manque toutefois d’études locales pour venir valider ces premières conclusions.

L’association est toutefois totalement convaincue de l’utilité de son action. Elle voit les côtés positifs “des coefficients de PLUI qui sont imposés en pleine terre sur des futures nouvelles constructions”. César Lechémia ne croit pas à des grands changements au niveau national, “il faut que ça se fasse au niveau local”. C’est par les politiques qu’il espère voir les futurs promoteurs sensibilisés à ces questions de l’agriculture urbaine. De leur côté, le trio de salariés de Cultivons nos toits crée des animations et ateliers à destination des citoyens. Après avoir lu cet article, vous verrez peut-être les toits de Grenoble sous un autre œil.

Ludovic Chataing, journaliste pour L’avertY.


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Pour aller plus loin :

Grenoble attend sa tour

Le thème “Restauration de la tour Perret” a obtenu 52% des votes le 6 janvier 2019. N’oubliez pas de faire un don si ce contenu vous plaît, ou si vous souhaitez soutenir la production des futurs mensuels multimédias.

Toujours présente, toujours debout. Solidement ancrée au sol par 15 mètres de fondations, la tour Perret du Parc Paul Mistral de Grenoble, aux mensurations de 8 mètres de diamètre à sa base pour 90 mètres de hauteur, attend patiemment sa restauration. Construite dès 1924 pour l’Exposition internationale de la Houille blanche et du Tourisme, elle porte alors le doux nom de “Tour pour regarder les montagnes”. C’est en 1954 que la tour prend le nom de l’architecte éponyme, Auguste Perret. Et par la même occasion, celui de ses deux frères, Gustave et Claude, de l’entreprise familialePerret frères”.

En bas à gauche, Auguste. Gustave en bas à droite. Claude sur le poteau, avec son vélo. Photographie issue des archives nationales. Référence : 535 AP 663.

Si la tour impose un nouveau style en béton armé en devenant la plus haute de sa catégorie (95 mètres avec son antenne de l’époque), l’édifice ne traverse pas les années sans souffrance. Des morceaux de bétons commencent à tomber, dû aux contraintes climatiques. Les travaux réalisés au début des années 50 ne permettent qu’un sursis d’une petite dizaine d’années, avant la fermeture définitive au public en 1960. En 1987, des travaux de purge des bétons sont réalisés, mais plus rien depuis.

Contrairement à ce qui est affirmé un peu partout, la tour n’a pas été conçue pour être éphémère comme la tour Eiffel à Paris. Pour s’en convaincre, il faut faire confiance au spécialiste local Cédric Avenier, auteur de nombreux ouvrages sur le béton, et très largement sollicité dans différents médias locaux. Cette infox (ou fake news) aurait servi à justifier son mauvais état.

Commentaire extrait du site Gre.Mag.

La restauration de la tour Perret a été longtemps repoussée. En septembre 2013, une pétition en ligne est déclenchée par Pascal Bioud, soutenue par toutes les associations patrimoniales de l’agglomération. Elle demande à ce que des engagements soient pris au plus tôt pour démarrer des travaux dans les trois années suivantes. La pétition s’appuie sur les conclusions de la dernière étude réalisée en 2011 par Benjamin Mouton, architecte en chef des monuments historiques. La pétition va recueillir en une journée plus de 300 signatures. Parmi les signataires visibles, deux sont actuellement élues conseillères municipales, et l’un adjoint, de la majorité : Fabien Malbet, adjoint école et patrimoine scolaire, Maryvonne Boileau, déléguée à la politique de la Ville, et très logiquement Martine Jullian, déléguée patrimoine historique et mémoire.

En novembre 2013, le média Place Gre’net titrait “La tour Perret sera restaurée en 2014”. Espoirs suscités par les annonces de l’adjoint à l’urbanisme Philippe de Longevialle, de la majorité de l’ancien maire socialiste Michel Destot. Annonce tardive puisque les citoyen·ne·s éliront la majorité actuelle en mars 2014, conduite par Éric Piolle. Le 7 novembre 2016, le Conseil municipal vote à l’unanimité le principe de restauration de la tour. Ce n’est que fin 2018 que la ville met en place une nouvelle palissade de sécurisation, plus haute que la précédente, également destinée à accueillir les œuvres du street-artist Groek (voir plus bas).

Depuis peu, un assistant à maîtrise d’ouvrage, François Botton, a été recruté suite à un appel à candidature en mai 2018. Il aura pour missions au cours de l’année de trouver le bon protocole de restauration, faire de ces travaux un chantier pilote dans la rénovation des bétons anciens, et réaliser les premiers tests en laboratoire et sur le site lui-même.

Tractations depuis 2014

Interpellé en Conseil municipal par l’élue d’opposition Bernadette Cadoux, deux ans après l’élection, le maire répond avoir “pris contact dès l’été 2014, avec les premiers mécènes potentiels, dont les cimentiers”. Nous sommes le 18 avril 2016. Il ajoute que “la suite du projet est conditionnée à cette réussite de cette campagne de mécénat. La Ville va tout faire pour avancer dans les meilleurs délais.” Dans le calendrier provisoire présenté en novembre 2016 par l’élue Martine Jullian, la fin des travaux est envisagée en 2021. Depuis, l’échéance est repoussée à 2022. Ni l’élue au patrimoine, ni la cheffe de projet n’ont mentionné ces premières démarches auprès de mécènes potentiels. À en croire le maire, il faut conclure que la campagne de mécénat amorcée en 2014 ne s’est pas passée comme prévue.

Des comités ouverts aux spécialistes

Le changement de calendrier peut aussi s’expliquer par l’arrivée d’une nouvelle cheffe de projet à la rentrée 2018. Valérie Vacchiani succède à Anne Maheu. C’est elle qui maîtrise le calendrier prévisionnel, en coordonnant tous les acteurs du dossier tour Perret. Et ils sont nombreux. En plus d’un comité de pilotage et un autre de suivi, trois comités d’experts consultatifs ont été créés fin 2016. Y participent des spécialistes de la tour Perret, du béton, mais aussi des employés du service patrimoine de la Ville, ou encore des représentants de la Drac (Direction Régionale des Affaires Culturelles). D’après Valérie Vacchiani, c’est le comité technique qui s’est le plus réuni. Le comité concernant l’usage de la tour Perret s’est réuni deux fois seulement, dont la dernière fois en 2017. Quant au dernier comité, qui s’occupe de la partie financements, voici ce qu’en dit l’élue Martine Jullian : “Les financements ont d’abord été un peu mis de côté parce qu’il faut savoir ce qu’on va faire. Que les financeurs éventuels soient certains que les travaux vont se faire.

Aligner le budget

Déjà chiffré à 4 554 000 € par une première étude en 2003, le coût total de la restauration de la tour Perret est réévalué d’année en année, pour atteindre aujourd’hui 8 000 000 € TTC. Une estimation réactualisée par la Ville sur la base de la deuxième étude en 2012.

Visualisation des nouvelles évaluations du coût total de la restauration de la tour Perret.

Rien que pour cette dernière étude, ce sont 104 880 € hors taxes qui ont été engagés. Grâce à un document daté du 23 mars 2012, on sait que l’État a pris en charge 40% de ce coût (41 952 €). Une aide facilitée par le classement de la tour Perret aux monuments historiques en 1998. Le Conseil général de l’Isère (aujourd’hui Conseil départemental) avait aussi participé à hauteur de 40% de la somme restante, soit 25 171 €. Si la dépense des 37 757 € restants était soutenable par la Ville de Grenoble, les coûts pour la restauration grimpent cette fois à sept chiffres.

Le processus de financement devrait être le même pour l’État (la Drac) et le Département. Un communiqué de presse de la Ville de Grenoble (février 2017) évoque “environ 4 380 000 €” de subventions de ces deux institutions. Elles ont affiché leur volonté de restaurer la tour Perret, malgré le coût élevé.

Pour les monuments historiques classés, le calcul se fait sur la partie hors taxes. Sur cette base, il faudrait ainsi trouver 2 millions d’euros supplémentaires, pour atteindre 6,4 millions d’euros hors taxes environ. Dans un contexte de baisses de dotations de l’État, la Ville de Grenoble ne souhaite sans doute pas investir autant, au risque de sacrifier le reste de sa politique. C’est pourquoi les campagnes de financement, participatives, prévue autour du mécénat et d’une souscription populaire, doivent être les plus efficaces possibles pour que la Ville de Grenoble ait un minimum à investir sur ses propres fonds. L’élue Martine Jullian assure que “la Ville mettra ce qu’il faut, le restant disons, pour boucler le budget”. Rénover du béton coûte cher. Au Havre, ville reconstruite avec le concours d’Auguste Perret, un îlot de quatre bâtiments dont la structure est en béton armé a coûté 555 000 € d’après France 3 Normandie.

D’autres pistes complémentaires à ces grandes lignes sont envisagées. La municipalité pourra compter sur une aide de la Région. Par ailleurs, le nouveau comité de pilotage “plus partenarial” a intégré Grenoble Alpes Métropole, espérant aussi un appui financier de sa part. Dernière piste, le Loto du patrimoine organisé par Stéphane Bern. Il s’agit d’un loto à base de tickets à gratter de 15€, dont 10% des gains vont à des projets de restauration du patrimoine. La première édition a eu lieu en 2018. En 2019, “on va postuler” assure Martine Jullian.

Patrice Guinard-Brun (vidéo ci-dessus), membre de l’association Ensemble pour la Tour Perret Grenoble (ETPG) a aussi sa petite idée pour animer la souscription populaire. Il a récupéré quelques éclats de bétons, qu’il imagine comme contreparties intéressantes pour les passionnés. La souscription démarrera après le début des travaux, lorsque “le budget sera bien arrêté” précise la cheffe de projet.

La tour comme outil éducatif

Au-delà du défi technique qui s’annonce, la restauration de la tour Perret a été pensée comme un outil pédagogique auprès du public. L’architecte François Botton devra organiser des visites “pour qu’on puisse en parler”, que ce chantier soit ouvert aux habitants, explique Valérie Vacchiani, cheffe de projet. Actuellement, les normes de sécurité limitent l’accès à la tour Perret à 19 personnes en même temps sur la plateforme à 60 mètres. L’architecte devra réévaluer ce point. Si un accident arrivait aujourd’hui, la Ville serait directement responsable. Aujourd’hui, les deux ascenseurs d’époque ne fonctionnent plus, il faut emprunter les escaliers. Quant à l’usage de la tour après rénovation, une chose est sûre :

« La tour a été construite pour être un belvédère des montagnes, ce sera un belvédère des montagnes. » – Valérie Vacchiani, cheffe de projet.

Cependant, la restauration va être l’occasion de replonger dès 2019 sur l’époque de sa construction, de permettre à des élèves, ou futurs donateurs, d’observer les travaux de restauration. En 2017, la tour Perret avait fait l’objet d’un partenariat avec l’IUT 1 de Grenoble à l’occasion de l’éclairage de la tour pour les Journées européennes du patrimoine en septembre.

La base, artistique

Le 25 janvier dernier, une grande palissade en bois a été inaugurée avec les œuvres du street-artist Groek. Jusque-là graffeur pour son propre loisir, c’est son premier projet de cette nature, aussi proche des gens. Il se fait régulièrement interpeller, et remplit un rôle de médiateur culturel auprès du public. Ses figures géométriques reprennent des éléments de la tour Perret, ou de son histoire. C’est le cas des claustras triangulaires de l’édifice.

Benoît, 39 ans, connu sous son nom d’artiste Groek.
Exemple d’un tag inclus à l’œuvre de Groek.

Son œuvre est aussi participative. En cas de tags, Groek décide s’il souhaite “garder et inclure une partie des interventions” à son travail. C’est pour cette raison qu’il a été retenu par le jury. Cependant, les tags politiques sont effacés par le service de propreté urbaine. En effet, la tour Perret est le point de départ de diverses manifestations du moment. La palissade doit être conservée toute une année avant les premiers tests de travaux de restauration sur place. L’artiste reviendra deux jours par mois pour adapter son œuvre aux interventions.

Des habitants inattendus

Grâce aux observations assidues d’un citoyen grenoblois, la Ville de Grenoble a pu savoir que trois espèces d’oiseaux fréquentent régulièrement la tour. Jean-Marc Coquelet est bénévole à la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Il passe aux abords de la tour depuis au moins 35 ans, grâce à ses trajets domicile-travail, du quartier de la Bajatière (au Sud du Parc Paul Mistral) au Muséum d’histoire naturel (au Nord).

De gauche à droite : le faucon pèlerin, le faucon crécerelle et l’hirondelle de rochers.

Pour lui, l’espèce la plus intéressante à observer est le faucon pèlerin. Il y vient pour repérer des pigeons ou petits oiseaux, qu’il mange ensuite sur la tour. Il n’y habite pas en permanence. Il y a aussi le faucon crécerelle qui y emmène ses jeunes faucons pour s’exercer au vol. Les deux espèces de faucons dorment parfois en même temps sur la tour, “mais ils s’ignorent”. Les habitants plus réguliers sont des hirondelles de rochers, qui nichent depuis 10 ans sur la tour Perret. Jean-Marc Coquelet est capable de dire qu’un seul couple y loge, et que deux nichées s’envolent du nid par an, “malgré les tirages de feux d’artifices”.

« La tour Perret fait partie de ma vie depuis que j’observe les oiseaux dessus. J’ai appris à aimer toutes ses formes. Au début, je n’aimais pas trop le côté très béton, pas beaucoup de fenêtres. Mais en fait, elle a un style qui est assez intéressant. » – Jean-Marc Coquelet, grenoblois.

Avec le support de la LPO, il imagine pouvoir poser quelques nichoirs pour les hirondelles, avec cette contrainte d’être invisible depuis l’extérieur. Monument historique oblige. Ces nichoirs permettraient de créer une nouvelle colonie pour les hirondelles, qui sont en pertes d’effectifs ces dernières années. “Il faudra trouver des subterfuges. Un défi bien intéressant.”, s’enthousiasme-t-il. Loger des oiseaux, une idée attractive pour susciter l’intérêt de sa restauration ?

Des idées ?

À l’image de cette idée de visite de la faune, l’usage de la tour Perret peut encore évoluer. Les associations patrimoniales ont déjà toutes été sollicitées, et continuent de l’être. Cependant, l’élue Martine Jullian n’est pas contre d’autres idées, “si un habitant lambda veut transmettre ses idées, il peut écrire à la ville, à moi en particulier” [ndlr : martine.jullian@grenoble.fr].

Le processus de restauration de la tour Perret est ainsi amorcé en 2019, avec des inconnues sur les détails. Si Martine Jullian regrette ce démarrage long, “maintenant les choses sont bien parties”. Avec le label Ville d’Arts et d’Histoire délivré par le ministère de la Culture en septembre 2017, et le projet de restauration de la tour, elle espère susciter l’engouement concernant l’ensemble du patrimoine grenoblois.

« Il ne faut pas que cette restauration de la tour soit l’arbre qui cache la forêt. Il y a à Grenoble tout un patrimoine, plus modeste, qui doit être aussi considéré à sa juste valeur. J’aimerais que cette restauration de la tour Perret soit une accroche pour voir aussi ailleurs. Je pense en particulier au quartier de L’abbaye. On a réussi à le sauver à 75%. » – Martine Jullian, conseillère municipale déléguée au patrimoine.

René Bard, membre de Ensemble pour la Tour Perret Grenoble (ETPG), regarde déjà à l’horizon 2025 : “on va dire que pour ses 100 ans, elle sera là, et neuve de nouveau”. Patrice Guinard-Brun, membre du Conseil d’Administration de la même association ajoutait en interview vidéo que la tour est restée fermée durant 60 ans, pour seulement 35 années d’ouverture au public. Pour inverser la tendance, les travaux de restauration devront permettre des visites de la tour jusqu’en 2050. À moins de ne laisser à nouveau la place qu’aux hirondelles et faucons.

Ludovic Chataing, journaliste pour L’avertY.


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À découvrir aussi ce mois-ci, la carte numérique 
Voyage temporel avec la tour Perret”.

Lien : http://bit.ly/VoyagePerret